Soixante ans après la fin de la guerre, une porcherie se trouve sur le site de l'ancien camp de concentration pour Roms à Lety
L'un des chapitres tragiques de l'histoire tchèque - la solution dite finale réservée par les nazis aux Roms de Bohême et de Moravie. Sur près de 6000 Roms installés, selon un recensement de 1939, sur notre territoire, moins d'un dixième a survécu à la guerre : plus de 5500 Roms ont été déportés dans le camp d'extermination d'Auschwitz. Mais avant encore, ils sont passés par deux camps de concentration pour Roms créées sur ordre des nazis par le gouvernement du protectorat de Bohême - Moravie: l'un près de Hodonin, en Moravie du sud, l'autre à Lety près de Pisek, en Bohême du sud. Soixante ans après la fin de la guerre, les Roms continuent toujours de réclamer, en vain, le déplacement d'une porcherie industrielle construite dans les années 70, à l'endroit même des anciens baraquements de Lety.
"Nous sommes sur le lieu du dernier repos involontaire des victimes rom du nazisme. Nous nous trouvons à 150 mètres du lieu où ils ont péri. La mémoire des victimes du camp est depuis 30 ans déshonorée par une porcherie industrielle. Des personnalités étrangères influentes, dont Günter Grass et Simon Wiesentahl sont intervenues. 241 enfants victimes de Lety accusent. L'existence d'une porcherie reflète fort bien toute la difficulté des rapports à l'intérieur de la société tchèque. N'oublions pas que les victimes rom de Lety étaient des citoyens tchécoslovaques. Par sa résolution sur les Roms, du 27 avril dernier, le Parlement européen a appelé la République tchèque à éliminer la porcherie. Une information de toute actualité: notre comité a demandé au gouvernement allemand d'aménager ces lieux du souvenir selon nos propositions. Nous voulons y faire un sentier conduisant autour de l'ancien camp, pas du tout un monument coûteux, mais cela signifie, tout d'abord, éliminer la porcherie."
Jan Vrba a 62 ans et il a, comme lieu de naissance, le camp de Lety où ses parents étaient déportés. Sa soeur et son grand-père y sont morts. Que dit-il de l'existence de la porcherie ?
"C'est une atteinte à l'honneur de la mémoire des morts, elle devrait disparaître, et le lieu devrait être aménagé avec piété, comme il en est, en pareil cas, partout dans le monde, pour que les Roms ne soient plus discriminés."
Le camp de Lety a été installé en 1941, d'abord en tant que camp de travail et d'incarcération pour les Roms errants sans domicile fixe. Or, au début, il n'y avait pas que des Roms. En 1942, il a été transformé en camp de concentration pour Roms, uniquement, et servait de camp transitoire vers le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Dans sa récente résolution relative à la situation des Roms, le Parlement européen a appelé la République tcheque à éliminer la porcherie. Le député du Parlement européen pour le parti communiste tchèque, Miroslav Ransdorf, y a réagi en mettant en doute l'existence d'un camp de concentration à Lety. Et il n'est pas le seul : au quotidien Lidove noviny, le président de la République, Vaclav Klaus, a déclaré que Lety n'était pas un camp de concentration au sens du mot, mais un camp pour ceux qui refusait de travailler. L'éditorialiste de Pravo, Petr Uhl, a décidé de porter plainte contre Miroslav Ransdorf. Je lui ai demandé des explications:
"J'ai porté une plainte qui est un appel à sa poursuite judiciaire. Je l'ai fait non pas parce que l'eurodéputé tchèque Ransdorf a voté contre la résolution du Parlement européen sur les Roms et donc contre la nécessité d'annuler la porcherie, mais parce qu'il a déclaré aux journalistes qu'on propage des mensonges énormes sur Lety, et qu'il n'y avait pas de camp de concentration ici. Selon la terminologie nazie, même Auschwitz n'était pas un camp de concentration, pendant une certaine période. C'est absurde d'utiliser la terminologie nazie. En plus de cela, M. Ransdorf nie le fait que les gardiens ici, à Lety, c'était des gens locaux qui parlaient tchèque, c'était des gendarmes du Protectorat de Bohême - Moravie, un organe d'occupation comme le régime de Vichy en France. Une différence: en France, on a reconnu la culpabilité historique, alors que nous, nous disons, les coupables ce sont les Allemands. Le processus n'a pas encore été réalisé et cela commence. Nous devons reconnaître que ce n'était pas des unités SS comme à Terezin, mais que, malheureusement, c'était des gendarmes tchèques, qui, après la libération, n'ont pas été jugés. C'est notre problème et, dans ce sens, il faut que ce soit nous qui le règle, et l'aide, l'assistance du Parlement européen est adéquate, normal et sympathique, d'autant que c'était sur proposition d'un député, d'un citoyen tchèque qui est aussi citoyen allemand, qui siège au Parlement pour les Verts allemands: c'est Milan Horacek, exilé de 1968 qui, après 1989, a pris la double nationalité et qui est aujourd'hui député à Strasbourg."