« Bien sûr, l’exclusion d’Areva a eu des retombées sur les relations franco-tchèques »

Miloš Zeman et François Hollande, photo: ČTK

Le président de la République tchèque a effectué une visite de trois jours en France en début de semaine dernière. Accompagné d’une importante délégation de chefs d’entreprise, Miloš Zeman a été reçu notamment par son homologue François Hollande et le Premier ministre Manuel Valls. Que retenir d’essentiel de cette visite, la première officielle d’un chef de l’Etat tchèque en France depuis onze ans ? De passage à Paris, c’est la question que nous avons posée à Daniel Volf, ministre conseiller et chef de la mission adjoint à l’ambassade de la République tchèque.

Miloš Zeman et François Hollande,  photo: ČTK
« C’est vrai que la dernière visite officielle d’un président tchèque remontait à 2003 ; Václav Klaus en était alors au début de son premier mandat. Mais, entretemps, il y a eu quand même une dizaine de visites de Premiers ministres tchèques en France. Mirek Topolánek est venu plusieurs fois, Jan Fischer est également passé, tout comme Petr Nečas à deux reprises pour des visites de travail. Les visites présidentielles sont plus rares, mais comme il s’agit de pays membres de l’Union européenne, un dialogue très vif et important est régulièrement entretenu au niveau des chefs de gouvernement. Et dans ce cadre des échanges européens, les Premiers ministres tchèques ont l’occasion de s’entretenir avec les présidents français, qu’il s’agisse de François Hollande, de Nicolas Sarkozy ou de Jacques Chirac. Les visites présidentielles sont importantes au niveau symbolique, mais dans le système tchèque, c’est le Premier ministre qui a la position la plus importante. Cela ne signifie donc pas que les relations franco-tchèques étaient froides. »

Même si votre travail consiste aussi à dire le contraire, on a quand même le sentiment, du moins de l’extérieur, que les relations franco-tchèques n’étaient pas idéales ces dernières années. Se trompe-t-on en affirmant cela ou est-ce bien le cas ?

« Bien évidemment, il y avait ce facteur irritant de l’exclusion d’Areva de l’appel d’offres pour l’achèvement de la centrale nucléaire de Temelín. C’est vrai que, suite à cela, il y a eu une période de réflexion dans les relations bilatérales. Mais ce n’est pas pour cette raison pour que le président tchèque n’ait pas venu en France. Ce sont deux choses bien différentes. »

Le président était accompagné d’une importante délégation de chefs d’entreprises. Que retenir de cette mission ?

« Il y avait effectivement quatre-cinq entrepreneurs, mais aussi deux ministres-clefs du gouvernement : les ministres des Finances et des Transports. Ils ont eux aussi rencontré leur homologue français. Un programme séparé avait été préparé pour la délégation d’entrepreneurs par l’ambassade et le MEDEF. Le président Zeman a lui aussi participé à cette rencontre et s’est exprimé pendant une heure devant les entrepreneurs français. Celui lui a permis de leur présenter les possibilités d’investissements en République tchèque. »

Peut-on être un peu plus concret ?

« Il a été question des infrastructures. Lors de la conférence de presse qui a suivi sa rencontre avec M. Hollande, M. Zeman a évoqué la possibilité de la construction d’une ligne pour les trains à grande vitesse pour relier le réseau ferroviaire tchèque à l’européen qui va aujourd’hui jusqu’à Francfort. Les ministres des Transports, eux, ont parlé de la construction des autoroutes en République tchèque. C’est un secteur dans lequel les entreprises françaises sont déjà bien impliquées pour avoir coopéré avec le ministère tchèque dans le passé. »

Et quelles sont les possibilités pour les entreprises tchèques sur le marché français ?

« Il y a plusieurs entreprises tchèques déjà actives en France. Škoda bien entendu, mais aussi par exemple la société Linet (spécialisée dans l’équipement sanitaire) depuis plusieurs années. Il y a encore d’autres possibilités et c’est pour cette raison que nous avons eu cette journée d’entretien entre entrepreneurs des deux pays de façon à ce qu’ils puissent nouer des contacts… »

Dans quels domaines ?

Temelín,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Bien évidemment celui notamment de l’énergie nucléaire. C’est un domaine très important pour la France et la République tchèque. M. Zeman a souligné que si un nouvel appel d’offres pour l’achèvement de la centrale de Temelín était lancé, il souhaitait qu’Areva y participe. »

On suppose que l’on se saura rien de plus concernant le dossier Temelín puisque de toute façon l’appel d’offres a été finalement annulé et qu’aucun autre n’a été lancé. Cela ne change rien à l’intérêt de la France pour ce marché gigantesque. Dès lors, peut-on dire que les choses ont été mises à plat dans ce dossier et que l’on repart de zéro ?

« Oui, c’est exactement ça. Le fait que l’appel d’offres ait été annulé a permis de mettre les choses à plat. Pour le moment, et même si on ne sait pas quand celui-ci pourrait être lancé, tous les partenaires parlent d’un nouvel appel d’offres dans un futur proche, quand toutes les conditions seront réunies pour achever la centrale. Et l’offre d’Areva sera la bienvenue. »

La période qui a suivi la décision prise par ČEZ d’exclure Areva de l’appel d’offres il y a bientôt deux ans a-t-elle été difficile à gérer pour vous à l’ambassade et plus généralement au niveau diplomatique ?

« Il faut souligner que c’était un conflit industriel entre une société tchèque et une société française. Mais, oui, cela a eu des retombées sur les relations bilatérales. Il n’y a plus eu de visites ministérielles entre l’annonce de la décision et la nomination du nouveau gouvernement tchèque (au début de cette année). Mais c’est du passé. C’est un problème qui a été surmonté, entre autres parce que l’appel d’offres a été annulé et qu’il y en aura probablement un nouveau. »

Suite de l'entretien dans le prochain Panorama le 23 septembre.