Un nouveau lieu d’exposition pour le précieux reliquaire de Saint-Maur
Objet rare de dévotion et considéré, avec les joyaux de la couronne de Bohême et la vénus de Věstonice, comme un des trésors historiques les plus précieux de République tchèque, le reliquaire de Saint-Maur vient de quitter, sous bonne escorte, son lieu d’exposition depuis vingt ans, au château de Bečov nad Teplou. A partir du 26 novembre, les visiteurs pourront le (re)découvrir dans le palais Pluhovský, situé plus haut dans la cour de ce site castral de Bohême de l’Ouest.
C’était un déménagement minimal de quelques mètres à peine, depuis l’intérieur du palais baroque, un des éléments de l’ensemble architectural composite de Bečov nad Teplou, jusqu’au palais Pluhovský, non loin de là, dans la cour de la forteresse médiévale imposante qui domine le site. Et pourtant, ce sont des dizaines d’officiers de police qui ont assuré la sécurité de ce transfert intra-muros afin que le reliquaire roman arrive à bon port.
Alena Švehlová est guide depuis plus de vingt ans au château de Bečov et elle connaît l’histoire mouvementée du reliquaire sur le bout des doigts. Nous l’avions rencontrée en 2012 :
« D’après les analyses qui ont été effectuées sur le reliquaire, celui-ci a dû être fabriqué entre 1225 et 1230. On dit en général qu’il date du premier tiers du XIIIe siècle. C’est l’abbaye bénédictine de Florennes, sur l’actuel territoire de la Belgique, qui l’a commandé à l’époque. Le reliquaire s’y est trouvé jusqu’à la Révolution française. C’est à la fin du XVIIIe siècle que commence son histoire mouvementée : le monastère de Florennes est fermé, le reliquaire est alors caché dans une petite église de la ville. C’est là que l’a découvert, en 1838, le duc Alfred Beaufort-Spontin, issu de la dernière famille propriétaire de la seigneurie de Bečov. »
La suite du destin de l’objet d’art est digne d’un roman : acheté pour une bouchée de pain à l’Eglise, le reliquaire est ramené sur les terres de Bohême de la famille Beaufort-Spontin. Accusée d’avoir collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, celle-ci doit quitter la Tchécoslovaquie en vertu des décrets Benes. Avant ce départ, les Beaufort-Spontin cachent le reliquaire dans le sous-sol de la chapelle du château fort de Bečov, où il n’a été retrouvé qu’en 1985, à l’issue d’une enquête policière diligentée par un homme d’affaires américain.
Il faudra attendre la chute du régime communiste pour que de longs travaux de restauration puissent être enfin entrepris et ce n’est qu’en 2002 que le reliquaire peut enfin être montré au public. Depuis, c’est donc le palais baroque qui servait d’écrin à cet objet d’art exceptionnel dont la fabrication reflète la dévotion médiévale pour les reliques des saints :
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« En ce qui concerne la fabrication du reliquaire, il est très difficile de savoir qui l’a réalisé. Tous les documents d’époque liés au reliquaire n’existent plus depuis longtemps. Il est très probable que plusieurs ateliers d’orfèvrerie y ont participé. Ces reliquaires en forme de maisonnette, comme le reliquaire de Saint-Maur, se fabriquaient dans l’espace rhénan et mosellan. Sinon, les archives nous disent que les reliques placées à l’intérieur, sont celles de saint Maur, l’ensemble du corps, sauf la tête. On y trouvait également le crâne de saint Timothée, une phalange de saint Jean-Baptiste et des restes de saint Apollinaire non-spécifiés, tous reçus par l’abbaye de Florennes au XIe siècle. Au moment de la restauration du reliquaire, des analyses des reliques ont été effectuées, qui ont montré qu’il y avait bel et bien des restes d’individus de sexe masculin, qui correspondraient à l’époque où les saints sont censés avoir vécu. Mais on y aussi retrouvé des os de femme et d’animaux. Mais ceci n’est pas un phénomène inhabituel. »
Aujourd’hui, le tout nouvel espace d’exposition prévu pour abriter le reliquaire est un endroit hautement sécurisé, tout comme la vitrine d’exposition, issue du travail de verriers tchèques, de plus de trois centimètres d’épaisseur et pare-balles. L’ensemble a été conçu pour être plus confortable et plus moderne pour accueillir le public qui, grande nouveauté, pourra venir l’y admirer librement sans nécessairement devoir passer par une visite guidée. Cela sera possible à partir du 26 novembre. Nous reviendrons sur un autre aspect de la création de ce reliquaire dans une prochaine émission après une récente découverte concernant les pierres précieuses qui le sertissent.