Temelín : Areva éliminé de l’appel d’offres – A Paris jeudi, K.Schwarzenberg s’est félicité des relations franco-tchèques

Karel Schwarzenberg avec son homologue Laurent Fabius, photo: MZV

Questions européennes, situation au Proche-Orient et renforcement de la coopération franco-tchèque : tels ont été, comme attendu, les principaux thèmes abordés jeudi à Paris par Karel Schwarzenberg. Cette visite du ministre des Affaires étrangères constituait la première visite en France d’un haut responsable tchèque depuis l’élection de François Hollande et la nomination du gouvernement Ayrault. Une visite qui aura probablement précédé celle du Premier ministre français à Prague au printemps prochain. Mais une visite qui aura surtout précédé l’annonce, ce vendredi, de l’exclusion du groupe français Areva de l’appel d’offres pour l’achèvement de la centrale nucléaire de Temelín. Une nouvelle qui a fait l’effet d’une bombe.

Temelín
L’information, complètement inattendue, est tombée vendredi en début d’après-midi : pour ne pas avoir rempli les conditions de l’appel d’offres, Areva, qui avait officiellement remis son dossier début juillet, a été écarté de la course à l’obtention du contrat de 8 à 12 milliards d’euros portant sur la construction, d’ici à 2025, de deux nouveaux réacteurs à la centrale nucléaire de Temelín. Selon les informations à notre disposition au moment de la rédaction de cet article, le groupe français spécialiste du nucléaire n’a pas répondu au cahier des charges établi par ČEZ, le groupe contrôlé par l’Etat tchèque qui exploite la centrale. Tout en se refusant à donner plus de précisions, la décision pouvant faire l’objet d’un recours en justice et d’une contestation, les dirigeants de ČEZ ont indiqué que les manquements d’Areva étaient tant d’ordre commercial que juridique et qu’ils concernaient des critères-clefs du projet. Areva mis hors jeu, et en attendant le jugement d’un éventuel appel de la décision par la partie française, il ne reste donc plus que deux candidats pour la réalisation des travaux d’extension de Temelín : la compagnie américano-japonaise Westinghouse et le consortium tchéco-russe Škoda JS – Atomstrojexport – Gidropress.

Aussi surprenante cette annonce soit-elle, il s’agit d’un coup dur pour les échanges économiques et, peut-être, plus largement pour les relations franco-tchèques. Et nul doute que la visite jeudi en France du chef de la diplomatie tchèque se serait passée dans une tout autre atmosphère si la nouvelle de l’exclusion d’Areva avait été communiquée vingt-quatre heures plus tôt. Car c’est dans une ambiance cordiale, à en croire ses déclarations, que s’est passée la journée express de Karel Schwarzenberg dans la capitale française.

Avant un tour des réceptions qui l’aura conduit dans l’après-midi du Cercle de l’Union interallié au Quai d’Orsay, c’est d’abord par un passage au cimetière du Père-Lachaise que Karel Schwarzenberg a entamé sa visite. C’est là en effet, dans le columbarium, que se trouve l’urne funéraire de František Kupka. Devant la plaque portant l’inscription française « François Kupka, 1871-1957, Officier de la légion d’honneur », le chef de la diplomatie tchèque a déposé une gerbe avant de s’incliner devant un artiste...

« ...Extraordinaire ! Probablement le plus grand peintre que nous ayons eu au XXe siècle. Un grand Français tout comme un grand Tchèque. »

A l’issue de cette brève cérémonie, Karel Schwarzenberg a fait taire les appels des admirateurs tchèques du maître de l’art abstrait, qui réclament le transfert à Prague de l’urne contenant ses cendres. Un « retour » de František Kupka dans son pays d’origine que le ministre a formellement exclu :

Karel Schwarzenberg au cimetière du Père-Lachaise,  photo: Pavla Veličkinová,  MZV
« Il a souhaité être enterré ici. Sa famille aussi a été enterrée ici. Nous n’avons donc pas le droit de le déplacer. Si sa famille le souhaitait, ce serait autre chose. Mais ce n’est pas le cas. František Kupka a passé l’essentiel de sa vie à Paris et il est mort ici. Il faut le respecter. Mais c’est un des cimetières les plus célèbres au monde. Peu de Tchèques en ont conscience. D’immenses personnalités françaises mais aussi de bien d’autres nations reposent dans ce cimetière. Il y a peu d’autres endroits au monde aussi respectables que ce cimetière. »

Une fois cette mise au point effectuée, Karel Schwarzenberg pouvait s’attaquer à la principale partie de son programme, trois entretiens avec tout d’abord Paul Jean-Ortiz, conseiller diplomatique du président François Hollande, puis Elisabeth Guigou, présidente de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, et enfin, bien entendu, son homologue Laurent Fabius.

Karel Schwarzenberg avec son homologue Laurent Fabius,  photo: MZV
Si le ministre tchèque, comme le font généralement également ses collègues tchèques et français, s’est logiquement refusé à développer tout commentaire détaillé sur Temelín, tous les autres sujets diplomatiques d’actualité ont été évoqués, et d’abord les questions européennes. Dans un contexte économique délicat et de crise de l’euro qui dure, les positions de Prague et de Paris sont parfois diamétralement opposées sur certains dossiers, par exemple sur ceux du pacte fiscal et de l’union bancaire. Mais à en croire Karel Schwarzenberg, là n’est pas l’essentiel pour l’heure :

« Nous sommes d’accord que ce qu’il convient de régler en priorité, ce sont les problèmes économiques de l’Europe. Le développement grandiose des institutions européennes va devoir attendre. Ce sont certainement de beaux plans, des intentions louables, mais nous n’en avons pas le temps actuellement. Nous avons des problèmes plus terre-à-terre, qui sont remettre en ordre l’économie européenne et faire des économies tout en relançant la croissance. Sur ces points-là, nous sommes tout à fait d’accord. »

Paul Jean-Ortiz et Karel Schwarzenberg,  photo: Pavla Veličkinová/MZV
Enfin, outre les promesses habituelles faites pour le renforcement de la coopération bilatérale dans les domaines de la recherche, des sciences et bien entendu des échanges commerciaux avec l’actualisation du Plan d’action de partenariat stratégique, le Proche-Orient avec la situation en Syrie et en Iran a également été au cœur de chacun des entretiens menés par Karel Schwarzenberg avec ses interlocuteurs français. Et à la différence des questions européennes, les positions des deux pays sont, là, beaucoup plus proches, et ce même si la République tchèque, à la différence du président français, ne s’est encore jamais prononcé en faveur d’une éventuelle intervention militaire contre le régime syrien.