La loi dite de lustration sème la discorde
En début de semaine, les communistes ont proposé l’abrogation de la loi dite de lustration. Adoptée en 1991 par l’Assemblée fédérale tchécoslovaque, cette loi interdit à toute personne fichée comme agent ou collaborateur de la StB entre 1948 et 1989 l’accès à une fonction au sein du gouvernement, du pouvoir judiciaire, de la police, de l’armée, des services de renseignements ou encore de la banque centrale. Les sociaux-démocrates (ČSSD) et l’Action des citoyens mécontents (ANO) du milliardaire Andrej Babiš n’y sont pas opposés mais le troisième parti susceptible d’intégrer la coalition gouvernementale en négociation, le parti chrétien-démocrate (KDU-ČSL), y est lui hostile.
Si pour certains, le dossier d’Andrej Babiš est falsifié, pour d’autres, une telle falsification est impensable, dans la mesure où des mécanismes de contrôle à l’époque l’auraient rendue impossible. L’homme fort du mouvement ANO a livré son opinion lors d’un entretien diffusé ce lundi à la télévision tchèque :
« Je crois qu’il n’est pas fondamental pour ma carrière politique de savoir si quelqu’un a enquêté sur mon cas il y a trente ans. Nous devrions enfin réussir à gérer notre passé. Car si nous continuons à nous surveiller en permanence, c'est que quelque chose ne tourne pas rond. »
La proposition des communistes d’abroger la loi dite de lustration a été étonnamment soutenue par le président des sociaux-démocrates, Bohuslav Sobotka. Et ce peut-être pour ouvrir la porte du gouvernement à Andrej Babiš, intéressé par le ministère des Finances, mais qui, pour les raisons précitées, ne possède pas de certificat de lustration. Selon Bohuslav Sobotka, la question de maintenir ou non la loi de lustration, jusqu’alors opportune, est pertinente vingt-quatre ans après la Révolution de velours.
Mais ce mardi soir, Pavel Bělobrádek, le président des chrétiens-démocrates, lesquels négocient leur participation à la future coalition avec les sociaux-démocrates et le mouvement ANO, a marqué clairement son opposition à toute révision de cette législation. Pavel Bělobrádek :« Nous pourrions certainement discuter de l’introduction de l’abrogation de la loi de lustration dans l’accord de coalition. Mais pour ma part, je n’imagine pas que nous puissions faire partie d’un gouvernement dont l’accord de coalition prévoit l’abrogation de la loi de lustration. Cela ne dépend pas de moi, ce sont les organes compétents de notre parti qui doivent se prononcer. Mais je suppose qu’il s’agirait là d’une condition inacceptable. »
Le processus de formation de la coalition tripartite semble donc singulièrement se compliquer. Dans le cas où l’abrogation de la loi de lustration devrait être incluse dans l’accord de coalition, les chrétiens démocrates n’intégreraient probablement pas le gouvernement. Pavel Bělobrádek a justifié cette position :
« Nous sommes persuadés que cette loi remplit une fonction essentielle. Il n’y a pas de raison de la modifier, seulement vingt-cinq ans après le changement de régime. On trouve toujours des personnes qui se sont compromises avec l’ancien régime de manière considérable. Et nous pensons que ces personnes ne devraient pas occuper de postes importants. »
Plusieurs autres hommes politiques, issus de camps politiques différents, rejoignent le raisonnement de Pavel Bělobrádek. Pour le vice-président du Sénat, Přemysl Sobotka (ODS), la fonction publique ne devrait pas être ouverte à quiconque lié avec le régime répressif. Selon l’ancien ministre des Finances de TOP 09, Miroslav Kalousek, « même en 1969 en Allemagne de l’Ouest on n’aurait pas imaginé que d’anciens agents de la Gestapo soient nommés à des postes dans la haute fonction publique ». La décision de la Cour, concernant la supposée collaboration d’Andrej Babiš, devrait, quant à elle, être connue au mois de janvier.