Un gouvernement europhile face à l’euroscepticisme de la société tchèque
La politique pro-européenne menée par le gouvernement est confrontée à l’euroscepticisme de la sociélté tchèque. Tel est le principal sujet que nous avons retenu dans la presse de ces derniers jours. Un pays ne doit pas être déstabilisé uniquement par la force : c’est ce que constate un autre commentaire dans lequel son auteur s’interroge sur les menaces de contamination par ce qu’il appelle le « virus Poutine ». La classe moyenne tchèque ne se porte pas bien, estime pour sa part une autre analyse qui a également retenu notre attention pour cette revue de la presse qui se penche, enfin, sur l’état de l’armée tchèque, décrite par certains experts sécuritaires comme une armée de paix.
« Au niveau formel, cette nouvelle orientation s’est traduite par exemple par l’aval du gouvernement à l’adhésion du pays au ‘pacte budgétaire’. Un autre moment clé a été le discours fortement eurofédéraliste prononcé récemment par le président de la République, Miloš Zeman, au Parlement européen. »
Tout en admettant que le fonctionnement des institutions européennes est loin d’être parfait, l’auteur de l’article rappelle que la Tchéquie est en proie à un euroscepticisme nourri de toutes sortes de mythes simplistes, un scepticisme qui est très répandu y compris parmi les jeunes et contraste avec la situation en Europe occidentale. Juraj Draxler exprime ses doutes en se demandant si l’évolution du discours officiel du gouvernement apporte également un changement dans la vie politique pratique et, surtout, dans les mentalités de la population. Juraj Draxler propose quelques solutions :
« Garantir une répartition plus efficace de l’aide financière de l’UE au niveau local apparaît aujourd’hui comme la tâche primordiale pour les politiques tchèques. Ceux-ci sont appelés à contredire l’idée selon laquelle ce sont les fonctionnaires européens qui distribuent ces subventions... Plutôt que de s’impliquer symboliquement dans les processus européens, la Tchéquie se doit, plus que tout, d’insister sur la formation d’experts qualifiés dans le traitement des questions communautaires. Toute critique de l’UE est dépourvue de sens si elle n’est pas fondée. »
La menace d’une invasion pas comme les autres
Sommes-nous contaminés par le virus de la méfiance à l’égard de nous-mêmes et de la démocratie ? Le même virus que Poutine a répandu en Ukraine en permettant que les politiciens locaux et les oligarques déstabilisent le pays par la corruption ? C’est la question que soulève dans l’hebdomadaire Respekt Martin Šimečka, qui émet l’idée selon laquelle une telle invasion se serait déjà produite en Tchéquie sans qu’on ne le remarque. La méfiance grandissante à l’égard de la démocratie et l’incapacité de distinguer la vérité du mensonge seraient les traits distinctifs d’une telle invasion. Martin Šimečka remarque à ce propos :« J’entends trop souvent dire autour de moi que tout le monde ment. Les représentants politiques et les médias mentent. Bruxelles ment. Moscou et Washington mentent aussi. Il n’y a personnne à qui faire confiance. La société, qui est affaiblie par la méfiance vis-à-vis d’elle-même, et les institutions, qui forment sa structure démocratique, deviennent une proie facile pour le virus de Poutine. Dans un tel cas, les chars ne sont pas nécessaires. »
Martin Šimečka réfute l’idée, une illusion selon lui, que l’appartenance à l’UE protège la République tchèque de l’apparition d’une situation semblable à celle en Ukraine. Toujours selon lui, la Hongrie, avec un « régime qui est une copie fidèle du modèle de Poutine, sans que Bruxelles puisse faire quoi que cela soit », en serait un exemple flagrant. Rappelant que ce régime autoritaire a été instauré après une série d’affaires de corruption et de mensonges qui ont réduit le crédit des instituions démocratiques auprès de la population, Martin Šimečka conclut :
« Nous sommes entrés dans une guerre dont nous ne nous rendons pas compte simplement parce qu’elle n’a pas été officiellement déclarée. Nous faisons partie de la civilisation occidentale que Poutine a défiée publiquement en cherchant à saper de l’intérieur ses principaux piliers. Des pays comme la Grande-Bretagne me semblent peu menacés. Mais quand je regarde la Tchéquie ou la Slovaquie, je vois une ligne de défense affaiblie... Tout homme d’affaires corrompu, tout politicien qui diffuse des mensonges et le mépris au sujet des institutions démocratiques et, finalement, chaque imbécile qui déclare sur facebook que tout le monde ment – tous ceux-là sont des alliés de Poutine dans sa guerre d’invasion. Et peu importe qu’ils soutiennent Poutine ou pas. »
Quand la situation de la classe moyenne tchèque s’améliorera-t-elle ?
