Une grande exposition consacrée à Alén Diviš pour la rentrée du Centre tchèque de Paris
Avec la rentrée et la reprise des activités de nombreuses institutions culturelles, c’est le moment d’évoquer le programme proche du Centre tchèque de Paris dans notre rubrique Allô Paris. Une fois n’est pas coutume, ce n’est pas au téléphone que nous avons parlé des événements à venir au numéro 18 de la rue Bonaparte, mais en personne avec le directeur-adjoint Jean-Gaspard Páleníček, récemment de passage à Prague. Avant d’évoquer l’événement principal de cet automne, l’exposition Alen Divis, nous avons parlé du changement à la tête du Centre tchèque de Paris où Michael Wellner-Pospíšil doit remplacer à partir du mois d’octobre, l’ancien directeur Martin Bonhard.
« C’est un plaisir. A l’époque où Michael était directeur du Centre tchèque, dans la première moitié des années 2000, le Centre tchèque était très actif. C’est vrai qu’il y avait aussi la Saison tchèque en France. Michael avait eu beaucoup d’initiatives. C’est lui qui a créé le club de jazz du Centre, qui a créé le festival Jazzycolors qui rassemble plusieurs autres centres culturels étrangers, et bien d’autres projets de ce type. C’était une présence marquée. J’étais moi-même déjà à Paris, mais pas au sein du Centre tchèque. J’avais eu l’occasion d’y être invité plusieurs fois en tant qu’artiste. C’est donc un plaisir de pouvoir nous retrouver ainsi et de pouvoir travailler ensemble. Bien entendu, la situation est différente aujourd’hui par rapport à l’époque. Les budgets des institutions, notamment culturelles, ont beaucoup baissé, de même que le nombre de personnel. Nous sommes donc déjà en train de réfléchir ensemble à toutes les solutions que nous allons pouvoir trouver pour qu’il n’y ait pas trop de répercussions sur la programmation. »
Comme vous le disiez justement, les restrictions budgétaires touchent à peu près tout le monde, notamment au niveau institutionnel. On a l’impression que la diplomatie tchèque s’oriente plus vers une diplomatie économique que culturelle. Quelles sont les solutions que vous avez trouvées ou que vous imaginez pour faire face à ce problème ?
« Je ne peux pas me prononcer sur la conception de la diplomatie culturelle tchèque. Il y a plusieurs tendances, c’est comme partout et en France c’est comparable. Il y a des personnes qui perçoivent moins cet aspect de la diplomatie et parfois, d’autres personnes, plus inattendues, issues du milieu des affaires, pour lesquelles c’est fondamental et qui voient les retombées de l’entente entre la République tchèque et la France à travers les projets culturels. En ce qui nous concerne, et nous le faisons depuis plusieurs années au Centre tchèque, nous essayons de plus en plus de nous concentrer sur des projets à plusieurs partenaires et notamment, avec d’importantes institutions culturelles françaises, que ce soit les grands musées à Paris, mais aussi hors de Paris. Pour vous donner un exemple, cet été nous avons été très actifs aux côtés du festival Villeneuve-en-scène, où avait lieu un hommage à Václav Havel et à la Charte 77. »Nous en avons d’ailleurs beaucoup parlé cet été sur Radio Prague…
« Oui. C’est donc un exemple d’une des façons de parer à la situation. De toute façon, tout dépend des personnes qui se trouvent à la tête de ces institutions et du dialogue que nous pouvons nouer avec les différents partenaires. Lorsque nous tombons d’accord avec nos partenaires français ou autres, et que nous sommes tout aussi enthousiastes, on trouve toujours des solutions. »
Le directeur actuel Martin Bonhard achève donc son mandat au Centre tchèque. Vous qui avez travaillé à ses côté depuis 2008, quel bilan tirez-vous de ce mandat ?
