Sénateurs et ONG redoutent une politisation du ministère public
Le projet de loi portant sur la réforme du ministère public fait planer le risque d’une politisation de l’institution. Le procureur de la République, Pavel Zeman, a présenté quarante-quatre observations critiques relatives au texte. Plusieurs sénateurs et organisations non-gouvernementales se sont mobilisés pour empêcher que le projet soit soumis à l’examen du Parlement. Face à ces critiques, la ministre de la Justice, Helena Válková, s’est dit prête à certains compromis.
« Si ce projet de loi est accepté comme tel, il pourrait avoir comme conséquence un contrôle plus important des politiciens sur l’investigation. Mais ce qui est plus important encore, c’est que la loi confère au ministre de la Justice le droit de nommer le détenteur du poste le plus important dans cette structure. C’est contraire à l’indépendance de la procurature. Néanmoins, cela reste ouvert au débat. Nous devons discuter avec le gouvernement et le ministère de la Justice sur comment modifier ce projet de loi. »
Le projet en question prévoit la mise en place d’un parquet spécial de deux niveaux, parallèle à la structure actuelle. Les enquêtes sur la criminalité économique et les affaires de corruption passeraient sous la tutelle de ce nouvel organe. C’est précisément ce que Václav Láska, un avocat sénateur pour le parti des Verts, interprète comme une ingérence dans l’indépendance de ce parquet spécial :
« A mon avis, il s’agit d’une tentative de retirer l’investigation de la corruption aux procureurs actuels, à savoir Lenka Bradáčová et Ivo Ištván. Pourtant, ce sont des procureurs qui ont prouvé leur compétence et leur indépendance. Le projet de loi ouvre la voie à la nomination de nouveaux procureurs d’Etat qui seront sélectionnés par le ministre de la Justice, c’est-à-dire par un politicien. »Pour les critiques du projet, la nomination des chefs de ces deux nouveaux organes par le ministre de la Justice représente un danger de voir le ministère public se politiser. Elu sur la liste du parti des Pirates, le sénateur Libor Michálek est, lui aussi, inquiet :
« Les nouveaux procureurs seraient sélectionnés par des commissions de désignation et on se dispute sur le nombre de membres de ces commissions que le ministre de la Justice pourra nommer au lieu de parler des exigences que nous devrions avoir sur les candidats en termes d’intégrité personnelle et d’expertise. Par ailleurs, selon le projet actuel, le ministre de la Justice pourrait ne pas respecter les recommandations de ces commissions et aurait le droit de décider en dernière instance de la nomination des chefs de ces parquets spéciaux. »
Le ministère de la Justice assure que l’indépendance des procureurs serait assurée non pas à travers le processus de leur désignation mais par le fait que ceux-ci ne pourront pas être révoqués. Par le renforcement du rôle du ministère dans le fonctionnement des parquets, la ministre Helena Válková entend instaurer ce qu’elle appelle un « contrôle démocratique » des procureurs. Néanmoins, elle s’est déclarée prête à des compromis. Ainsi, la clause sur la libre désignation des procureurs par le ministre pourrait être raillée du projet. La structure à deux niveaux des parquets spéciaux serait également ouverte à débat.Si les opposants à ce projet ne sont pas unanimes sur les contours concrets d’une proposition alternative, ils s’accordent néanmoins sur le fait qu’un statut quo vaudrait mieux que le projet présenté le ministère de la Justice.