25 ans à l’UNESCO : Český Krumlov, une petite Prague
Parmi les plus de 30 millions de touristes étrangers qui se rendent chaque année en République tchèque, 1,5 millions profitent de leur séjour pour découvrir une perle de la Vltava autre que Prague : la ville de Český Krumlov. C’est en visitant cette charmante bourgade de seulement 13 000 habitants, située à un peu plus de deux heures de route de la capitale, non-loin de la frontière autrichienne, que Radio Prague poursuit sa mini-série consacrée aux sites tchèques inscrits, il y a maintenant 25 ans, sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
« C’est une très jolie ville dans laquelle on ressent beaucoup l’héritage austro-hongrois de la culture tchèque. Cette ville nous fait beaucoup rêver puisque nous avons l’impression d’être dans un décor de cinéma. Cela nuit peut-être à la ville car c’est un haut lieu du tourisme de masse tchèque. Nous avons un peu l’impression d’être dans une Prague en modèle réduit. Malgré cela, nous avons quand même pu apprécier la beauté et la finesse de l’art austro-hongrois. C’est une très jolie ville malgré tout cet afflux de touristes américains et allemands venus de l’Autriche proche et de Prague. »
Qu’est-ce qui attire donc à Český Krumlov ces touristes venus du monde entier ? On y croise en effet des Allemands, des Autrichiens, des Français, des Américains, mais aussi, de plus en plus souvent, des visiteurs espagnols, italiens et asiatiques… C’est sans doute la beauté architecturale combinée à une ambiance unique qui entraîne les visiteurs dans le passé, et à un cadre naturel exceptionnel. La bourgade est située dans une sorte de canyon creusé dans la terre rocheuse par les méandres de la Vltava, qui divise le noyau historique en deux parties. On y trouve des édifices gothiques, Renaissance et baroques, conservés dans un état presque intact encore aujourd’hui.
La ville a été construite autour d’un magnifique château, bâti sur un rocher qui surplombe la rivière. Le maire de Český Krumlov, Dalibor Carda explique :
« Le centre-ville n’a pas été remanié dans le passé. Toutes les maisons historiques disposent de grands halls d’entrée au rez-de-chaussée. De nombreux édifices sont aussi décorés, côté rue, de tableaux de la Vierge Marie que l’on appelle ici la Madone de Krumlov. Nous sommes d’ailleurs en train de les restaurer. Il y a deux ans, nous avons inauguré les anciens monastères nouvellement rénovés. C’est un complexe immense, aussi grand que l’enceinte du château. Il s’agit de plusieurs monastères interconnectés, dont celui des sœurs clarisses qui a, à lui seul, près de 350 pièces. Ces espaces, qui servent aujourd’hui à l’organisation de manifestations cultuelles, ont été reconstruit pour plus de 15 millions d’euros. »Le majestueux château de Český Krumlov, le deuxième plus grand en République tchèque après celui de Prague, est composé d’une quarantaine de bâtiments, reconstruits au XVIe siècle dans le style Renaissance. Il est connu, entre autres, pour sa tour qui offre une vue magnifique sur la ville, sans oublier son pont à étages qui enjambe les douves séparant le complexe principal du théâtre baroque et des jardins. Pavel Slavko est châtelain à Český Krumlov :
« Les quarante palais du château sont construits autour de cinq cours. Pour vous donner une idée de la grandeur du site : nous avons ici 600 portes, 2000 fenêtres, 20 hectares de jardins… La construction de la forteresse a commencé au tournant des XIe et XIIe siècles. Le château a été bâti sur un rocher cerné par des ravins inaccessibles. C’était un travail impressionnant qui a duré environ 300 ans. »Comme le rappelle Pavel Slavko, l’histoire de Český Krumlov (et de son château) est liée à la puissante dynastie des Rožmberk qui a assuré jusqu’au XVIe siècle, la prospérité économique et culturelle de toute la région de Bohême du Sud. Dans ce pays sauvage et inexploité, aux terrains marécageux et difficilement accessibles, les Rožmberk fonderont plusieurs centaines de villes, des milliers de villages et un système de plus de 3000 étangs artificiels. Les Rožmberk feront par ailleurs de Český Krumlov leur siège officiel. Aujourd’hui encore, la rose rouge à cinq pétales qui forme les armoiries de la dynastie, demeure le symbole de la ville.
