Une artiste textile tchèque participe au projet primé « Red Dress »

Red Dress

L’artiste textile tchèque Blanka Kolková est l’une des plus de 300 brodeuses originaires du monde entier qui ont participé au projet britannique primé « Red Dress Project ». Ce projet a été conçu par l’artiste britannique Kirstie Macleod dans le but d’offrir une plateforme artistique aux femmes du monde entier – dont beaucoup sont marginalisées ou vivent dans la pauvreté – afin qu’elles puissent raconter leur histoire personnelle à travers la broderie.

Au cours des douze dernières années, des morceaux de la robe rouge ont voyagé dans 28 pays du monde, où ils ont été brodés par 239 femmes et cinq hommes. D’autres petites broderies ont été ajoutées par les visiteurs des expositions et des galeries où la robe était exposée. Kirstie Macleod décrit à quoi ressemble le vêtement final, décoré de millions de points de broderie :

Kirstie Macleod | Photo: Archives de Kirstie Macleod

« Le vêtement est fait de doupions de soie bordeaux, que j’avais achetés à Paris. Le poids total est étonnamment faible par rapport à l’impression que cela donne. Il pèse en fait 6,3 kilogrammes mais il semble beaucoup plus lourd. Il y a une pièce de trois kilos créée en Inde et une en Arabie saoudite. Elles sont incroyablement lourdes et comportent beaucoup de métal. »

Kirstie Macleod, dont le travail artistique a toujours été tourné vers le textile, dit avoir eu l’idée du projet en 2009 alors qu’elle travaillait comme artiste d’installation à Londres.

« J’ai réalisé plusieurs grandes installations dans de grandes galeries londoniennes et l’une d’entre elles a été vue par Art Dubaï. Ils m’ont contactée et m’ont dit qu’ils voulaient me commander une nouvelle œuvre, financée par le British Council. »

« C’était très important car, comme tous les artistes le savent, il est très difficile d’obtenir des budgets. Je me suis donc demandé quelle serait l’œuvre de rêve que je voudrais créer. Je l’ai tout de suite esquissée sur une serviette de table et c’était la robe rouge. »

Kirstie Macleod dit avoir trouvé l’inspiration pour le projet Robe Rouge principalement dans son enfance, qu’elle a passée dans différents pays du monde :

« J’ai voulu créer une œuvre qui rassemblerait autant d’identités différentes, issues de cultures aussi diverses que possible » - Kirstie Macleod

« Je suis née au Venezuela mais j’ai aussi vécu au Nigéria, au Japon, à la Barbade et aux Pays-Bas. J’ai donc eu une éducation multiculturelle et j’ai toujours été fascinée par les différentes cultures et identités. J’ai donc voulu créer une œuvre qui rassemblerait autant d’identités différentes, issues de cultures aussi diverses que possible, sans préjugés ni frontières, afin de la rendre accessible à tous. »

« En fait, il s’agissait de créer une œuvre qui soit belle et qui montre ce qu’il est possible de faire lorsque nous sommes unis. Je ne savais pas si cela allait marcher, si les gens seraient intéressés et combien de temps cela allait durer. Douze ans et demi plus tard, la robe est devenue ce qu’elle est, ce qui est vraiment incroyable. »

Red Dress | Photo: Archives de Kirstie Macleod

Après avoir conçu ce projet, Kirstie Macleod a lancé un appel sur les réseaux sociaux en contactant artistes et brodeurs du monde entier pour leur demander s’ils étaient intéressés par le projet. Il a fallu un certain temps pour que le projet se mette en place, mais au fur et à mesure que la nouvelle s’est répandue, de plus en plus de personnes se sont impliquées.

« La plupart des broderies ont été réalisées par des professionnels, mais aussi par beaucoup d’amateurs. Certaines broderies, toutes petites, ont même été faites par mon fils lorsqu’il avait six ans. Il y a également pas mal de broderies qui sont des premières fois. Cependant, toutes les grandes commandes ont été réalisées par des brodeurs ou des artistes professionnels »

Kirstie Macleod | Photo: Archives de Kirstie Macleod

Au cours de la première phase du projet, Kirstie Macleod envoyait des panneaux de tissu par la poste et, dès qu’ils étaient terminés, les artistes les lui renvoyaient. Le reste de la broderie a été ajouté par plus d’une centaine de participants dans de divers lieux et expositions.

Les artistes avaient toute latitude pour choisir le motif de leur broderie. La seule tâche qui leur incombait était de créer quelque chose qui exprime un élément de leur identité et fasse référence à la culture dont ils sont issus :

« Certains artisans ont choisi de créer des œuvres très traditionnelles, qui ont pu être transmises dans leur famille ou leur ville depuis des centaines d’années. C’est le cas de la plupart des artisans mexicains. D’autres ont choisi de rendre leur travail beaucoup plus personnel. C’était un véritable partage de leur propre expérience, de ce qu’ils avaient vécu. Il ne s’agissait pas tant de l’habileté technique que du message.

