« Soul of money », une réflexion sur les effets du capitalisme au DOX

Photo: Dominika Bernáthová

Jusqu’au 6 juin, le centre d’art contemporain DOX présente une réflexion sur une problématique d’actualité depuis maintenant plusieurs décennies : le capitalisme. L’exposition « Soul of money » présente les œuvres de nombreux artistes tchèques et met en lumière les effets néfastes d’un système régi par le capital. Plus qu’une simple critique, le curateur de l’exposition Leoš Válka a tenté de questionner de façon presque philosophique nos comportements face au diktat de l’argent.

Photo: Dominika Bernáthová
Adam Smith serait le père fondateur du capitalisme, mais cette idée est aujourd’hui largement démentie. La notion de capital est un concept ancré dans nos sociétés depuis bien longtemps, l’Europe coloniale du XVe siècle peut en témoigner. Marx avait réussi à proposer une alternative au système que les régimes totalitaires ont instrumentalisé avec les résultats que nous connaissons.

Pour beaucoup pourtant, cette alternative demeure d’actualité aujourd’hui et fait de cette exposition un sujet en phase avec notre quotidien. Leoš Válka, le conservateur du DOX, explique son choix :

Leoš Válka,  photo: ČT
« J’ai choisi ce thème car il m’a toujours fasciné. Notre relation à l’argent est très ambiguë, nous sommes nés dans un monde basé sur les transactions monétaires. Nous sommes confrontés à l’argent tout le temps. Il y a un nombre monumental de personnes qui n’arrivent pas à s’en sortir, elles essayent juste de survivre. Donc le contraste entre les gagnants et les perdants est là, et cette notion est très flexible, car pour quelqu’un qui vit en Afrique, en Asie, en Inde, le niveau de pauvreté en République tchèque serait une chance donc c’est vraiment relatif. C’est ce qui me fascine. Le plus important, c’est cette chose bizarre de savoir que nous vivons au XXIe siècle et que tant de personnes vivent dans la pauvreté. Il y a le travail des enfants, l’esclavage moderne qui font partie de notre siècle et les gens ne réalisent pas cela. On est tellement chanceux ! »

Si Leoš Válka souligne la dangerosité d’un système qui laisse fatalement les plus pauvres d’un côté et les plus riches de l’autre. Il ne prétend toutefois pas de proposer des solutions à ces maux. Selon lui, l’exposition n’a pas pour dessein de diaboliser le capitalisme, mais d’en présenter tous ses aspects.

« L’exposition ne dénonce pas le capitalisme, j’ai été très prudent sur cela. Le capitalisme est très mauvais, mais a aussi permis de faire des choses incroyables. Le système occidental, c’est un système que l’on ne saurait remplacer car historiquement il y a eu des tentatives : le communisme, le fascisme. Fatalement le capitalisme en sort gagnant, d’un point de vue pratique, cela fonctionne. Historiquement le capitalisme, était le système qui a apporté le développement des technologies, de l’industrie, de la concentration du capital. »

Photo: Dominika Bernáthová
Réfléchir sur le concept même du capitalisme est un sujet omniprésent dans nos sociétés. Les mouvements comme Podemos en Espagne ou encore Nuit Debout en France peuvent en témoigner. Seulement ces contestations reflètent le paradoxe même de nos interrogations car chacun s’accommode du système. Selon Leoš Válka, le constat est plutôt amer : nous sommes tous corrompus et le marché de l’art l’est d’autant plus :

« Je crois que le marché de l’art est le pire. C’est une orientation basée sur le profit. Le monde de l’art prétend qu’il ne traite pas avec l’argent sale, ce qui est absurde. Et j’espère que cela est évident et se lit dans l’exposition. Il faudrait peut-être une seconde exposition, consacrée uniquement au marché de l’art car c’est une problématique très importante mais aussi très sensible. »

Très populaire notamment chez les jeunes, « Soul of money » attire tant par la controverse du sujet que par l’éclectisme de ses œuvres. Pour Leoš Válka, l’objectif est de rendre l’exposition ouverte à tous. Selon lui, les œuvres peuvent être comprises à plusieurs niveaux, une manière de diffuser efficacement leur message.

« Il y a des gens qui adorent le ‘Supermarché de la mort’ parce que c’est très bizarre et drôle mais c’est tragique, cela signifie que la mort n’échappe pas au concept d’échanges commerciaux. On essaye toujours de rendre l’exposition accessible à tous. Regardez les photos en noir et blanc des enfants travailleurs : pour moi il est difficile d’imaginer quelqu’un d’insensible à ces photos. Cette exposition n’est pas seulement à prendre au premier degré, les significations sont bien plus profondes. Donc il y a plusieurs degrés d’interprétation. »

Rendez-vous donc au DOX jusqu’au 6 juin pour réfléchir sur les ambiguïtés du système dans lequel nous vivons…