Un prophète, de Jacques Audiard : un nouveau type de gangster au cinéma

Tahar Rahim et Adel Bencherif, photo: www.festivalff.cz

C’est ce jeudi que sort en République tchèque le film Un prophète de Jacques Audiard. Tout comme en France et dans d’autre pays, le film a recueilli les suffrages enthousiastes des critiques de cinéma tchèque. Grand Prix du jury du Festival de Cannes, futur représentant de la France aux Oscars, il était présenté en avant-première à Prague dans le cadre du Festival du Film Français. Mais le Prophète c’est aussi l’histoire d’un film qui a révélé au public un jeune comédien, Tahar Rahim. Il était à Prague avec son compère Adel Bencherif. Tahar Rahim a confié sa surprise totale quand il a appris qu’il avait décroché le rôle.

TR : « J’ai téléphoné à Adel et je lui ai dit : c’est la première fois qu’il y a deux soleils dans le ciel ! Tu te souviens de ça ? »

AB : « Oui ! »

Comment avez-vous envisagé le rôle ?

'Un prophète'
TR : « Je l’ai d’abord mal envisagé au départ. J’ai essayé d’appliquer une méthode que j’avais apprise en cours à base de documentaires. Evidemment ça m’a servi. J’ai regardé des films, regardé des photos, parlé avec des gens, mais du coup je suis parti dans la même direction que des personnages déjà existants. Après, mon personnage de Malik aurait été la projection d’un autre. Jacques Audiard m’a fait vite comprendre que ça il fallait le détruire. Il fallait briser un travail que je pensais être bon.
'Un prophète'
Et ensuite repartir sur des bases communes entre Jacques et moi avec beaucoup de discussion, d’échange, d’improvisation. Il fallait essayer de composer quelqu’un, de comprendre comment il fonctionne. Et surtout comprendre la situation. Quand on tourne avec Jacques, c’est la situation. Après la difficulté reste de croire aux situations. »

Croire aux situations... Le film a été entièrement tourné en décors. Est-ce vous y croyiez, vous, quand vous étiez dans ce décor de prison ?

TR : « Bien sûr. On y croit parce qu’on n’y pense pas. On voit un décor quand il est mal fait. Quand il est bien fait on ne s’en rend pas compte. »

Comment comprenez-vous le titre Un prophète ?

AB : « Je le comprends comme un surnom de gangster. Pour moi on aurait pu dire : Karim le Toulonais, Kamel l’Ancien ! Là, c’est Malik le prophète. Ca n’a rien à voir avec la religion. Ca me rappelle les films d’Audiard père aussi. Dans ses films il y a beaucoup de noms comme Eddie de Montréal ou Lulu la Nantaise. Dans tous les quartiers ils ont tous des surnoms, les gars. On se donne tous des surnoms ! »

TR : « J’avoue que je croyais qu’il y avait une dimension messianique avant de le lire. Mais j’ai lu le scénario et je n’ai pas du tout vu ça. Je rejoins l’idée d’Adel dans le surnom et celle de Jacques, qui est d’annoncer un nouveau type de gangster. Et peut-être un nouveau type d’acteur avec nous, en tout cas de nouvelles têtes. Moi je viens de nulle part, j’ai fait deux-trois petites choses... Mais on nous connaissait pas ! Pour moi dans ce titre, ça veut dire que Malik est le prophète de lui-même : il s’annonce à lui-même sa propre destinée, à travers ses choix et les épreuves. »

AB : « Il annonce une prophétie : un nouveau genre de gangsters qui le deviennent en prison, par la difficulté du milieu carcéral. »