Šmicer : « Sans les joueurs de Plzeň, nous ne serions peut-être pas à l’Euro »

Vladimír Šmicer, photo: Isifa

Pour sa première rencontre de préparation en vue de l’Euro 2012, mercredi dernier, l’équipe de République tchèque de football a fait match nul en Irlande (1-1). Malgré l’égalisation concédée dans les dernières minutes après l’ouverture du score par Milan Baroš en début de seconde mi-temps, les Tchèques sont repartis de Dublin avec un sentiment prédominant de satisfaction. A un peu moins de cent jours de leur premier match de groupe contre la Russie, les hommes du sélectionneur Michal Bílek ont confirmé qu’ils étaient bien sur une pente ascendante après leur qualification pour le championnat d’Europe en fin d’année dernière. Une analyse confirmée en français au micro Radio Prague par le manager de la Reprezentace, Vladimír Šmicer. Voici un très large extrait de cet entretien :

Vladimír Šmicer,  photo: Isifa
« Oui, c’était un bon match pour nous. Il ne nous a pas manqué grand-chose pour le gagner. C’est un peu dommage d’avoir encaissé ce but à la fin, mais on a montré de belles choses et un jeu positif. C’est important parce que, il y a encore un an de cela, nos matchs amicaux étaient mauvais. Alors, ce que l’on veut d’abord retenir cette fois, c’est d’avoir produit du beau jeu. On mettra donc l’égalisation concédée sur le compte des nombreux changements effectués en deuxième mi-temps. Ce n’est pas grave. On ressort de ce match avec beaucoup d’éléments positifs. »

Justement, par rapport aux critiques qui ont plu ces deux dernières années après vos matchs amicaux il est vrai catastrophiques - on se souvient par exemple de la défaite 3 à 0 concédée en Norvège en août dernier - était-ce important pour la confiance de faire bonne figure en Irlande et de bien commencer l’année 2012 ?

L'équipe de République tchèque de football a fait match nul en Irlande  (1-1),  photo: CTK
« Oui, c’était très important pour nous. On a gagné nos trois derniers matchs en 2011 avec les barrages et le dernier match de groupe en Lituanie, et on voulait continuer dans le même état d’esprit. Ce match en Irlande était d’autant plus important que le prochain rassemblement de l’équipe nationale est prévu en mai, juste avant le championnat d’Europe. Il fallait donc emmagasiner une certaine confiance et bien nous préparer. C’était le dernier test et on ne voulait surtout pas le perdre. »

Sur ce match à Dublin, mises à part les dix premières minutes durant lesquelles vous avez subi la pression irlandaise, vous avez plutôt maîtrisé et contrôlé les débats. Toutefois, notamment en première mi-temps, vous vous êtes procuré assez peu d’occasions. Que vous a-t-il donc manqué pour être plus dangereux devant le but irlandais ?

« C’est vrai que les Irlandais étaient un peu mieux en place que nous en début de match. Mais après ce premier quart d’heure, nous avons mieux contrôlé le match. Malheureusement, nous n’avons eu le contrôle du ballon que jusqu’aux 16 mètres irlandais et il n’y avait pas de finition. On n’a pratiquement pas tiré au but, on a certes eu quelques centres, mais qui n’étaient absolument pas efficaces. A la mi-temps, nous avons donc demandé aux joueurs d’essayer de frapper plus souvent au but. »

« En forme, Baroš reste un très bon attaquant »

Ces consignes ont porté leurs fruits puisque vous avez marqué dès l’entame de la deuxième mi-temps par Milan Baroš. Est-ce important que Baroš précisément ait retrouvé le chemin des filets après une longue période sans but en équipe nationale ? C’est un joueur sur lequel le sélectionneur Michal Bílek compte beaucoup, mais qui a été critiqué ces derniers temps et qui, encore une fois, n’avait plus marqué depuis longtemps, ce qui est quand même embêtant pour un attaquant ?

