Selon la justice slovaque, Andrej Babiš n’a pas été agent de la police secrète communiste
Ce jeudi, la justice slovaque a rendu son verdict innocentant le ministre des Finances tchèque, leader du mouvement ANO, Andrej Babiš, des soupçons de collaboration « consciente » avec la police secrète communiste (StB). Pour les magistrats, son nom figurerait ainsi sans justification dans les archives de la StB. Soupçonné d’avoir été un agent du service de renseignements, Andrej Babiš a intenté une action en justice dans son pays d’origine contre l’Institut slovaque de mémoire de la nation, qui dispose des archives de la police secrète. En réaction au jugement, dont le compte-rendu n’a pas encore été révélé, l’Institut a déjà fait appel.
C’est ainsi qu’Andrej Babiš a commenté de Prague le jugement de ce jeudi. Membre du parti communiste dans les années 1980 et alors employé de la société du commerce extérieur, Andrej Babiš considère ses contacts avec la StB comme faisant partie de son travail car celui-ci impliquait des rapports avec l’étranger. Or, la collaboration en qualité d’agent implique une coopération secrète, comme le précise l’historien Radek Schovánek, chercheur à l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires (ÚSTR) et spécialiste des archives de la StB :
« La catégorie d’agent de la police secrète était la deuxième forme de coopération la plus étroite sur une échelle de quatre ou cinq, après la catégorie des « résidents » qui étaient très peu nombreux, environ 700 tout au long de l’existence de la StB. Etre un agent impliquait des rapports de confidentialité. Si Andrej Babiš ne considère pas ses réunions avec la StB comme secrètes, son dossier peut quand même être classé dans la catégorie d’agent si l’on se réfère aux règles de fonctionnement de la police. Or, la juge du tribunal slovaque a probablement donné raison à Andrej Babiš et à deux témoins, anciens membres de la StB, selon lesquels il s’agissait de rencontres de travail et non de relations secrètes et confidentielles. »
Si les archives de l’Institut de la mémoire nationale et les témoignages des anciens membres de la StB se contredisent, la juge doit néanmoins trancher l’affaire. Radek Schovánek explique :
« Pour le tribunal, il ne s’agit pas d’évaluer l’intensité de la collaboration d’Andrej Babiš avec la StB. La juge se trouve dans une position difficile car elle doit dire s’il a coopéré ou pas. Subjectivement, on peut comprendre qu’Andrej Babiš ne considère pas avoir été un agent de la police secrète dans le sens où il ne prétendait pas être un ennemi du régime pour pouvoir infiltrer un groupe de dissidents pour ensuite les dénoncer. Il était membre du parti communiste, dans l’environnement où il travaillait, la coopération avec la StB n’était pas quelque chose d’exceptionnel. »Ce cas d’Andrej Babiš montre à quel point les catégories juridiques peinent à refléter la complexité de la situation car même avec un verdict qui lui est favorable, Babiš ne pourra pas obtenir le certificat de lustration, un document délivré seulement aux personnes ne figurant pas dans les archives de la StB. Or, la loi protège ces archives de toute modification postérieure.
Le cas de Babiš pose également la question de la pertinence de l’usage de ces archives dont certains éléments ont été détruits aux alentours de la Révolution de velours. Si Radek Schovánek admet que la coopération d’Andrej Babiš avec la StB lui a semblé correspondre à des relations de travail ordinaires, il exclue la possibilité que le dossier de Babiš ait pu être totalement falsifié. Celui-ci contient tous les éléments formels et habituels et la pièce manquante, à savoir, la signature d’un accord de coopération, a pu ne pas être réclamée ou a tout simplement disparu avec les années. En revanche, ce qui devrait, selon Radek Schovánek, faire objet d’une recherche approfondie et d’une enquête policière menant potentiellement à de nouveaux procès, c’est le délit de faux témoignage des anciens membres de la StB ayant témoigné à plusieurs reprises, et pas seulement en faveur d’Andrej Babiš, pour blanchir certains suspects dans la même situation. Ceux-là avouent en effet avoir commis des crimes graves à l’époque du communisme comme des détournements des fonds ou la violation de leur contrat de travail et qui font aujourd’hui l’objet de prescription. On pourrait donc légitimement douter de leurs témoignages mais ces employés clament leur bonne foi. En tous les cas, le tribunal d’instance supérieure aura l’occasion de vérifier la validité de leur témoignage quand il examinera ce cas en appel.