Tous les garçons et les filles

Photo: Archives de Radio Prague
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« Tous les garçons et les filles »… Vous connaissez tous cette merveilleuse chanson de Françoise Hardy, grand tube de la vague « yéyé » des années 1960 en France. Tous les garçons et les filles, c’est le thème auquel nous allons nous intéresser pour cette fois. La langue tchèque a en effet la particularité de posséder plusieurs mots pour désigner tant les garçons que les filles. Chlapec, hoch, kluk sont ainsi trois mots qui désignent une seule et même chose – un garçon, tandis que dívka, holka, děvče en sont trois autres servant à indiquer une fille. Mais le plus intéressant sans doute dans tout cela est qu’il existe entre tous ces mots quelques nuances que l’on ne retrouve pas nécessairement en français et qui font bien entendu toute la richesse et la beauté du tchèque…

Photo: Archives de Radio Prague
« Ve škole Daniela,Michaela s Romanetou a taky Adriána, Mariána se Žanetou. A hlavně príma Radka, kamarádka, co všechno ví. Tyhlety holky byly naše víly školních dní. »

« Jé, jé, jé, kdepak ty fajn holky jsou a kde maj v žákovský ty naše lásky klukovský. Čau, čau, čau, řekli jsme čáu před školou. Táhlo nám na patnáct a začla další dívčí show. »

« A l’école il y avait Daniela, Michaela et Romaneta et aussi Adriána, Mariána et Žaneta. Et surtout la chouette Radka, la copine qui sait tout. Ces filles-là étaient les fées de nos journées d’école. »

« Yeah, yeah, yeah, mais où sont donc ces super filles et où ont-elles dans leur carnet de correspondance nos amours de gamins. Tchao, tchao, tchao, nous disons tchao à l’entrée de l’école. Nous allions avoir quinze ans et un nouveau show de jeunes filles commençait. »

Photo: Supraphon
Telles sont les paroles du deuxième couplet et du refrain de « Holky z naší školky » - « Les filles de notre école maternelle », une chanson du duo Stanislav Hložek et de Petr Kotvald qui nous plonge tout droit dans la Tchécoslovaquie « normalisée » du début des années 1980. Avec plus de 2,5 millions de disques, cette chanson, qui sur un rythme disco traite des sentiments amoureux des garçons pour les filles depuis l’école maternelle jusqu’au lycée, a été et reste (forcément) le vinyle le plus vendu de l’histoire en Tchécoslovaquie. Bref, un vrai grand succès qui, d’ailleurs, fait toujours autant danser les Tchèques aujourd’hui dans les mariages, bals et autres discothèques. Mais ce qui nous intéresse nous plus particulièrement, c’est la présence des mots « holky », « klukovský » et « dívčí ».

Photo: Archives de Anastasia Zamyakina
On l’a dit en introduction, le mot « holky », pluriel de « holka », désigne les « filles », dans le sens d’enfant ou de jeune personne du sexe féminin. Le rappeler peut apparaître comme une évidence, mais cela est important pour pouvoir faire une distinction de taille, car, en tchèque, le mot « fille » tel qu’e nous le connaissons en français dans le sens de personne du sexe féminin considérée par rapport à son père ou à sa mère, ne se dit pas « holka » (ou « dívka »), mais « dcera ». L’origine de ce mot « holka » est, elle aussi, relativement intéressante. En fait, selon le dictionnaire étymologique de la langue tchèque, il s’agit du pendant féminin du mot « hoch », qui signifie « garçon ». OK, mais qu’y a-t-il donc de si intéressant là-dedans, nous direz-vous ? Ce qui l’est, c’est que le mot « hoch » provient de « holobrádek » qui, traduit littéralement, signifie quelque chose comme « menton nu » ou même éventuellement « barbiche nue » ; l’adjectif « holý » voulant dire « nu » et le nom « brada »« menton » et « bradka »« barbiche ». En français, on parlerait plutôt d’un blanc-bec, allusion à l’oiseau qui a encore le bec blanc quand il est jeune, dont le sens le plus courant dans le langage familier est celui de jeune homme qui n’a pas encore de barbe ou, autrement dit, de morveux qui n’a pas encore de poil au menton.

Photo: Archives de Radio Prague
Cette explication nous amène, car c’est là que nous voulions en venir, au fait que le mot « hoch » désigne certes un garçon, mais pas n’importe quel garçon. En effet, il s’agit d’un jeune garçon, et ce forcément puisqu’il ne peut pas encore se laisser pousser la barbichette. En revanche, ce qui est assez curieux, c’est qu’une fois employé au pluriel, le mot « hoch », qui devient donc alors « hoši », signifie plutôt « les mecs » ou « les gars ». Ainsi, quand des supporters tchèques de foot ou de hockey scandent « Hoši děkujem! » après que leur équipe favorite ait remporté un match ou un tournoi, cela ne signifie naturellement pas « Merci les morveux ! » ou « Merci les petits ! », mais bien « Merci les mecs ! » ou « Merci les gars ! ». Car on imagine quand même mal un joueur de l’équipe nationale tchèque de hockey sur glace, avec ses 100 kilos et ses épaules carrées, ne pas avoir ne serait-ce qu’un peu de poil au menton…

Photo: Roman Casado
Mais revenons au mot « holky » qui, nous l’avons dit, est le pendant féminin de « hoch ». Celui-ci étant un jeune garçon, une « holka » sera par conséquent elle aussi une jeune fille, et même une gosse, une gamine, une petite fille ou une fillette, qui donne alors « holčička » en ayant recours à un de ses diminutifs dont les Tchèques raffolent. Toutefois, là aussi, il y a fille et fille… Il y a le premier sens que nous venons d’évoquer, celui d’une enfant du sexe féminin. Dans ce cas-là cependant, « holka » est un mot appartenant plutôt au langage parlé, les synonymes plus soutenus et littéraires étant « děvče » et plus encore « dívka », sur lesquels nous reviendrons dans notre prochaine émission, comme sur les quatre autres sens du mot « holka »

On se retrouve donc dans quinze jours pour un nouveau « Tchèque du bout de la langue » de tous les garçons et les filles. D’ici-là, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp !, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj !