Une compagnie artistique française fait revivre les contes de Božena Němcová

Les contes de Božena Němcová, photo: Albatros

En forme de poire est une compagnie artistique française qui propose des spectacles autour des contes traditionnels, mais aussi de contes créés pour la scène, à destination du jeune public mais aussi de tous les âges. Dans leur quête de nouvelles sources, Agathe Robinet et Fany Rousseau-Simon ont découvert les contes de Božena Němcová. Frustrées de voir que de nombreux textes de l’écrivaine tchèque avaient été relativement peu traduits en français ou bien souvent trop adaptés, elles espèrent trouver un éditeur pour publier de nouvelles traductions qui seraient confiées à Eurydice Antolin, déjà traductrice du roman Grand-mère (Babička). Un projet soutenu notamment par le Centre tchèque de Paris. Pour en parler Radio Prague Int. a joint Fany Rousseau-Simon :

Source: En forme de poire

« Au départ, on faisait une recherche comme on fait toujours quand on prépare un spectacle. On lit beaucoup de contes, ça nous nourrit et nous permet de créer des spectacles qui sont la plupart du temps des contes traditionnels ou quelquefois aussi, des contes qu’on écrit nous-même. Pendant une recherche, on est tombées sur une version extrêmement raccourcie, même massacrée, du Prince Bajaja. Ça nous a tout de suite intéressées. Grâce au personnage, on est tombées très facilement sur le nom de Božena Němcová. On s’est rendu compte qu’elle était inconnue en France. D’ailleurs, dans ce livre, il n'y avait aucune mention de son nom. C’est vraiment grâce au personnage, qui est très populaire en République tchèque, qu’on a trouvé le nom de Božena Němcová. Cependant, c’étaient principalement des adaptations. C’est donc ce qui nous a motivées à faire des recherches, et à vouloir aller plus loin pour essayer de découvrir sa véritable écriture. On a très vite compris que c’était presque impossible »

Qu’est-ce qui vous a séduites à la fois chez Božena Němcová, qui est quand même un personnage très intéressant et très important de la littérature tchèque, mais pas seulement, puisqu’elle avait été partie prenante dans l'éveil national tchèque au XIXe siècle.

'Le Prince Bajaja',  photo: Albatros

« C’est une image assez forte. Nous, évidemment, on est passionnées par les contes. Ce qui me plaît surtout, c’est qu’elle a des thèmes communs un peu près partout. C’est ça qui est beau dans les contes traditionnels, c’est qu’il y a des thèmes forts qui se retrouvent, des émotions qui sont communes. Après il y a des personnages et des gens qui sont spécifiques à des endroits mais il y a quand même cette chose commune entre tous les êtres humains, et c’est ce qui nous a plu. Il y a tout d’abord le personnage Bajaja avec son cheval, qui va lui donner tous les conseils et qui va les suivre sans se poser de questions. C’est un univers qu’on a découvert ou juste entre-aperçu parce que comme je le disais, c’est assez compliqué d’avoir accès aux textes de cette auteure en France. On n’a accès qu’à des adaptations. On a juste entrevu des figures, des ambiances. Mais on sentait qu’on voulait se rapprocher de son écriture à elle. »

Justement pour parler plus concrètement de ces ambitions de traductions, vous avez ce projet de faire traduire plus de contes en français, et de manière plus correcte...

« C’était une adaptation, c’était donc très court. Il y a eu des traductions de ses textes mais de très peu de contes. Elle en a écrit une centaine, je ne sais pas le nombre exact, et on en a trouvé sept qui avaient l’air d’être vraiment des traductions mais qui remontent au XIXe ou au début du XXe siècle. Ce sont donc des traductions assez anciennes, surtout qu’à cette époque-là, on pouvait être très libre. C’est à dire que les traducteurs prenaient quand même des libertés quand ils traduisaient. Sur les sept, il y a un conte qui date des années 1980 et qui a lui aussi été traduit. Ensuite, on a rencontré Eurydice Antolin qui est la traductrice du roman Babička, puis on a découvert quelques traductions personnelles qui ne sont pas publiées mais qui sont visibles sur son blog. On s’est rendu compte qu’il n’y avait pas véritablement de traductions, toutes les autres choses qu’on a vues c'étaient des adaptations ou des traductions depuis l’allemand. On sentait que c’était quand même assez loin de l’original. C’est pour ça qu’on s’est dit que ça serait merveilleux de pouvoir la faire connaître et que le public francophone puisse lire ses textes. »

Agathe Robinet et Fany Rousseau-Simon,  photo: Romain de Saint-Blanquat

Vous êtes en quête d’une maison d’édition qui pourrait chapeauter ce projet, sachant en plus que votre projet est soutenu par le Centre tchèque de Paris. Il y a donc un intérêt à voir ce projet aboutir…

« Effectivement, on aimerait pouvoir faire connaître son travail et aussi pouvoir dans nos spectacles faire vivre ses textes à l’oral, c’est à dire promouvoir le livre par nos spectacles. Nous ne sommes pas éditeurs, nous n’avons pas cette prétention, c’est pour ça qu’on cherche un professionnel qui serait intéressé par ce projet. »

Vous dites justement vouloir faire vivre ses textes à l’oral : l’an dernier à l’occasion du bicentenaire de la naissance de Božena Němcová, vous avez quand même adapté de manière orale un conte, est-ce qu’on vous pouvez nous en dire plus ?

« Grâce à Eurydice Antolin, qui nous a prêté sa traduction du Cygne, un des contes de Božena Němcová, on avait prévu de faire un spectacle. On a donc adapté le texte, rajouté des chansons comme on fait toujours, puisque ce sont des contes musicaux qu’on crée. On a préparé ce spectacle qui devait d’ailleurs être représenté au Centre tchèque de Paris en décembre. Évidemment, avec la situation actuelle cela n’a pas été possible, mais on a quand même pu enregistrer une version audio qui est passée sur la radio locale, Radio BLV, qu’on remercie. Ça nous tenait vraiment à cœur de faire un hommage pour les 200 ans de sa naissance, même si ce n’est que le début du projet. »

'Le conte du Cygne',  photo: repro Božena Němcová,  'Národní pohádky' /Éd. Sun

En quelques mots, pouvez-vous nous en dire plus sur votre compagnie, quand elle est née, mais aussi sur son nom qui a notamment un lien musical ?

« Notre compagnie s'appelle En forme de poire. C’est un hommage à Erik Satie et aussi un hommage à notre gourmandise, car on est tous des bons vivants, on aime manger. Cette référence à la fois à quelque chose qui se mange et à la fois à ce musicien nous plaisait beaucoup. La compagnie a été créée à l’automne 2016, pour partager un amour commun du spectacle vivant, sans frontières, sans barrières et sans définition précise. On aime un peu toutes les formes possibles du spectacle vivant même si on a commencé avec les contes. »

En forme de poire,  photo: Site officiel de la compagnie En forme de poire

Quel est votre public ?

« Ce qu’on aime c’est que le conte peut réunir tout le monde et ça a toujours été le cas. Les gens qui ont colporté les histoires, les ont raconté, répété et même qui les ont écrites, c’est quelque chose qui reliait les gens. Nous on trouve ça intéressant que ça puisse s’adresser à tout le monde et que chacun puisse trouver ce dont il a envie dans l’histoire, et qu’il n’y ait pas forcément de catégorie ou d'âge défini. »

Pour en savoir plus sur le projet : http://enformedepoire.fr/BozenaNemcova.html