Syrie : le chef de la diplomatie tchèque favorable à un durcissement de ton envers la Turquie

Recep Tayyip Erdogan, photo: ČTK/AP/Uncredited

Les présidents russe et turc se sont accordés, mardi, pour prendre le contrôle en commun de la majeure partie de la frontière turco-syrienne. Ankara a de son côté mis fin à son opération militaire démarrée le 9 octobre dernier, assurant qu’après le retrait des combattants kurdes, il n’était pas nécessaire de lancer une opération militaire supplémentaire dans le nord-est syrien. Est-ce une solution à long terme ? Quelques heures avant la fin des négociations entre Vladimir Poutine et Recep Tayyip Erdogan, le chef de la diplomatie tchèque Tomáš Petříček s’est expliqué sur le sujet à la Radio tchèque. Dans cette interview, il a proposé de durcir le ton face à Ankara.

Recep Tayyip Erdogan,  photo: ČTK/AP/Uncredited
« Nous avons surtout des moyens économiques pour faire pression sur la Turquie. Les Etats-Unis ont déjà mis en place des sanctions économiques imposées à Ankara. L’Union européenne n’est pas inactive, elle coordonne la suspension des livraisons d’armes à la Turquie. Actuellement, il me semble très important de s’occuper de la situation dans le cadre de l’ONU. »

« Outre l’opération militaire au nord de la Syrie, l’Union européenne fait face à un autre problème lié à la Turquie : il s’agit des forages illégaux qu’elle réalise au large de Chypre. Dans ce cas, l’Europe prépare des sanctions envers la Turquie. (…) L’Union européenne doit surtout mettre en place des moyens politiques pour résoudre le conflit qui secoue la Syrie depuis huit ans. Personnellement, je soutiendrais l’introduction des sanctions économiques plus sévères envers Ankara, mais cette décision devrait être prise par toute l’Union européenne. »

Tomáš Petříček,  photo: Michaela Danelová,  ČRo
Pour rappel, la République tchèque s’est rangée parmi les premiers pays européens à avoir suspendu avec effet immédiat leurs livraisons de matériel militaire à la Turquie quelques jours seulement après le début de son offensive militaire dans le nord-est de la Syrie.

Le 15 octobre dernier, les députés tchèques ont adopté une résolution condamnant cette opération militaire déclenchée par Ankara, une opération qui, estiment-ils, viole le droit international. Cette résolution donne également autorité au Premier ministre Andrej Babiš pour soutenir, au sein de l’Union européenne, des mesures économiques et politiques visant à contraindre la Turquie à stopper son offensive.

Miloš Zeman à la Chambre des députés,  photo: ČTK/ Michal Krumphanzl
Le geste des parlementaires a été salué, ce mercredi, par le président tchèque Miloš Zeman, venu à la Chambre des députés pour s’exprimer à propos du budget de l’Etat. « Je suis entièrement d’accord avec la position prise par la Chambre des députés en ce qui concerne l’opposition de la nation kurde à l’occupation turque », a déclaré Miloš Zeman. Interrogé récemment sur le sujet par la chaîne de télévision TV Barrandov, le président n’a pas mâché ses mots : « A mon avis, la Turquie a commis des crimes de guerre et ne devrait pas devenir membre de l’Union européenne », a dit le chef de l’Etat tchèque pour qui son homologue turc « se rapproche de l’islamisme radical et meurtrier ».

L’ancien chef de la diplomatie tchèque Karel Schwarzenberg, de même que les représentants de l’association des Kurdes en République tchèque, ont comparé la situation actuelle des Kurdes syriens avec celle des Tchèques après la signature des accords de Munich en 1938. Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères n’évoque pas une « trahison de l’Occident », mais « une erreur stratégique des Etats-Unis », qui se sont retirés de la Syrie au moment où le processus politique visant à doter le pays d’une nouvelle constitution a été entamé. Tomáš Petříček :

« La République tchèque est bien consciente du mérite de nos alliés kurdes dans la lutte contre Daesh. Nous soutenons les Kurdes à long terme, mais en même temps, nous soutenons les initiatives politiques qui visent à résoudre le conflit politique en Syrie. La résolution de ce conflit est une condition pour que l’Union européenne puisse aider à reconstruire le pays. »

Le contexte actuel bénéficie en tout cas « à la Russie et au régime de Damas », selon le chef de la diplomatie tchèque.