Un bal masqué du XVIIIe siècle comme si vous y étiez

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C’est en compagnie de gens amusés et amusants que se retrouve le visiteur de la Salle des masques au Château de Český Krumlov. Pourtant, cette foule de personnages en costume de bal qui ne manquent pas d’humour et de vie, n’existe que sur une fresque ornant les murs de la salle. Malgré leur facticité, ces hommes et ces femmes déguisés sont pourtant très populaires et très recherchés par les visiteurs du château qui retrouvent dans cette salle l’atmosphère et l’éclat d’une fête du la moitié du XVIIIe siècle. Ces personnages mystérieux qui cachent leurs visages sont également les héros du livre paru aux éditions Foto Mida et intitulé « L’Histoire de la Salle des masques ».

Au XVIe siècle c’était un dépôt d’armes, au XVIIe une salle de banquet et au début du XVIIIe, ce n’était qu’une espèce de débarras où s’amassaient vieux meubles, tableaux, animaux empaillés, bois de cerfs et autres objets dont on n’avait plus besoin. En 1747 commence la rénovation de la salle confiée à l’architecte Andreas Altomonte et c’est le moment où arrive au château le peintre Josef Lederer.

Inspiré par la Comedia dell’arte à l’italienne et à la française le peintre anime les murs de la salle par les images qui lui sont dictées par sa fantaisie mais aussi par son sens de l’observation hors du commun. Il peint des personnages masqués et vêtus selon les modes espagnole, turque et folklorique. Il sait insuffler la vie à cette compagnie bariolée, à ce petit monde d’aristocrates qui forment des couples et des groupes, qui cachent leurs visages sans cacher leurs penchants et leurs vices. Ils s’amusent, rient, flirtent, dansent, fument, calomnient les uns les autres, écoutent la musique et jouent aux cartes.

Subjugué par ce monde illusoire, le visiteur qui se retrouve en cette compagnie a soudain envie d’inviter à la danse une fausse colombine ou jouer une partie de cartes avec un pacha turc qui est en réalité un dignitaire du château. Il se rend compte que le déguisement de ces personnages ne cache pas mais révèle plutôt leur véritable nature…


Il n’est pas facile de traduire dans un livre le charme de ses fresques en trompe-l’œil. Pourtant un collectif d’auteurs s’est lancé dans cette aventure. Le résultat de ce travail est le livre « L’Histoire de la Salle des masques du Château de Český Krumlov». Le photographe Michal Tůma explique la méthode qu’il a utilisée pour saisir la vie secrètes de ces fresques :

« Je pense que ce n’est pas si difficile lorsque vous savez photographier les tableaux. J’avais déjà eu la chance de faire des photos de grands tableaux représentant par exemple 120 personnages. Il faut apprendre à lire ces tableaux. Tous les personnages représentés dans cette salle sont liés par certains rapports. Il y a des petites histoires qui se déroulent sur les murs de la salle. Il faut donc faire la même chose que dans la vie. Quand on regarde autour de soi, on voit. Evidemment on ne peut pas saisir tout cela au cours d’une visite touristique qui ne dure que dix minutes. »


Le visiteur de la Salle des masques a rarement l’occasion d’observer de près tous les personnages peints sur les murs. Lors des visites guidées il n’a pas assez de temps pour voir toute la richesse de ces peintures. Les rapports entre les personnages, le langage symbolique de leurs masques et d’autres objets peints sur les murs lui échappent. Ce n’est que grâce aux photos rassemblées dans le livre qu’il peut pénétrer plus profondément dans cet univers magique créé par Josef Lederer. Il s’aperçoit aussi des détails qui caractérisent les convives masqués, des éléments de costumes délaissés, des instruments de musique abandonnés.

Aujourd’hui encore, les dépôts du Château de Český Krumlov cachent beaucoup de costumes et d’instruments de musique qui ont servi probablement de modèles pour le peintre Josef Lederer et ont été immortalisés sur les murs. Ces costumes, eux aussi, ont été photographiés et figurent dans le livre. Dana Vitasková de la maison d’édition Foto Mida explique ce qu’il fallait faire pour sortir de l’oubli ce vestiaire historique :

« On nous a demandé de photographier d’une façon intéressante les costumes d’époques qui sont conservés au Château de Český Krumlov. C’était à nous de choisir la meilleure façon pour le réaliser. Et Michal Tůma a eu l’idée de photographier ces costumes sur des modèles vivants. Mon travail et aussi mon plaisir étaient de choisir ces modèles, les gens qui pourraient porter ces costumes. Josef Lederer avait probablement peint sur les murs de la Salle des masques les personnes du château ou de la ville, personnes qu’il avait rencontrées et qui avaient attiré son attention. Nous avons voulu donc donner à ces costumes une âme. Il nous fallait choisir parmi les personnes de notre connaissance les gens de petite taille parce qu’à l’époque les gens étaient plus petits que nous. Nous avons cherché aussi des modèles intéressants sur le plan visuel pour redonner la vie à leurs costumes. »


Pour tous ceux qui aiment l’histoire, la peinture, le théâtre, l’humour et le mystère la visite de la Salle des masques du Château de Český Krumlov sera sans doute inoubliable. Le livre des photos ne peut pas remplacer la visite des lieux mais il peut prolonger et approfondir l’impression du visiteur. Il y trouve en plus un essai que l’oeuvre de Josef Lederer a inspiré à Jiří Záloha. Normalement on visite la salle le jour. Grâce au livre le visiteur peut voir les peintures sous un autre éclairage qui lui est proposé par le photographe Michal Tůma :

« L’histoire qui est racontée dans le texte de Jiří Záloha m’a amené à la décision de faire les photos la nuit. Il fallait protéger le mystère de cette histoire qui se poursuit encore. La danse des fées et des elfes s’évanouit, elle aussi, dans la lumière du jour. C’est pourquoi j’ai décidé de faire les photos dans la lumière artificielle. »

Photo: Michal Tůma