Une bibliothèque pour le XXIe siècle

Neubau der Tschechischen Nationalbibliothek (Foto: Barbora Kmentová)

Pendant plusieurs années le projet futuriste de la nouvelle Bibliothèque nationale tchèque de l’architecte Jan Kaplický a alimenté un débat public passionné qui divisait l’opinion tchèque en deux camps inconciliables et qui finalement n’a pas été réalisé. Les participants à cette discussion houleuse ne se sont même pas aperçus qu’entre temps une équipe d’architectes a conçu et réalisé à Prague un autre projet de bibliothèque non moins important. La Bibliothèque nationale technique a ouvert ses portes dans le campus de Prague Dejvice le 9 septembre 2009, donc à une date symbolique qui réunit trois chiffres neuf. Le projet et sa réalisation ont été très positivement accueillis par les milieux spécialisés et le grand public. Ses auteurs, les architectes Roman Brychta. Adam Halíř, Václav Králiček et Petr Lešek, réunis dans l’atelier Projektil Architekti, ont obtenu le Prix du Club de la Vieille Prague pour la meilleure construction moderne dans le milieu historique.

Longtemps c’était le vénérable Clementinum, ancien couvent des jésuites au centre de Prague, qui abritaient les livres de la Bibliothèque technique d’Etat. Avec le temps les fonds de la bibliothèque s’élargissaient et l’édifice baroque a fini par être complètement surchargé de livres. L’idée de construire une nouvelle bibliothèque technique avait déjà surgi dans les années 1960. Il fallut finalement un demi-siècle pour que cette idée, qui réapparaissait de temps en temps, soit finalement réalisée. Pendant tout ce temps les organisations compétentes n’avaient pas été capables de réunir les moyens nécessaires. Certains projets dans le passé avaient failli être réalisés mais tous avaient finalement échoué, pour différentes raisons. Par exemple, selon un des projets, la bibliothèque devait être construite dans des localités menacées d’inondations. Un autre projet la situait à l’emplacement où se trouve aujourd’hui le Palais de la culture de Prague.


Les travaux de construction ont commencé à l’automne 2006 et l’édifice a été achevé en décembre dernier. Il a été décidé que l’institution changera non seulement de visage mais aussi de nom et s’appellera désormais Bibliothèque nationale technique. Les frais de la réalisation du projet ont atteint 2,25 milliards de couronnes, quelque 86 millions d’euros et annuellement le fonctionnement de cette institution qui donne du travail à 165 personnes, engloutira presque 5 millions d’euros. Les architectes ont prêté beaucoup d’attention aux aspects écologiques de l’édifice. Grâce aux doubles parois extérieures, ils ont réussi à minimiser les pertes d’énergie et ont pu réduire considérablement le chauffage et la climatisation. Le directeur de la bibliothèque Martin Svoboda et son équipe ont participé activement à l’aménagement des intérieurs:

«Je pense que l’architecture de la bibliothèque est réussie. Tous les architectes, tous les bibliothécaires ayant visité cet édifice jusqu’à présent, ont été très contents et c’est le moins qu’on puisse dire. Les salles de cette bibliothèque sont très flexibles et il sera possible, si la nécessité de changement se présente, de les adapter aux nouveaux besoins. Aujourd’hui, les salles de la bibliothèque sont très confortables, agréables et spacieuses.»


Le visiteur qui s’approche de l’édifice voit d’abord un carré aux angles arrondis dont les parois en verre reflètent l’architecture du quartier. L’intérieur est plein de trouvailles ingénieuses, drôles et amusantes qu’on ne rencontre pas dans les bibliothèques classiques et qui illustrent les intentions non conventionnelles des auteurs du projet. Les câbles électriques sont installés visiblement sous les plafonds et forment des ornements en couleurs. Des ensembles de chaises et de fauteuils sont disposés de façon à évoquer des formules chimiques. L’austérité des murs en béton contraste avec des dessins satiriques du peintre roumain Dan Perjovschi qui rappellent des dessins d’enfants. La bibliothèque se présente donc comme un lieu qui reflète aussi les changements d’habitudes et de style de vie de l’homme du XXIe siècle. D’après son directeur Martin Svoboda, elle sera d’ailleurs beaucoup plus qu’une bibliothèque:

«Aujourd’hui, une bibliothèque n’est pas que l’endroit où sont stockés les livres. C’est surtout un lieu social, un lieu de rencontres, et c’est ce qui manque le plus ici, dans le campus de Dejvice. Il y a plus de 1200 chaises pour ceux qui viendront étudier mais aussi 500 fauteuils confortables. L’édifice abrite une multitude de salles d’études pour lecteurs individuels ou pour équipes que les étudiants peuvent louer. Et la bibliothèque est aussi bourrée d’installations sophistiquées permettant l’accès aux informations imprimées mais aussi aux sources d’informations électroniques.»

L`édifice de six étages abritera désormais les fonds de plusieurs bibliothèques techniques et notamment ceux qui se trouvaient dans les locaux historiques mais déjà insuffisants du Clementinum. 900 000 visiteurs par an sont attendus dans cette institution qui devrait être aussi le théâtre de diverses manifestations culturelles. Déjà en octobre s’ouvrira dans ses locaux une exposition des scénographies les plus intéressantes de théâtres tchèques. Martin Svoboda semble désirer que tout le quartier partage la vie studieuse des lecteurs:

La Bibliothèque technique nationale,  photo: Barbora Němcová
«Tout le rez-de-chaussée est un espace public. Il y a un centre de conférences, une salle d’exposition, un restaurant et un café mais aussi la succursale de la Bibliothèque municipale de Prague, une librairie et un magasin de matériel informatique, donc des services qui manquent un peu dans le campus de Dejvice. Nous espérons que cet espace sera, même en hiver, une espèce de place couverte qui permettra aux gens de se rencontrer, de laisser des messages sur un tableau mural, de se donner des rendez-vous etc. C’est donc non seulement un lieu d’études mais aussi un centre de vie sociale, peut-on dire.»

Les auteurs du projet de l’atelier Projektil Architekti s’imposent ainsi comme de véritables spécialistes de ce genre d’édifices publics. Ce sont eux qui ont signé également les plans de la Bibliothèque scientifique de la ville de Hradec Králové, construction originale sous la forme d’un X qui a remporté, cette année, le Grand Prix des architectes.

Photos: Barbora Kmentová