Stella Marisová : le parcours d’une soprano tchèque en France
Je me souviens bien de notre première rencontre, de notre première interview : c’était l’hiver et Stella Marisová, coiffée, comme d’habitude, d’un joli chapeau, m’attendait à l’Institut français de Prague. Nous ne nous étions jamais vues auparavant. Je l’identifie immédiatement – les femmes tchèques portent rarement un chapeau... Stella est tchèque, évidemment, mais elle vit, depuis la moitié des années 1990, en France, à Bordeaux.
« Je chante depuis l’âge de 4 ans. Mes parents ont remarqué que j’avais une bonne voix et que j’adorais chanter, ils m’ont donc tout de suite inscrite dans une école de musique. Dans notre famille, nous faisions beaucoup de musique, nous chantions... Mes parents étaient des musiciens amateurs. Mon père et mon oncle, ils avaient tous les deux des ambitions musicales, mais dans les années 1950, on ne pouvait pas toujours faire ce qu’on voulait... Ils ont dû choisir une autre formation. Quand j’ai été admise au Conservatoire, ils étaient ravis. »
Vous êtes originaire de Moravie du Sud, cette région vous a sans doute influencée.« Bien sûr. La musique y est omniprésente. Je viens d’une petite ville de 7 000 habitants mais où il y avait une chorale de 70 enfants, un orchestre et une ‘dechovka’ - un ensemble d’instruments à vent. »
Vous avez donc étudié au Conservatoire et ensuite à l’Académie Janáček de Brno. Quel a été ensuite votre parcours ?
« J’ai chanté à l’Opéra Janacek de Brno, dans des spectacles d’opérettes au Théâtre Reduta de Brno, à l’Opéra Mozart de Prague et ensuite, j’ai poursuivi ma carrière en France. J’ai collaboré avec National Symphony Orchestra de Londres, l’Ensemble baroque de Toulouse, le Collegium Musicum d’Aquitaine... Maintenant, je collabore avec les orchestres philharmoniques de Hradec Králové et de Zlín… »
Comment vous vous êtes retrouvée en France ?
« C’était en 1993. J’étais venue pour participer, avec le Collegium Musicum d’Aquitaine, à un festival de musique spirituelle. J’ai chanté le Te Deum d’Antonín Dvořak, le Stabat Mater de Pergolèse, Vivaldi… En 1997, je me suis installée définitivement à Bordeaux. »Quelle était pour vous la principale difficulté à cette étape de votre vie ?
« Me faire connaître, évidemment. Je savais que mon domaine, c’était le soprano colorature, des tessitures assez hautes, ce qui n’est pas facile pour tout le monde. J’ai donc proposé cela. J’ai chanté l’air de la Reine de la Nuit, Olympia… Même récemment, j’ai participé à un projet de musique contemporaine. C’était un pupitre assez difficile : le Rossignol dans un opéra intitulé Les Esprits de Garonne. »
Depuis plusieurs années, Stella Marisová, épaulée par son mari William Sirben, réalise en France le projet intitulé Noël tchèque. Ce programme, prévu également pour les fêtes de Noël 2011, remporte beaucoup de succès. Dans une de nos précédentes émissions, Stella nous parlait de l’édition 2007 de Noël tchèque en France, particulièrement réussie.
« L’idée de départ était de faire une tournée. Elle a commencé à Paris, ensuite nous avons chanté à Bordeaux, St-Jean d’Illac, Landiras, Coarraze, Brive et Langon. Au tout début, je m’étais adressée à des écoles, des orchestres et des chorales de plusieurs villes de France, susceptibles de prendre part à ce projet. Le but était qu’ils apprennent à interpréter une partie de la Missa Brevis de Jiří Pavlica, ou alors, au moins, quelques chants de Noël tchèques. J’avais rencontré des gens, je leur avais proposé des partitions... Enfin, les Français ont pu, effectivement, collaborer au concert aux côtés des Tchèques. J’ai donc fait venir un bus de musiciens tchèques : un orchestre à cordes et une chorale. Je me souviens en particulier du concert que nous avons donné à Bordeaux et où la participation des Français a été très forte : une chorale a chanté toute la Missa Brevis et les enfants de plusieurs écoles ont interprété cinq chants de Noël tchèques. Vous savez, ce n’était pas facile : au début, j’avais dû organiser une sorte de stage pour les professeurs de musique des écoles respectives, pour qu’ils soient capables ensuite d’apprendre les chants tchèques aux élèves. A Langon, par exemple, soixante petits Français ont chanté ‘Byla cesta byla ušlapaná’, c’était inoubliable. Nous, les Tchèques, on avait tous des frissons... » En effet, rien de plus simple pour Stella Marisová que d’apprendre aux Français à chanter en tchèque. En voici une preuve : en juillet 2006, cinq Français ont participé à son stage de chant en République tchèque, au fin fond des montagnes Orlicke hory. Radio Prague était là…Pour terminer cette émission en beauté, je vous passe l’extrait de l’air le plus connu de l’opéra Rusalka (L’Ondine) d’Antonín Dvořák. Il est tiré du CD des chansons et airs d’opéras que de Stella Marisová a enregistré en 2007. Si vous voulez en savoir plus sur la chanteuse et ses activités, voici deux sites Internet qui vous seront utiles :
www.franco-tcheque-aquitaine.com
www.stella-marisova-artiste.com