« Oui, c’est important pour la confiance de Milan. Nous disposons certes de deux ou trois attaquants, mais ils marquent peu. Ce sont plutôt nos milieux de terrain qui le font. Nous avons donc besoin d’un Baroš en forme. Le problème, c’est qu’il a eu de nombreux ennuis physiques ces dernières saisons. Il est souvent blessé et ce n’est pas évident de retrouver la forme à chaque fois. L’idéal maintenant serait qu’il ne se blesse plus avant la fin de la saison et qu’il puisse bien se préparer pour le championnat d’Europe. Quand il est en forme et capable de courir 90 minutes, Milan reste un attaquant de très haut niveau. »

A sa décharge, il faut dire que s’il marquait plus de buts auparavant en équipe nationale, c’est aussi parce que celle-ci évoluait avec deux attaquants, et notamment avec Jan Koller qui abattait beaucoup de travail. Et puis Baroš avait derrière lui un milieu de terrain d’une autre qualité que l’actuel, tout cela dans une équipe nettement plus offensive que celle d’aujourd’hui… La position de Baroš, souvent esseulé à la pointe de l’attaque, est quand même souvent compliquée…

Milan Baroš,  photo: David Kalvas
« Oui, c’est un autre système. Avant, c’était beaucoup plus facile pour lui, effectivement parce que Jan Koller était un très grand joueur. Toutes les défenses adverses se concentraient d’abord sur lui en raison de son gabarit. Le rôle de Milan consistait alors à tourner autour de Koller et à récupérer les ballons qui lui étaient remis ou déviés. C’est vrai aussi que nous avions un milieu de terrain très offensif. Maintenant, Milan est souvent seul en pointe, et c’est forcément nettement plus compliqué pour lui. Parfois, il n’a pas le soutien dont il aurait besoin. Mais c’est comme ça… Le foot a évolué. Mais on peut aussi changer de système en cours de match. On a deux joueurs avec Necid et Pekhart qui peuvent jouer dans un rôle semblable à celui de Koller et nous permettre de passer d’un 4-5-1 à un 4-4-2 selon nos besoins et l’évolution du match. »

Vous avez évoqué les pépins physiques dont souffre régulièrement Baroš. Autre joueur-clef confronté à ce problème : Tomáš Rosický, qui était d’ailleurs absent en Irlande pour cette raison. Même s’il est considéré comme indispensable à l’équipe nationale, son forfait à Dublin, compte tenu précisément de la répétition de ses blessures, n’était-il pas un mal pour un bien ?

« Tout à fait. Bien sûr, Tomáš nous a manqué sur le terrain, mais c’est vrai que lui aussi est souvent blessé. Son absence a donc permis à l’équipe de jouer un match difficile sans lui. Et je pense que Jiří Štajner ou Daniel Kolář, même s’il a perdu un ballon qui nous a coûté l’égalisation mercredi, ont démontré qu’ils pouvaient nous rendre service. »

« Peu importe leur championnat, nous sélectionnons les joueurs en forme »

En parlant de Štajner et Kolář, ce sont deux joueurs qui évoluent dans le championnat tchèque. Dans le groupe pour l’Irlande figuraient six joueurs qui portaient le maillot du Viktoria Plzeň à l’automne dernier. Qu’est-ce que ces joueurs de Plzeň, qui ont participé à la Ligue des champions et qui ont été éliminés très honorablement par Schalke 04 en Ligue Europa la semaine dernière, ont apporté à l’équipe nationale ? On a le sentiment qu’il y a désormais plus de confiance et d’enthousiasme, un nouvel élan. Pouvez-vous confirmer ?

Jiří Štajner,  photo: CTK
« C’est clair ! Plzeň ‘carbure’ bien et pratique un très bon football avec beaucoup de confiance. Et ils apportent cette confiance dans le vestiaire de l’équipe nationale. Ca donne un nouvel élan aux plus anciens comme Rosický, Baroš et Čech. Les joueurs de Plzeň ont faim. Ils ont faim de bons matchs, de résultats, et leur envie nous aide beaucoup. Je pense même que sans eux, nous ne nous serions peut-être pas qualifiés pour la phase finale de l’Euro. »

La philosophie de l’encadrement de l’équipe nationale n’a-t-elle pas changé aussi ? Ne sélectionnez-vous pas désormais plus de joueurs en forme du championnat tchèque plutôt que des joueurs de l’étranger qui auparavant étaient appelés sur leur nom ou pour leur expérience, mais dont les performances n’étaient pas forcément satisfaisantes ?

