Une invitation dans une galerie d’art idéale
Pourquoi se rendre dans une galerie d’art ? C’est une des nombreuses questions auxquelles répond un livre qui se propose d’ouvrir les portes du monde des arts aux petits lecteurs et de les initier à l’existence visible et secrète des musées et galeries. Ses auteurs ont donné à cet ouvrage intitulé « Jak se dělá galerie » (Comment on fait une galerie d’art) une forme susceptible de plaire aux enfants mais ils y ont aussi mis beaucoup d’informations qui peuvent intéresser et instruire les lecteurs adultes.
Le monde impénétrable des galeries d’art
L’auteur des textes du livre, Ondřej Chrobák, est commissaire en chef de la Galerie morave de Brno. Selon lui, les enfants deviennent aujourd’hui un thème de plus en plus important dans une société qui s’intéresse davantage aux arts. La combinaison de ces deux phénomènes, un plus grand intérêt pour les enfants et pour les arts, a constitué l’impulsion à la naissance de ce livre qui répond à de nombreuses questions :« A vrai dire, le monde des musées ou des galeries d’art est assez impénétrable pour les gens de l’extérieur, et ils le voient d’une façon assez déformée. On me demande souvent par exemple si je travaille le lundi, puisque la galerie est fermée ce jour-là. Il y avait beaucoup de questions de ce genre et c’est pourquoi il nous a semblé intéressant d’expliquer toutes ces choses. Nous avons eu l’idée de le faire sous la forme d’une encyclopédie pour les enfants. Il était donc évident que ce serait un ouvrage illustré, ce qui nous a logiquement amené à y associer David Böhm et Jiří Franta en tant qu’illustrateurs. C’est ainsi que nous nous sommes mis à composer ce livre. »
Un projet qui a muri pendant trois ans
Les petits et les grands lecteurs trouveront relativement peu de textes dans le livre mais beaucoup de dessins. Auteur de la majorité des illustrations, David Böhm se félicite que la gestation de cet ouvrage ait pris trois ans et que les auteurs aient ainsi disposé de suffisamment de temps pour bien préparer le projet, réfléchir à sa conception et même pour revenir sur certaines intentions, corriger ou compléter certaines idées :« Quand nous avons commencé à discuter du projet, nous nous sommes entendus pour imiter en quelque sorte les encyclopédies qui expliquent aux enfants comment par exemple on fabrique un crayon ou un excavateur, comment on ramasse les ordures dans une ville pour les recycler, etc. Il nous a donc semblé opportun d’utiliser ces procédés dans notre livre aussi, de couper en deux une galerie d’art pour montrer au lecteur non seulement les parties accessibles au public mais aussi par exemple les réserves où sont conservées les œuvres d’art. C’était donc notre inspiration principale, notre source. » Le livre s’ouvre par une petite introduction sur l’histoire de l’art. Il évoque, à travers des dessins amusants, les Kunstkammer et autres Wunderkammer, ces cabinets de curiosités et d’arts qui ont précédé musées et galeries. Il démontre que même ces galeries ont évolué avec le temps. D’abord rassemblés de façon complètement fortuite, tableaux et statues ont ensuite été présentés chronologiquement dans les musées. Finalement, au XXe siècle, les galeries se sont transformées en ces édifices ressemblant à de grands cubes où les œuvres d’art sont présentées sur un fond blanc comme des objets de recherche dans un laboratoire.Les méthodes globalisées
Co-auteur du livre, Ondřej Chrobák constate que les méthodes utilisées aujourd’hui par les spécialistes de ces institutions, où qu’elles se trouvent dans le monde, se ressemblent beaucoup :« Les procédés de travail des conservateurs des musées et galeries sont aujourd’hui globalisés. Si vous prenez une galerie d’art de renommée mondiale comme la Tate Modern ou le Centre Georges Pompidou, vous constatez que les expositions sont préparées selon les mêmes principes. Evidemment, ces institutions disposent de moyens beaucoup plus importants que nous à la Galerie morave, mais nous aussi avons, comme le Centre Georges Pompidou, des réserves, des conservateurs, des surveillants, des directeurs, des départements d’éducation, ce qui fait que nos expériences sont pratiquement identiques. »
Maquette d’une galerie idéale
Les auteurs n’avaient pas l’intention de faire un livre sur la Galerie morave. Ce n’est pas un guide de leur établissement. Comme la majorité des musées tchèques, il est installé dans un bâtiment historique qui ne répond pas tout à fait aux besoins d’une galerie moderne. C’est la raison pour laquelle l’illustrateur David Böhm a dessiné, en collaboration avec l’architecte Svatopluk Sládeček, la maquette d’une galerie d’art idéale qui n’est pas fermée sur elle-même derrière des murs historiques mais qui, au contraire, s’ouvre aux gens, une galerie dont le rez-de-chaussée est accessible aux passants et qui abrite un café, une librairie ou encore un foyer public.Evidemment, cette galerie idéale n’est pas seulement un établissement qui montre des œuvres d’art mais aussi une institution qui les protège et les restaure, si nécessaire. Ondřej Chrobák explique à ses jeunes lecteurs que les œuvres d’art sont comme les êtres humains. Elles se sentent bien là où nous aussi nous sentons bien. Elles n’aiment pas les extrêmes, les températures et les taux d’humidité trop élevés ou trop bas, la lumière trop forte... Car alors elles transpirent, prennent froid, s’estropient ou se dessèchent.
La galerie d’art et la ville
Les auteurs n’oublient pas non plus de situer leur galerie rêvée dans la ville. Pour évoquer le paysage qui encadre cette galerie d’art idéale, ils ont invité le dessinateur Jiří Franta à collaborer avec eux. David Böhm explique quelle a été sa contribution :« Il a créé deux grands dessins d’une ville. Quand le lecteur feuillette le livre, il tombe sur une vue de la ville, puis il découvre l’intérieur de la galerie. Il voit donc que dans la ville même déjà, il se passe beaucoup de choses quand nous nous approchons de la galerie ; des œuvres d’art se trouvent même dans la rue. Certaines des œuvres qui figurent sur les dessins sont d’ailleurs décrites et commentées aussi dans l’index à la fin du livre. C’était la contribution de Jiří Franta. »
« Pourquoi donc aller dans une galerie ? », demandent les auteurs à leurs lecteurs à la fin du livre pour mieux leur suggérer dans la foulée toute une série de réponses parfois banales, souvent surprenantes. Nous pouvons y aller donc pour découvrir une exposition, s’instruire, approfondir nos connaissances culturelles et historiques ou encore assister à une conférence. Cependant, nous pouvons aussi nous rendre dans une galerie pour nous promener, nous montrer en société, nous abriter de la pluie, pour un rendez-vous, pour voir les originaux de tableaux dont nous avons les reproductions à la maison, nous distraire ou tout simplement passer quelques moments en silence. Car les musées et les galeries sont en général des endroits silencieux. Une raison de plus pour les aimer.