Trempé ou pas, le biscuit doux comme un agneau
Si les Tchèques aiment sacrifier le cochon tout au long - ou presque - de l’année, c’est nettement moins le cas, en revanche, de l’agneau, viande pourtant indissociable de la célébration de Pâques. Comme dans d’autres régions en Europe, et notamment centrale, un biscuit en forme d’agneau est néanmoins traditionnellement préparé dans la plupart des familles tchèques.
Cet agneau pascal n’est pas une tradition seulement tchèque, mais aussi allemande, suisse et même française. Ainsi, en Alsace, est réalisé à la période de Pâques un gâteau à base de pâte à biscuit de type génoise, qui prend sa forme d’agneau lors de sa cuisson dans un moule spécialement conçu à cet effet. Ce biscuit est généralement appelé « lammele » ou « lamala » selon que l’on se trouve dans le Bas ou le Haut-Rhin.
En République tchèque, cet agneau de Pâques se dit « velikonoční beránek », et comme l’explique Martin Franc, spécialiste de l’histoire de l’alimentation en pays tchèques à la Faculté de sciences humaines de l’Université Charles à Prague, il s’agit, ici comme ailleurs en Europe, d’une tradition très ancienne :
« Nous possédons un document du XVIe siècle qui, déjà, décrivait comment préparer ce gâteau en forme d’agneau. Mais même sans traces écrites, nous savons qu’il s’agit d’une coutume plus ancienne encore. Tout le monde connaît la symbolique de l’agneau pascal dans les religions juive et chrétienne et la tradition culinaire qui en découle, à savoir que l’on grille et mange de l’agneau à Pâques. Toutefois, comme la consommation de graisse animale ou d’œufs était proscrite tout autant que celle de la viande pendant la période du Carême, le fait de préparer ce biscuit permettait aussi d'écouler tout le stock d’œufs qui avaient été emmagasinés précédemment. Et puis ce biscuit avait bien entendu aussi une fonction décorative. »
Cet agneau, auquel le Christ est assimilé par les chrétiens, est ensuite partagé en famille le dimanche de Pâques, désigné comme « Hod boží velikonoční » en tchèque, littéralement « le festin pascal de Dieu ».
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Toutefois, comme le constate Marcela Adamcová, pâtissière de son état dans une petite commune située au nord de Prague, l’agneau est aujourd’hui consommé par les Tchèques durant toutes les fêtes pascales, chose qui était inimaginable au Moyen Âge. Et pour ce qui est de la préparation, aucun savoir-faire particulier ne semble nécessaire, à en croire Marcela :
« Il faut d’abord travailler la pâte, c’est-à-dire battre la matière grasse, les œufs, le sucre, bien mélanger comme dans toutes les autres recettes, puis incorporer progressivement la farine... On peut aussi préparer une pâte fouettée. Certaines familles possèdent leur propre recette, mais la base est toujours plus ou moins la même. Il faut bien sûr aussi beurrer généreusement le moule, notamment au niveau de la tête de façon à éviter de la casser au moment du démoulage. Parfois même il peut s’agir d’une pâte à pain d’épices, il n’y a donc pas une seule manière de faire. »
Ne reste alors plus qu’à mettre l’appareil au four pour une bonne demi-heure environ selon la taille de l’agneau. Si le biscuit est bien cuit, une fois refroidi, il doit pouvoir être démoulé - délicatement - sans trop de risques de se retrouver avec un animal sans tête entre les mains, car vous imaginez alors bien la désolation du chef de cuisine et la déception de tous…
Enfin, le meilleur pour la fin : saupoudrer l’agneau de Pâques avec du sucre glace, décorer l’animal avec un joli ruban, tremper éventuellement le biscuit dans une tasse de café ou un bol de chocolat chaud (un truc que les Tchèques ne font cependant jamais), et… Veselé Velikonoce - Joyeuses Pâques !