« On n’était plus habitués à avoir autant de joueurs du championnat tchèque en équipe nationale. Mais cela nous permet de bien observer les joueurs. Et quand ils sont en forme et jouent bien, les sélectionner n’est pas un problème pour nous. Jusqu’à présent, ces joueurs ont été auteurs de bonnes performances, tandis que ceux qui partent à l’étranger ne sont pas toujours titulaires dans leurs clubs et leur état de forme n’est pas le même. Notre devise est donc d’abord de faire jouer les joueurs en forme, même s’ils sont du championnat tchèque. »

FC Plzeň,  photo: CTK
Au-delà des résultats, relativement bons compte tenu des modestes moyens du club et de la présence de Barcelone et du Milan AC dans son groupe en Ligue des champions, le plus positif concernant le parcours de Plzeň en coupes d’Europe n’est-il pas de se dire qu’une équipe tchèque peut être compétitive à l’échelle internationale sans renier son propre jeu et en pratiquant un football tourné vers l’avant ?

« Je pense que cela a été une surprise pour tout le monde. On savait que Plzeň était capable de bien jouer dans le championnat tchèque, mais on était curieux de voir ce que cela donnerait contre Barcelone et Milan. Et ils ont fait de bons matchs… C’était un peu une surprise pour nous, mais surtout une source de motivation pour l’équipe nationale. Les supporters pensaient qu’après le départ de la génération des Nedvěd et Poborský, il n’y aurait plus personne en équipe nationale. Aujourd’hui, ils découvrent qu’une équipe comme Plzeň peut aussi pratiquer un beau football. Ca donne aussi envie à la nouvelle génération de joueurs. Ils se disent que eux aussi peuvent être bons. »

« J’espère jouer contre la France en 2013 »

Comment va désormais se poursuivre la préparation en vue de l’Euro ?

« On se retrouvera fin mai et on partira pour un stage d’une semaine en Autriche, où on disputera un match contre Israël, le 26. Ce sera notre premier match de préparation. Ensuite on rentrera à Prague pour une semaine à la fin de laquelle est prévu un second match contre la Hongrie. Ce sera le 1er juin, deux jours avant notre départ pour la Pologne et une semaine avant notre premier match de groupe contre la Russie. Ca nous fera à peu près trois semaines de préparation avec donc deux matchs amicaux. »

Un match de préparation contre l’équipe de France avait un temps été évoqué…

« Ca ne s’est pas fait parce que nous avions déjà conclu nos matchs pour le 26 mai et le 1er juin. Il y avait une possibilité de jouer un match en France le 29, mais c’était trop tard. Nous avons reçu une proposition de la France lorsque notre programme de préparation était déjà établi et fixé. C’est dommage, mais j’espère bien jouer contre la France une prochaine fois. »

Peut-on déjà envisager une date ?

Photo: Jan Tauber,  nv.fotbal.cz
« J’aimerais bien jouer en février 2013 pour le premier match amical de l’année. On verra si c’est possible, plutôt en France car les conditions météo ne sont pas souvent favorables à cette période en République tchèque. »

Israël et la Hongrie ne sont pas vraiment des gros calibres. Est-ce un choix de votre part ? N’aurait-il pas été mieux d’avoir un test contre un adversaire plus costaud avant le championnat d’Europe ?

« C’est toujours la question. Vaut-il mieux disputer un match très difficile avant un tournoi comme l’Euro ? Je pense d’abord que pour nous, tous les matchs sont difficiles (rires). Israël et la Hongrie, ce sont quand même deux équipes pas mal. Je ne pense pas que ce soit si important. Ce qui l’est surtout pour nous, c’est de disputer deux matchs pour que les joueurs trouvent ou retrouvent certains automatismes et habitudes. On a joué suffisamment de matchs difficiles ces deux dernières années, alors je ne pense pas que de ne pas jouer contre l’Angleterre, la France ou l’Allemagne nous manquera. Ce sont des adversaires qu’on préférerait rencontrer au championnat d’Europe… »