Je leur ai également demandé d’utiliser leurs propres fils, ce qui confère à la robe une qualité spécifique car elle présente un contraste entre les différents tons, les différentes textures et couleurs. »

Parmi les broderies les plus frappantes, nous trouvons celles créées par des femmes réfugiées de Palestine ou victimes de la guerre au Rwanda, au Kosovo et au Congo, mais aussi celles, colorées et vibrantes, créées par des femmes d’Amérique du Sud ou par des studios de broderies haut de gamme en Inde et en Arabie saoudite. Kirstie Macleod met également en lumière les broderies réalisées par la brodeuse tchèque Blanka Kolková.

La broderie de Blanka Kolková | Photo: Archives de Kirstie Macleod

« La broderie de Blanka, originaire de République tchèque, est magnifique et elle lie l’ensemble du projet. Elle a écrit le mot ‘Sisterhood’ (Sesterství). Elle a vu la robe et m’a dit ‘Mon Dieu, c’est un projet de sororité. J’aimerais vraiment écrire ce mot sur la robe.’ C’est ce que c’est et je pense que cela donne du relief à l’ensemble du projet. »

Blanka Kolková, l’artiste tchèque qui a contribué à la robe rouge avec sa propre broderie, est originaire de Bohême du Sud. Mais elle a passé les sept dernières années dans la ville britannique de Glastonbury, où elle a animé des ateliers dans le bâtiment local ZigZag, une ancienne usine de peaux de mouton située en bordure de la ville et qui a été transformée en centre communautaire :

Blanka Kolková | Photo: Archives de Kirstie Macleod

« J’adore travailler avec du fil, je tricote et je fais du crochet mais j’aime aussi fabriquer des vêtements. Mais, en raison de la surproduction mondiale de vêtements, j’ai strictement décidé de les fabriquer à partir de tissus de seconde main pour leur donner une seconde vie et les envoyer à des personnes qui les porteront à nouveau. »

« Une autre partie du bâtiment à côté de l’usine Zig Zag a été récemment reconstruite et transformée en maison communautaire, et on m’a proposé d’y créer un atelier textile communautaire. Le projet vient de démarrer, il s’appelle ‘Fabric of Life’. J’ai constitué une équipe de dix artistes textiles intéressés pour en faire partie et nous voulons en faire un centre textile communautaire. Avec un peu de chance, un jour, cela deviendra un immense terrain de jeu textile. »

Blanka explique qu’elle a découvert le projet robe rouge lors de l’exposition de la Somerset Art Week en septembre 2019 :

« J’ai rencontré une fille de Glastonbury, nous avons parlé de mon travail textile et elle m’a demandé si j’avais entendu parler du ‘Red Dress Project’. Elle en avait été le modèle récemment et elle m’en a montré une photo. J’ai trouvé cela tout simplement stupéfiant, je n’arrivais pas à y croire. »

Blanka Kolková raconte que lorsqu’elle a vu la photo de la robe, qui était alors presque terminée, elle a été stupéfaite par les magnifiques broderies, mais aussi profondément touchée par l’idée globale du projet :

« Quand je regarde la robe rouge, ce n’est pas seulement une belle œuvre d’art, c’est un symbole de connexion et de partage » - Blanka Kolková

« Pour moi, c’est un symbole de pure sororité, de connexion entre des femmes du monde entier, entre différentes nationalités, origines et cultures, mais aussi de connexion entre des histoires de vie individuelles, dans toutes sortes de couleurs et avec des milliers de points réalisés par les mains de centaines de femmes. »

« Quand je regarde la robe rouge, ce n’est pas seulement une belle œuvre d’art, pas seulement un vêtement, je pense que c’est le symbole d’une connexion et d’un partage. C’est aussi une connexion au nom de la gentillesse car je pense qu’il est très difficile de faire de la broderie en étant en colère. Il faut être calme et gentil pour faire quelque chose comme ça. Et je pense que tout cela est dans la robe rouge. »

Blanka Kolková et la robe rouge | Photo: Archives de Kirstie Macleod

Environ une semaine après avoir eu connaissance de l’existence de la robe rouge, Blanka Kolková a été invitée à participer au projet et à ajouter sa propre broderie, inspirée des costumes folkloriques traditionnels tchèques et slovaques :

« Quand j’ai découvert que j’allais faire partie du projet, j’étais sur le point d’aller passer Noël en République tchèque, alors je suis rentrée chez moi, j’ai fait des recherches sur Google et emprunté des livres à mes amis sur les styles traditionnels de broderies tchèque et slovaque. Je pense avoir associé différentes ressources, et j’ai essayé de choisir des couleurs qui rendraient bien sur le fond rouge. »

La magnifique broderie de Blanka Kolková a été l’une des dernières à être ajoutée à la robe rouge qui a, depuis, été exposée dans diverses galeries et musées du monde entier, notamment à Paris, Londres, Mexico ou Dubaï.

Red Dress | Photo: Archives de Kirstie Macleod

Le rêve de Kirstie Macleod pour l’avenir est d’amener la robe rouge dans les pays de tous les artistes qui ont participé à sa création, et de l’exposer aux côtés de leurs propres œuvres dans le lieu de leur choix, y compris en République tchèque.