Théâtre des Caraïbes : Alfred Alexandre installe à Prague son « bar sous les étoiles »
Romancier, dramaturge et essayiste martiniquais, dont on peut connaître les romans « Bord de canal », « Les villes assassines » ou encore la pièce « La Nuit caribéenne », Alfred Alexandre est considéré comme une des personnalités marquantes de la nouvelle littérature antillaise. Invité à Prague dans le cadre du festival Afrique en création, Alfred Alexandre a assisté, dimanche soir, au café-théâtre Viola, à la lecture scénique de sa pièce « Le Patron ». Ce texte qu’il a écrit en 2009 est un dialogue entre un homme et une femme qui se confient, le temps d’une nuit, leurs échecs et leur solitude dans un « bar sous les étoiles ». Une histoire sombre et poétique qui n’est toutefois pas dépourvue d’espoir. Alfred Alexandre raconte sa genèse au micro de Radio Prague.
Pour la version tchèque de la pièce « Le Patron », les traducteurs Matylda et Michal Lázňovský ont inconsciemment choisi le premier titre original envisagé par l’auteur et l’éditeur, « Le Bar sous les étoiles » (en tchèque Bar pod hvězdami). Michal Lázňovský raconte qu’elles ont été, pour lui, les enjeux de la traduction de cette œuvre de la littérature caribéenne :
M. L.: « Souvent, chez les auteurs francophones non européens, je constate une spécificité du style. Leur langage est physique, ils sont très sensuels dans leur expression. Ils suivent de près le rythme et leur parole est imagée. Cela pose un peu problème aux Européens, je pense, aux traducteurs aussi bien qu’aux comédiens. Les auteurs comme Alfred Alexandre s’expriment avec une sensibilité et une sensualité étonnantes, mais en même temps avec des images poétiques et lyriques que nous n’utilisons plus. Nous, les Européens, sommes des gens de raison. Les auteurs non européens, en l’occurrence les écrivains des Caraïbes, sont des gens du corps qui s’enflamment facilement. En tant que traducteur, j’ai cherché à créer une rythmicité de la langue. J’ai voulu lui donner un aspect physique, en me souciant parfois un peu moins de la précision de l’expression. »Alfred Alexandre, quel effet cela vous fait-il d’entendre votre pièce jouée en tchèque ?
A. A. : « Ce qui est étonnant, c’est que l’on a des textes inscrits dans un pays, mais lorsqu’ils sont joués dans d’autres pays et dans d’autres langues, on s’aperçoit qu’ils touchent à des thématiques, des drames, des passions universels et qu’ils peuvent être jouées partout. Je ne comprenais pas la langue, mais comme je connais le texte, j’arrivais à identifier les passages. J’ai surtout aimé la mise en scène. Par l’expression des visages, la posture des corps et le déplacement dans l’espace, les personnages arrivaient à retraduire cette dimension universelle de la rencontre et de l’absence. »
Vous arrive-t-il souvent de voyager avec vos pièces ?
« Absolument, Le Patron a été mis en espace en Martinique, ainsi qu’à Limoges, par des acteurs français. C’était encore une autre interprétation et ceux qui l’ont lu ou entendu m’ont dit qu’ils pensaient à des textes de dramaturges américains. Le théâtre, c’est aussi cela : on peut jouer Molière ou Havel partout… »
Vous évoquez Václav Havel, est-ce un auteur qui vous a marqué ?« C’est un auteur que j'ai beaucoup lu quand j’étudiais la philosophie à Paris. Son théâtre, ses textes, sa pensée politique, tout cela avait un rayonnement considérable à l’époque en France. C’est aussi pour cela que je suis étonné de me retrouver ici. »
Dans sa ville…
« Juste à l’instant, j’ai vu sur le mur de ce théâtre le nom et la signature de Václav Havel. Je l’ai prise en photo. »
Samedi, dans Culture sans frontières, Radio Prague recevra Marie-Thérèse Picard, une auteure dramatique installée en Guadeloupe qui a présenté au festival Afrique en création sa pièce « La Médaille ».