Sommet européen de Prague : « Le soft-power tchèque tient à sa capacité de compromis »
Le Sommet européen de Prague s’est achevé ce jeudi. Pendant trois jours, divers représentants politiques et experts ont été réunis pour discuter de l’avenir de l’Europe face aux mutations politiques et économiques en cours. A l’occasion du centenaire de la fondation de la Tchécoslovaquie, le secrétaire d’Etat tchèque aux affaires européennes, Aleš Chmelař, et son homologue slovaque Ivan Korčok, se sont penchés sur le rôle de leurs deux pays dans l’élaboration des futures réformes européennes.
Lors de la conférence animée mercredi par le président du think-tank Europeum, Vladimír Bartovic, les représentants tchèque et slovaque ont tout de même salué les réflexions entreprises lors de ce sommet, qui se sont concrétisées selon eux lors de la déclaration de Rome en mars 2017. Ils ont toutefois rappelé qu’il s’agissait de compromis sur lesquels les Etats européens devaient encore travailler. Parmi les principaux enjeux se trouve en effet le sujet particulièrement sensible de la migration, dont les chefs d’Etat et leurs gouvernements doivent débattre la semaine prochaine au Conseil européen. Le public de la conférence, interrogé par un sondage en direct, s’est montré plutôt sceptique à l’idée que les dirigeants trouvent un accord sur le sujet à cette occasion. Inversement, Aleš Chmelař est plus optimiste :
« J’attends de ce débat qu’on puisse trouver un consensus qui unifie l’Europe sur une question pour laquelle nous n’avons pas de divergences : l’aspect externe de la solution à la crise migratoire. Il y aurait une certaine dimension innovatrice à cette solution, qui serait faite en accord complet avec les pays tiers. Cela faciliterait ensuite le travail de l’Europe pour concevoir un système ou une réforme du système européen d’asile commun. Il faut travailler sur les deux côtés à la fois : l’aspect externe pour réduire les flux migratoires et l’aspect interne pour réduire la pression qui s’impose aux pays membres, surtout ceux qui se situent sur la frontière maritime de l’Union européenne. »
Le secrétaire d’Etat slovaque a quant à lui insisté sur le fait qu’il n’y aurait pas de solution miracle, et que les quotas obligatoires « ne pouvaient pas être une solution. »
Autre point majeur qui sera discuté lors de ce Conseil européen : le budget européen 2021-2027 (Multiannual Financial Framework), contesté par le Premier ministre Andrej Babiš. Aleš Chmelař revient sur les enjeux de cette décision :« Il y a deux aspects qui sont importants pour la République tchèque. Le premier, ce sont les politiques traditionnelles, c’est à dire la cohésion et l’agriculture : elles doivent garder leur importance dans le prochain budget. C’est très important et je pense qu’au niveau de l’agriculture, c’est quelque chose qu’on partage avec la France. Deuxièmement, une certaine flexibilité et un niveau de contrôle des pays membres sont aussi importants pour la République tchèque. Le niveau de co-financement va très probablement augmenter de 15 à 30 % et c’est donc tout à fait naturel que les pays membres aient aussi un mécanisme de contrôle et de flexibilité, pour diriger les fonds vers les projets et les secteurs qui sont importants pour eux. »
Les sujets de la défense européenne, sur laquelle l’Union européenne s’est engagée à Bratislava, mais aussi de l’innovation, de l’emploi et des relations avec les pays extérieurs à l’Union seront aussi abordés. Les secrétaires d’Etat tchèque et slovaque ont sur ce point évoqué des « pressions » qui surgissent tout autour de l’Europe et qui nécessitent de trouver une convergence entre les pays membres pour y faire face. Ils ont cité entre autres les ambitions de la Russie, mais aussi la menace économique de Donald Trump aux Etats-Unis ou encore le Brexit. Selon Aleš Chmelař, la République tchèque sera tout à fait à même de se faire entendre lors du Conseil européen. Il compte en effet sur son influence auprès des autres Etats membres :
« Je pense que le pouvoir, le soft-power tchèque, tient à sa capacité de compromis. Comme nous nous situons au centre de l’Europe, nous avons un grand intérêt à ce que l’Union européenne ne soit pas divisée. Je pense que géographiquement et économiquement - puisque la République tchèque est un pays aux revenus moyens, ni l’un des pays les plus pauvres ni l’un des plus riches - nous avons une opportunité, notamment avec la Slovaquie, de modérer le débat européen pour trouver des compromis qui pourraient être une initiation de solution européenne pour tout le monde. Nous jouons plutôt un rôle de soft-power dans l’Union européenne car la force de notre vote au Conseil, qui est tout de même importante puisque nous avons 10 millions d’habitants, ne pourra pas tout faire. C’est par notre diplomatie, notre originalité et une certaine tendance à chercher et à trouver des consensus qu’on trouvera des solutions. »Les mots de « consensus » et de « compromis » auront donc dominé largement ce sommet européen. Pour Aleš Chmelař et Ivan Korčok, la solution ne pourra venir que par le débat. Tout est ainsi question de travail et de discussions, même s’il doit en résulter un certain immobilisme. Aleš Chmelař a d’ailleurs indiqué lors de la conférence que « savoir que l’on ne peut pas faire grand-chose est déjà un résultat du débat. » Après le Conseil européen, de nombreux autres débats restent encore à mener. Les représentants de la République tchèque et de la Slovaquie ont ainsi cité la question de la zone euro, les perspectives financières et l’éducation comme les principaux points sur lesquels l’Europe devrait statuer.