« Un homme d'esprit capable de se moquer de lui-même »
Ancien ambassadeur de la République tchèque en France, Pavel Fischer a aussi été un proche collaborateur de Václav Havel pendant sa présidence. Il se souvient.
« La disparition de Václav Havel est une date qui va peser, qui va apporter non seulement du chagrin, mais aussi de l’énergie pour relire et pour repenser tout ce qu’il avait su créer. Si vous regardez combien d’années il a été au pouvoir et combien d’années il a influencé la pensée dans notre pays et notre société, et ce souvent depuis des cellules de prison, vous vous rendez compte qu’une figure importante a disparu. Je crois qu’il a non seulement montré des pistes de réflexion sur l’environnement, sur les droits de l’Homme, sur des questions de coopération internationale, d’intégration européenne, mais je crois que par sa pensée il a su aussi rafraîchir la vie intellectuelle et culturelle dans notre pays. Je pense en particulier à son tout dernier, et tout premier, film dans lequel il a une nouvelle fois montré qu’il était un homme de pensée et d’esprit capable même de se moquer de lui-même. »
Est-ce que, vous qui avez travaillé à ses côtés, vous avez une anecdote ou un souvenir que vous garderez plus ancré qu’un autre ?
« Je pense à beaucoup de choses, beaucoup de rencontres, d’expériences. Je vous appelle depuis Tokyo, ville dans laquelle il était en 1995, et lorsqu’il prononçait son discours à Hiroshima qui portait sur le sujet de l’espoir, de l’espérance malgré tout, il parlait de la mort, c’était peu après la disparition de son épouse Olga, il a dit que ‘l’espoir et l’espérance sont un état d’esprit qui donne sens à notre vie’. Je crois que sa manière de vivre, de pensée et d’agir, donnent en quelque sorte le témoignage de cette quête d’espérance. »
Quelle trace va laisser Václav Havel ? Pensez-vous que les Tchèques vont pouvoir se remettre de sa disparition ?
« Je crois que petit à petit il s’écartait de la vie publique car il ne voulait pas être pris dans le piège de la ‘politique politicienne’ qui venait toujours à sa rencontre pour qu’il commente des choses. Mais si je pense à un exemple, qui est peut-être très peu éloquent mais qui est très concret, je me rappelle d’une situation, lorsque avec mes enfants, en père de famille, je suis rentré dans un restaurant dans un village éloigné et que sur les écrans, c’était peut-être il y a une dizaine d’années, est apparu le visage de Václav Havel, notre fille, qui était alors âgée de quatre ans, s’est réveillée en sursaut et a commencé à hurler dans toute la salle, tout le monde entendait, en disant : ‘Papa, c’est ton président’. »