« La classe moyenne en Tchéquie est souffrante, même après dix ans d’appartenance à l’UE » : tel était le titre d’un article publié dans l’édition de samedi dernier du journal Lidove noviny, qui apporte quelques précisions :« Dix ans après l’adhésion à l’UE, la situation de la classe moyenne ne s’est pas améliorée. Historiquement parlant, son sentiment de satisfaction est plus faible que jamais, car les espoirs que portait cette importante catégorie de la population quant au renouvellement de l’intégration du pays à la civilisation occidentale ont été déçus. »
Pourtant, comme le souligne l’auteur de l’article, la classe moyenne, qui représente près de 65% de l’ensemble de la population tchèque, constitue un des piliers de celle-ci, car elle est habituellement loyale avec ses institutions étatiques. Par ailleurs, la classe moyenne est porteuse de valeurs morales qui servent de base à son orientation. De l’avis des sociologues cités par le journal, il existe plusieurs raisons qui expliquent l’insatisfaction de cet important segment de la société tchèque :
« Le problème n’est pas seulement que seules peu des choses que les gens attendaient de l’entrée la Tchéquie dans l’UE – la prospérité, l’identification aux normes européennes, le modèle de la famille – se soient réalisées. La faute revient aussi aux représentations tchèques qui n’ont voué qu’une trop faible attention à la classe moyenne et qui, souvent, ont augmenté ses frustrations avec les affaires de corruption, les scandales et leur ignorance. »
Michal Kolmaš remarque également que c’est la classe moyenne qui a été la plus touchée par les mesures d’austérité adoptées au moment de la crise. Il déplore qu’il n’existe pas en Tchéquie de politique familiale réfléchie, à l’instar de celle qui est mise en valeur par exemple en France.
Une armée pour les temps de paix
En réaction à la récente visite à Prague du secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, qui a déclaré que la Tchéquie, tout en étant un allié fidèle, ne consacrait pas suffisamment de moyens à la défense, l’état des forces armées tchèques a été l’objet de nombreux commentaires dans les médias. « Nous avons une armée pour les temps de paix, une armée qui ne survivrait qu’une semaine en temps de guerre », peut-on lire sur le site idnes.cz, qui se réfère à une analyse d’experts en questions sécuritaires. Dans un entretien accordé au site, le général de brigade de réserve František Míčánek, qui est un des coauteurs de l’analyse, affirme :« Ce que nous voulons appeler l’Armée de la République tchèque en 2014 est une armée de paix qui n’est que l’ombre de ce qu’elle représentait dans un passé encore pas si lointain... D’un point de vue technologique, nos forces armées sont aujourd’hui plus développées et, grâce à leur participation aux missions à l’étranger, plus expérimentées, mais leurs effectifs sont nettement moindres. »
L’expert considère que la Tchéquie serait confrontée à de graves problèmes si elle devait remplir tous ses engagements vis-à-vis des alliés. Elle n’est préparée ni sur le plan législatif, ni au niveau du maintien des réserves financières et des capacités. František Míčánek explique pourquoi :
« A long terme, la problématique de la défense demeure en marge de l’intérêt des responsables politiques et du public. Il existe tout un éventail de preuves pour étayer cet argument. Il suffit de noter, par exemple, que dans les déclarations de programme des différents partis politiques et dans les sondages d’opinion, la question de la défense figure régulièrement parmi les dernières préoccupations... C’est pourtant le gouvernement qui assume la responsabilité politique des préparatifs de la défense de l’Etat contre les menaces extérieures. L’armée n’est que l’un des instruments devant servir à cette fin. »