Un conte de George Sand adapté pour le théâtre de marionnettes

Les Ailes de Courage

Les ailes de courage - c'est ainsi que s'appelle le spectacle présenté au public pragois, lundi 1er novembre, par la Compagnie du Petit monde, une troupe de théâtre de marionnettes d'Avoine près de Chinon en France. Basé sur un conte de George Sand, ce spectacle démontre que l'oeuvre de la dame de Nohant reste étonnement vivante, encore deux siècles après sa naissance. "Ce conte d'une autre époque est un appel à vivre cette liberté sans tabou avec le besoin d'aller à la recherche de sa vie pour n'être pas dominé par ceux qui veulent être nos mentors," a écrit à propos de cette production le journal La République du Centre. A l'issue du spectacle présenté au théâtre Minor à Prague, j'ai posé quelques questions au chef de la Compagnie du Petit monde et auteur du spectacle, Marc Brazey.

Pourquoi avez-vous choisi un conte de George Sand?

"Avant de choisir le conte de George Sand, on a choisi cette histoire. Cette histoire nous paraissait très belle. Donc, il s'est avéré qu'elle était de George Sand. Elle aurait été de quelqu'un d'autre, on aurait monté quand même cette histoire ..."

Est-ce que vous pouvez nous raconter, sommairement, l'intrigue de ce spectacle ?

"C'est tout à fait le type, l'archétype même, d'un conte traditionnel, d'un conte initiatique. On trouve, au départ, un enfant qui est malingre, mal dans sa peau, mal dans son âme, mal dans son coeur, un peu rejeté par sa famille et par les autres, parce qu'il est chétif. Et puis, on veut le vendre (parce qu'on vendait les enfants pour les mettre en apprentissage) à un tailleur qui est un peu bourru, un peu méchant. L'enfant se sauve, se réfugie dans les montagnes de la mer. Et là, avec les oiseaux et à force de grimper sur les dunes, sur les montagnes, et d'aller à la mer, il devient fort dans son corps et, pour nous, il devient fort dans son âme également. Voilà c'est toute la trame. C'est tout à fait ce qu'on appelle un conte initiatique."

Qu'est-ce que ce conte peut donner aux enfants actuels, aux enfants de nos jours?

"Un conte, par définition, donne la même chose aux enfants de nos jours qu'aux enfants d'il y a deux siècles, du temps de George Sand ou aux enfants d'il y a deux mille ans, je crois. Il peut leur donner de l'espoir. De la liberté et de l'espoir. L'espoir qu'on peut toujours s'en sortir malgré son handicap, en ce qui concerne Clopinet, malgré un tas de choses dans la vie, malgré des situations qu'amène la vie, il y a toujours de l'espoir il faut toujours se battre, il faut toujours acquérir sa liberté, dans son corps, dans son coeur, dans sa tête. Et grâce à cela on devient un homme. C'est le propos."

Est-ce que votre choix était dû aussi au fait que l'année 2004 est l'année George Sand?

"Non, pas du tout, puisque l'an 2004 est le bicentenaire de la naissance de George Sand et nous avons monté ce spectacle en 2001. Donc, c'est un spectacle qui tourne déjà depuis trois ans. "


Dès le début de la représentation, le petit spectateur plonge dans un univers situé à la limite entre la réalité et le rêve. Il suit les aventures de Clopinet, un garçon chétif, représenté par une marionnette aux longues jambes frêles et au visage mélancolique, qui prend vie entre les mains des manipulateurs visibles et invisibles. On tremble pour Clopinet, lorsqu'il est vendu par son père à un vieux tailleur avare, campé par un comédien dont le visage est caché sous un masque repoussant et qui semble énorme face à la fragilité du petit héros. Et on ressent un grand soulagement, lorsque Clopinet s'enfuit pour trouver une nouvelle santé et une nouvelle force dans la mer, dans le vent, dans le soleil, et dans l'amitié des cormorans. Quelques marionnettes, quelques masques et quelques accessoires suffisent pour évoquer, avec émotion et humour, l'histoire de l'enfant qui sentira finalement pousser dans son dos les ailes de courage. Toute la représentation flotte sur une musique poétique et impressionniste, dans laquelle on entend aussi un peu de jazz. On est étonné de découvrir, à la fin du spectacle, que tous ces petits miracles scéniques n'ont été réalisés que par trois comédiens en noir.


Quels sont les moyens scéniques que vous avez utilisé pour monter ce spectacle?

"Alors, on y utilise comme vous avez pu voir beaucoup de ce qu'on appelle les techniques mixtes. On a une manipulation à vue, on a une manipulation cachée. On fait un peu de théâtre noir, un tout petit peu parce que, à Prague, ils en font beaucoup plus que nous. On a des projections d'images avec un rétroprojecteur, on a des marionnettes à bâton, il y a des marionnettes à tringle, donc il y a beaucoup de techniques différentes."

Quelles sont les réaction des enfants ?

"Je ne crois pas qu'il y ait une technique ou un moyen scénique qui fait réagir les enfants. C'est tout ce que vous montrez qui fait réagir les enfants ou pas. Mais une technique en vaut une autre, il n'y a pas une technique qui est bonne et une technique qui n'est pas bonne ou moins bonne. Je crois que toutes les techniques se valent, il s'agit de savoir les exploiter et puis vous exprimer sur scène."

Vous êtes maintenant en Tchéquie, donc dans un pays où le théâtre de marionnettes a une longue tradition. Est ce que vous connaissez aussi le théâtre des marionnettes tchèques?

"Je le connaîs un petit peu, parce que j'ai eu l'occasion de voir des troupes de République tchèque à de grands festivals comme celui de Charleville-Mézières ou dans d'autres festivals internationaux."

Est-ce que vous avez encore d'autres pièces dans votre répertoire?

"Oui, on a actuellement une autre pièce, qui s'appelle Circinus, qui traite plutôt du fascisme que d'autre chose et puis on sort d'une création, on vient de créer un spectacle qui n'a pas d'histoire, qui n'est pas narratif. C'est un concert d'ustensiles de cuisine qui font de la musique, voilà. C'est sorti mardi dernier, donc il y a moins d'une semaine, c'est tout récent. Et la tournée se poursuit, on va partir en Roumanie avec ce même spectacle."

Dans quels théâtres et pour quels publics vous jouez normalement?

"Nous, on joue dans tous les théâtres ou on nous demande de bien vouloir jouer et où on a la chance d'être accueilli. On a parfois l'opportunité, comme aujourd'hui, de jouer dans un théâtre (théâtre Minor) qui est absolument magnifique, je crois que c'est le plus beau théâtre pour enfants que j'aie vu, et j'ai quand même vingt-cinq ans de carrière. Et puis, parfois, on joue dans les salles qui sont beaucoup plus difficiles, plus vétustes, avec moins de moyens ... C'est pour cela qu'on est entièrement automne. On se promène avec tout le matériel, les rideaux, les tapis, les éclairages, le son, absolument tout. "

Est-ce que vous aimeriez revenir à Prague, peut-être avec un autre spectacle?

"Je crois que je reviendrai à Prague, même si ce n'est pas pour jouer, parce que je trouve la ville absolument formidable. C'est pour la première fois que je suis en République tchèque. Malheureusement, on est arrivé hier soir, et on repart demain de très bonne heure. Il a fallu monter le spectacle, jouer, donc c'est très très court. Mais la ville donne vraiment envie de revenir, la ville et ses habitants bien évidement, parce qu'on est accueilli un peu comme des rois ici."