Uherské Hradiště : un nouveau film révèle l’histoire de la terrible prison communiste
Dans les années 1950, c’était la prison la plus redoutée en ex-Tchécoslovaquie : à Uherské Hradiště, en Moravie, le régime communiste y a détenu et torturé ses opposants. Fermée depuis 1960, la prison a servi de décor pour un documentaire, dont le tournage s’est achevé dimanche, en marge du festival L’École d’été du cinéma d’Uherské Hradiště.
Aujourd’hui, c’est un bâtiment délabré de trois étages que l’on trouve facilement à proximité du beau centre historique d’Uherské Hradiště, ville de 25 000 habitants située dans le sud-est de la Tchéquie. Cet ancien Palais de justice de la fin du XIXe siècle est ensuite devenu une véritable « maison de la terreur ».
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, le bâtiment a d’abord servi à la Gestapo comme point de rassemblement des détenus qui étaient ensuite déportés dans les camps de concentration. Après la guerre, il est devenu le théâtre des procès des personnes accusées de collaboration avec les nazis. Certaines d’entre elles ont été exécutées publiquement par pendaison dans la cour du bâtiment.
Après la prise du pouvoir par les communistes en Tchécoslovaquie en 1948, le palais est devenu le siège de la Cour régionale. Mais la prison associée était désormais réservée aux ennemis du régime, notamment aux agriculteurs de la région opposés à la collectivisation des biens. Opposants politiques ou condamnés des procès communistes, ils ont tous été maintenus en isolement et torturés avec de l’électricité pendant les interrogatoires.
Depuis la fermeture de la prison en 1960, le bâtiment a abrité différentes institutions. Non entretenu, il est tombé en ruines et a failli être vendu aux enchères en 2009. Sous la pression de l’association locale « Memoria », qui lutte pour la préservation de l’ancienne prison et y organise des visites pour les écoles et le grand public, l’Etat tchèque a enfin entamé une rénovation des locaux.
Le réalisateur Jan Gogola jr. a donc eu la dernière occasion de tourner son documentaire dans le décor original de la prison, avant la fermeture complète du bâtiment et le début des travaux. On l’écoute :
« Je représente moi-même cette génération post-communiste qui n’a pas su, au cours des trente dernières années, combler le vide que l’on ressent dans ce lieu abandonné. J’ai des souvenirs d’enfance liés à cet endroit, parce que je fréquentais une garderie scolaire emménagée dans une partie de l’ancienne prison. Dans mon film, je m’interroge sur la façon dont on perçoit l’histoire de ce lieu aujourd’hui. »
Pour la fin du tournage du documentaire « Vězni dějin » (« Les prisonniers de l’histoire »), une exposition improvisée a été organisée sur les lieux des pires interrogatoires menés par la police secrète communiste. Leurs victimes et les protagonistes du film ont apporté quelques objets qui leur rappellent, encore aujourd’hui, les horreurs du passé : un vase fabriqué avec du pain, un berceau fait d’un tube de dentifrice, des photos ou encore des livres :
Vlasta Černá, 90 ans, estime avoir survécu grâce à la lecture d’un recueil de poèmes : « J’ai passé trois mois dans une cellule d’isolement, pour avoir aidé un prêtre poursuivi par la police communiste. J’avais 17 ans à l’époque et ce livre était le seul lien avec le monde extérieur qui me restait », se souvient-elle.
Réalisé par Jan Gogola jr. et Matěj Hrudička, le documentaire « Les prisonniers de l’histoire » sera présenté en première en novembre prochain à Uherské Hradiště. Le bâtiment de l’ancienne prison devrait rouvrir après sa rénovation en 2028. Il abritera plusieurs institutions judiciaires, ainsi qu’un Musée des régimes totalitaires.