Scherzo fantastique : une composition que son auteur Josef Suk a lui-même critiquée, sûrement à tort

Le Scherzo fantastique que nous vous proposons d’écouter dans cette émission est magnifiquement interprété par l’Orchestre de la Radio tchèque.

Josef Suk | Photo: Orchestre philharmonique tchèque

L’Art nouveau est considéré comme le dernier style universel. Il s’est diffusé dans la plupart des pays européens et a imprégné l’architecture, la littérature, les beaux-arts, mais a étrangement évité la musique. En tout cas, personne ne parle de compositeurs Art nouveau. Mahler pourrait y correspondre, mais en réalité, il est plutôt un romantique tardif. Et pourtant, il existe un compositeur tchèque qu’on pourrait caractériser comme relevant de l’Art nouveau. Il s’agit de Josef Suk, élève d’Antonín Dvořák dont il a épousé la fille.

Dans sa musique, il a rompu avec la pensée impressionniste, caractérisée par ces sortes d’humeurs, d’atmosphères, cet espace insaisissable. Il a rajouté à cette esthétique une dimension symboliste, basée sur le principe de la pansophie. Cela veut dire que l’homme est lié à tout l’univers, à toute la nature : et qui sait ce que contient cette nature, si elle est matérielle ou immatérielle. Sa musique est pleine d’ornementations, comme celles que l’on trouve chez Mucha ou à la Maison municipale de Prague, qui abrite une magnifique salle de concert Art nouveau. Josef Suk correspond parfaitement à tout cela.

La salle de concert de la Maison municipale de Prague | Photo: Ivan Král,  Obecní dům v Praze

Comment cette ornementation se manifeste-t-elle dans la musique ? Eh bien, dans la gestion parfaite de l’orchestre, dans l’instrumentation. Si l’on regarde de près sa partition, on s’aperçoit que chaque note est accompagnée d’une remarque, d’un signe, d’un accent ou autre. Il ne laisse pas une seule note à la discrétion de l’interprète pour qu’il la joue à sa guise. Tout y est écrit avec précision : le résultat est élégant, spirituel, merveilleux. Le son est caressant et moderne à la fois. Voilà ce qui est intéressant chez Suk.

Josef Suk était terriblement critique envers lui-même, et a donc détruit un certain nombre de ses compositions. Il a également eu une carrière littéraire, écrivant pour des magazines, participant à diverses controverses.

Josef Suk | Photo: e-Sbírky,  Musée national,  CC BY-NC-ND 4.0 DEED

Il a même écrit de sévères critiques sur une de ses propres compositions ! Il s’agit du Scherzo fantastique que nous vous proposons d’écouter dans cette émission, magnifiquement enregistré par l’Orchestre de la Radio tchèque. Suk n’en était pas du tout satisfait. Certes pas au point de le détruire comme d’autres compositions, mais il ne l’appréciait pas vraiment.

À propos de cette œuvre, il a donc écrit qu’elle se démarquait du reste de sa création, qu’elle était plus extérieure qu’émotionnelle, qu’elle n’était qu’un jeu avec les notes ou encore qu’il s’agissait d’une composition sans enthousiasme et sans conviction. Il conclut en disant qu’il y a là un néant spirituel et qu’il n’y trouve aucune satisfaction.

'Asraël',  source: CES on-line/Centrální evidence sbírek muzejní povahy

Ne prenez pas tout cela trop au sérieux. L’autocritique est fréquente chez les compositeurs, mais souvent, ils se trompent sur leurs propres œuvres, en les condamnant alors qu’elles sont de bonne qualité. L’inverse est toutefois plus fréquent, il faut bien le dire. Quand bien même il n’y avait que la mélodie du violoncelle qui est si marquante, nous savons déjà que c’est un morceau qui vaut la peine d’être écouté. Ce Scherzo fantastique de Josef Suk est une porte d’entrée vers ses plus grands morceaux, comme la symphonie Asraël ou le poème symphonique Le Conte d’été.

Josef Suk,  'Le Conte d’été' | Photo: e-Sbírky,  Musée national,  CC BY-NC-ND 4.0 DEED
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