Un journaliste d’investigation dénonce des « tentatives de pression » de la police
Suite à un article de Jaroslav Kmenta, où le journaliste critique l’implication de l’Inspection générale des forces de sécurité (GIBS) dans l’enquête menée sur l’un des principaux hôpitaux de Tchéquie, le chef du GIBS l’a appelé à remettre à son service tous les documents relatifs à l’article, sous peine d’amende. Une demande jugée comme une tentative de pression par le journaliste et le magazine Reportér qui a publié son article en octobre.
Fin août, l’un des principaux hôpitaux tchèques, l’IKEM à Prague, a fait l’objet d’une perquisition d’envergure. Des officiers de l’Inspection générale des services de sécurité (GIBS) et de la Centrale de lutte contre le crime organisé avaient été mobilisés pour cette opération.
A l’époque, le site Seznam Zprávy rapportait que les perquisitions étaient liées à l’ancien chef du centre hospitalier, Michal Stiborek. Ce dernier a démissionné récemment, suite à des accusations selon lesquelles il aurait gagné plusieurs dizaines de millions de couronnes en offrant des prêts à taux élevés et avec des pénalités élevées en cas de non-remboursement.
Le GIBS, équivalent de la police des polices, enquête sur des soupçons de coercition et d’extorsion dans le cadre de ce prestigieux institut, tandis que la police chargée de la lutte contre le crime organisé s’intéresse à d’éventuelles manipulations de contrats et à des soupçons de corruption.
Le mois dernier, le journaliste d’investigation Jaroslav Kmenta a publié un article dans le magazine Reportér intitulé « Crime à l’IKEM » dans lequel il critiquait le rôle du GIBS dans cette affaire, s’étonnant du fait que ce service dédié à traquer les brebis galeuses au sein des forces de l’ordre, soit impliqué en lieu et place de la police criminelle. Suite à la sortie de ce numéro d’octobre du magazine, le commissaire en chef du GIBS lui a demandé de fournir les documents sur lesquels il s’était appuyé pour son article, sous peine d’une amende pouvant aller jusqu’à 50 000 CZK et de la saisie des documents en question.
La semaine dernière, le rédacteur en chef du magazine, Robert Čásenský, a publié une lettre ouverte dénonçant la procédure du GIBS, rappelant que c’est l’éditeur, et non l’auteur, qui est responsable du contenu de la publication – alors même que le service de police a contacté le journaliste directement. Il estime, tout comme le journaliste d’investigation, qu’il s’agit là d’une tentative de pression sur le travail de Jaroslav Kmenta :
« Si on nous infligeait effectivement une amende, nous devrions sans doute la payer. Après avoir consulté notre avocate, nous irions toutefois ensuite nous défendre au tribunal, parce que ce serait une procédure tout à fait absurde. Je veux croire que toute cette histoire n’est qu’une erreur ou le résultat d’une personne trop zélée et que le GIBS ne va pas continuer à exercer de pressions de ce genre. »
Le GIBS s’est défendu de toute tentative de pression et d’ingérence, estimant que leur demande était « une procédure légale standard utilisée dans ce type de cas ». Le service de police a réfuté que cette procédure représente une menace « pour la liberté de la presse, l'expression et la diffusion de l'information ou le droit à la protection des sources ».
L’affaire a donné lieu à de vifs échanges par voie de presse entre le journaliste et le gouvernement, Jaroslav Kmenta ayant regretté l’approche « coercitive » du GIBS digne, selon lui, de l’époque du cabinet d’Andrej Babiš, alors même que le pays est actuellement dirigé par la « coalition démocratique » de Petr Fiala, a-t-il encore souligné. Des déclarations rejetées par ce dernier, le porte-parole du gouvernement ayant par la suite estimé que « ni le gouvernement ni le Premier ministre ne dirigeaient les activités du GIBS ».