Un nouveau regard sur l’opéra La Petite renarde rusée
Stephan Grögler est metteur en scène et scénographe d’opéra et il a déjà réalisé de nombreuses productions lyriques dans plusieurs pays. Actuellement, il prépare une mise en scène de la Petite renarde rusée de Leoš Janáček, un opéra bien différent des autres. Cette production indépendante permettra à Stephan Grögler de réaliser une vision très originale de l’œuvre du compositeur morave et de faire fusionner l’opéra et les arts plastiques. Il se propose aussi de démocratiser l’art lyrique et d’abattre les barrières entre l’opéra et ses spectateurs. Il a présenté quelques aspects de ce projet ambitieux au micro de Radio Prague. Voici un extrait de cet entretien :
« C’est vrai, on est toujours tiraillé un peu entre les deux et on se demande jusqu’à quel point l’humain devient animal et jusqu’à quel point l’animal devient homme. Et c’est là où est, justement, le génie de Janáček qu’il montre dans sa complexité et sa confusion, ce lien et cette superposition des deux univers. Je pense que les univers doivent être les plus clairs possible pour le spectateur, mais en même temps j’aurais horreur de chercher mes interprètes sous des masques d’animaux parce que je trouve que cela enlève toute humanité ou émotion directe. Et on n’est pas dans un livre de contes qu’on déplie, dans un film de Walt Disney où on joue à l’animal. On est quelque part où c’est beaucoup plus complexe et c’est là où ça devient intéressant ; ces deux univers qui se mélangent. »
Il me semble, d’après ce que vous avez dit de votre conception, que pour vous la Petite renarde rusée est un spectacle où vous avez besoin de chanteurs qui sont en même temps comédiens et même un petit peu acrobates, si je comprends bien. A-t-il été facile de trouver de tels interprètes ?
« La distribution n’est pas faite en entier. C’est très compliqué. Mais j’ai déjà remarqué quand je travaille dans l’opéra ‘ traditionnel’, en étant aussi scénographe, que très souvent, j’ai imposé aux chanteurs quelques difficultés qui font qu’à un moment donné, le chanteur doit oublier d’être chanteur et qu’il incarne son personnage, qu’il utilise ses jambes pour marcher. Evidemment, c’est souvent un problème. A partir du moment où vous devez descendre une pente, marcher, enjamber quelque chose, évidemment il y a des difficultés physiques qui s’imposent. Mais quand ça se passe bien, et il y a des contre-exemples, cette contrainte oblige la personne d’être avec tout son corps, de la tête au pied, dans ce décor, dans cet univers à ce moment-là. On n’a pas le temps de faire semblant de faire quelque chose. Maison marche et on utilise les jambes. Et là, je pense que ça va être encore plus extrême de devoir grimper en haut et devoir descendre. Cela impose, pour que ça soit réussi, une longue préparation. On envisage vraiment de répéter huit semaines. On va avoir huit semaines à notre disposition pour travailler, ce qui est quand même énorme pour l’opéra. En même temps, je suis marié avec une chanteuse et je sais très bien qu’il y a des difficultés de l’autre côté. Il est sûr qu’il ne faut pas aller au-delà du possible. »Est-ce que l’opéra est chanté en tchèque ?
«Absolument, c’est essentiel. Je pense qu’il y a des compositeurs avec lesquels le texte n’a pas une telle importance. Mais il me semble, avec tout ce qu’on lit aussi sur cet opéra, que Janáček est un des compositeurs qui, comme Benjamin Britten, est impossible à traduire. Il y a une sonorité, tout le travail sur les différents accents me semble également très important. Evidemment, je ne peux pas le juger moi-même, mais on s’est entouré de plusieurs spécialistes de la langue tchèque qui sont Tchèques eux-mêmes et qui vont nous conseiller. On va avoir suffisamment de temps pour pouvoir plonger dans l’univers de cette langue pour pouvoir être au niveau de cette langue qui est absolument magnifique. »(Vous pouvez entendre l’intégralité de cet entretien, ce samedi, dans le cadre de la rubrique Rencontres littéraires.)