Si le château de Český Krumlov est unique en son genre, s’est aussi parce qu’il il abrite un splendide théâtre baroque, le mieux conservé au monde. Comparable uniquement à celui du palais royal de Drottningholm en Suède, ce théâtre a été construit en 1685 par la famille Eggenberg et réaménagé dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle par la famille Schwarzenberg qui lui a donné son apparence actuelle. Il y a vingt ans, le théâtre a rouvert ses portes au public, après de longues années de restauration. Grâce à une machinerie originale, aux éclairages et aux décors en bon état, cette salle propose de découvrir le fonctionnement des théâtres d’époque, comme l’explique la guide, Tereza Hofbauerová :
« Treize ensembles de décors complets ont été conservés jusqu’à nos jours. Sur scène, vous pouvez voir le décor du jardin, mais nous possédons aussi la chambre, le port, l’église, la forêt etc. Différentes parties de ces décors peuvent être combinées entre elles. Le changement des décors dure entre 10 et 12 secondes. C’est l’un des principes du théâtre baroque : cette procédure est très rapide. »Pavel Slavko nous fait découvrir un trait caractéristique des arts de la scène du XVIIIe siècle : le théâtre est équipé de différents appareils qui accompagnaient le visuel par des effets sonores imitant la pluie, l’orage ou le vent.
Près de 600 costumes originaux sont également conservés dans les réserves du théâtre afin d’échapper à des conditions climatiques défavorables. Avec cet équipement de la période baroque, le théâtre, d’une capacité de 150 sièges, représente une vraie rareté. C’est la raison pour laquelle des pièces n’y sont montées que cinq ou six fois par an, à l’occasion de différents festivals.
Un autre théâtre unique, moderne cette fois-ci, attire des foules de touristes à Český Krumlov : il s’agit d’un théâtre en plein air, installé depuis 1958 dans le parc du château et équipé d’une scène tournante. Il y a quelques années, ce théâtre a d’ailleurs été un sujet de discorde entre la ville et l’UNESCO, les inspecteurs des monuments historiques l’ayant considéré comme impropre dans le contexte des jardins baroques où il est installé.Délaissée par les autorités communistes après la Seconde Guerre mondiale et l’expulsion des Allemands, le patrimoine de Český Krumlov n’a été découvert et rénové qu’après la Révolution de velours, lors de l’inscription de la ville sur le patrimoine de l’UNESCO.
Cet événement a influencé considérablement la vie paisible de la bourgade : une de ces habitantes, Martina Bodláková, regrette la disparition de petites boutiques auxquelles les anciens habitants étaient habitués, telles que les boulangeries, merceries ou quincailleries. Le maire de Český Krumlov Dalibor Carda rajoute :« La ville compte à présent 13 000 habitants. Elle en avait 15 000, mais sa population diminue à cause de cette charge énorme que représente le tourisme et aussi par manque de terrains pour la construction de nouvelles maisons. De nombreux habitants ont préféré s’installer dans les villages voisins. Car la ville doit remplir un certain nombre de conditions pour rester inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle ne peut pas s’élargir. Depuis le centre historique, vous pouvez voir des horizons verts. Ils doivent rester ainsi. Si nous voulons construire de nouvelles maisons, cela doit être au-delà des collines. »
Český Krumlov, une ville dans laquelle il fait bon flâner et se promener au fil de l’eau. L’été, il est également possible de descendre la Vltava en canoë-kayak depuis différentes villes situées en amont, une façon originale de découvrir les beautés de la région. Toutefois, une adresse est encore à retenir : celle du centre d’art contemporain qui porte le nom du peintre autrichien Egon Schiele, un des amoureux de Český Krumlov.