« Maintenant que je peux regarder ces années de façon globale, j’en garde une assez bonne impression. Il y a eu plusieurs gros événements comme la présidence tchèque du Conseil de l’UE, qui s’est terminée comme nous le savons, mais qui nous a beaucoup aidés parce que les yeux étaient très portés sur la République tchèque. Nous en avons bien profité et cela a porté ses fruits. Il y a eu d’autres moments importants comme le salon de la photographie Paris photo qui a eu toute une année dédiée à l’Europe centrale, avec beaucoup d’attention sur la photo tchèque. Il y a eu aussi un gros projet avec les Frères Forman, un projet de street-art franco-tchèque. Nous avons surtout dû commencer à penser aux solutions à apporter aux problèmes financiers. Je crois que nous avons vraiment réussi à garder le rythme de trois, quatre événements par semaine et à trouver des pistes pour pouvoir nous permettre de continuer. »
Avez-vous des chiffres sur la fréquentation du Centre tchèque ?
« C’est tout-à-fait comparable à la plupart des institutions culturelles à Paris : l’automne est le moment le plus fort, c’est là que se passe la plupart des gros événements culturels, qu’il y a toujours le plus de spectateurs. La salle Janáček au Centre tchèque peut accueillir 130 personnes environ et les caves aussi. Cela fait déjà un bon public. Ensuite dans la seconde moitié de l’année, c’est un peu plus fluctuant, mais je crois que c’est un peu le cas pour tout le monde. »
Comment se passe une transition entre deux directeurs, comment se fait la passation ?
« Je ne pense pas que cela soit quelque chose de compliqué ou de vraiment intéressant. Les Centres tchèques ne sont pas des institutions privées avec à leur tête un directeur ou un programmateur qui leur donnerait son propre visage, avec tout ce que cela peut parfois apporter d’un peu négatif. Ici, de par la nature de l’institution, il s’agit de présenter tous les aspects de la culture tchèque, éventuellement de mettre en valeur la coopération régionale entre la République tchèque et le France, les aspects touristiques, commerciaux aussi. Je ne verrais pas de cassure nette, loin de là. »
J’imagine que quand un nouveau directeur arrive, le programme de l’année à venir est préparé bien à l’avance. Pourrait-on détailler ce qui nous attend au Centre tchèque jusqu’à Noël ?
« Je suis très heureux de pouvoir présenter à Paris une exposition consacrée à Alen Diviš, un artiste majeur du XXe siècle en Bohême, redécouvert assez récemment, après 1989 puisqu’il était tabou sous le régime communiste. »
Il y avait d’ailleurs eu une très grande exposition au Rudolfinum il y a quelques années…
« En effet, elle l’a définitivement établi comme le classique qu’il est aujourd’hui. Diviš a vécu à Paris dans les années 1920-1930. Il a eu un destin tragique puisqu’il a été un de ces artistes tchèques emprisonnés à la prison de la Santé en 1939 lorsque la Bohême est occupée par les nazis et que toute personne de gauche est suspecte en France, vu le lien entre Hitler et Staline. Sa dernière exposition française remonte à 1932, donc cela va curieusement faire 80 ans qu’il n’a pas été présenté en France. Cette exposition va montrer un grand ensemble de dessins, un choix de toiles. Parallèlement a lieu à Paris, au Musée d’art moderne, une exposition intitulée ‘L’art en guerre’, dédiée aux artistes qui vivaient en France pendant la Seconde guerre mondiale, où d’autres artistes tchèques sont présentés aussi, notamment la surréaliste Tita.
Nous avons créé un lien entre ces deux expositions. Je suis très heureux de cette synergie qui s’installe. Autre événement qui me fait plaisir, nous faisons venir en novembre dans le cadre d’un festival de poésie, le poète J. H. Krchovský, le poète le plus lu et le plus aimé des Tchèques, extrêmement difficile à traduire. Certains de ses poèmes sont parus en anthologie en France et récemment dans la revue Europe. Il aura une lecture mais aussi un concert avec son groupe de rock où il met en musique ses textes. Dernière mention : nous organisons un certain nombre d’événements dédiés à Jiří Trnka, au Forum des Images. »