Une « machine à poèmes » à Prague

Ondřej Kobza et le ministre de la Culture Daniel Herman, photo: Loreta Vašková

Après avoir installé, il y a près d’un an et demi, des pianos à plusieurs endroits dans les rues de Prague et dans près d’une vingtaine de villes tchèques, Ondřej Kobza, propriétaire de plusieurs cafés et fervent activiste culturel, a mis en place une autre initiative culturelle : un « poeziomat », soit une machine à poèmes. Inaugurée au début du mois de mars dernier par le ministre de la Culture, il s’agit de la première machine au monde du genre, qui veut mettre l’accent sur l’importance du caractère onomatopéique dans la récitation des poèmes.

Ondřej Kobza et le ministre de la Culture Daniel Herman,  photo: Loreta Vašková
Des poèmes, en vers ou en prose, récités par des poètes connus. C’est ce que l’on peut entendre actuellement sur la place de la Paix, Náměstí míru, dans le quartier pragois de Vinohrady, et ce par le biais d’un automate à poèmes, qui a pris la forme d’une sorte de périscope de sous-marin. Quelle a été l’idée initiale qui a fait germer ce projet ? Ondřej Kobza dévoile :

« J’aime lire la poésie à voix haute, j’aime la réciter aux gens, et j’organise notamment des voyages à Petrkov, pour partir à la découverte du poète tchèque Bohuslav Reynek. C’est précisément à cet endroit que nous avons pris l’habitude de réciter les poèmes à voix haute. La poésie doit être déclamée d’une certaine manière, et même à l’extérieur. Alors que j’ai eu cette idée. J’ai eu comme un sentiment d’ébahissement. Je me suis dit que cela pourrait être une très belle idée. »

Afin d’obtenir des enregistrements d’une très bonne qualité, Ondřej Kobza s’est tourné vers la station Vltava de la Radio publique tchèque, qui s’occupe depuis longue date de collecter divers poèmes. Comme l’indique le rédacteur en chef de la station, Lukáš Hurník, l’idée d’Ondřej Kobza lui a plue dès le début :

Lukáš Hurník et Ondřej Kobza,  photo: Loreta Vašková
« On pourrait dire qu’il s’agit seulement d’un tuyau qui sort d’une plate-bande sur une place, et qu’il n’aura aucun impact. Mais je crois que ce n’est pas le cas, car la portée y est symbolique. C’est là que réside la force du projet. D’un côté, il y a une interconnexion entre la poésie et la technique high-tech, et d’un autre côté, le fait que le tuyau sorte de terre, cela représente comme un rappel pour ne pas laisser tomber la poésie et la culture dans la cale d’un bateau, mais pour que l’on continue à les maintenir au sein de l’espace public. »

Les poètes choisis, que l’on peut y entendre, font partie des poètes tchèques les plus connus, dont notamment certains poètes de la culture underground, comme Ivan Martin Jirous, Egon Bondy ou Jáchym Topol. La métaphore d’un périscope qui sort de terre semble alors plus qu’appropriée. Militant toujours très actif dans le domaine de la transformation urbaine, Ondřej Kobza souhaite vouloir déplacer ce projet dans d’autres villes du pays et même du monde. C’est du moins ce qu’il espère. Ondřej Kobza développe dans ce sens :

« Nous planifions d’installer environ cinq ‘poeziomat’ dans des villes tchèques, ainsi que dans des villes étrangères. Je voudrais placer une machine à poèmes à New York, par exemple, à Madrid ou à Berlin. Cela peut paraître assez fou, mais étant donné que nous avons des échos très positifs de la part de toutes les personnes à qui je fais part de cette idée, alors je me dis que cela pourrait aboutir. »

Poeziomat,  photo: Loreta Vašková
Si depuis le mois d’août dernier, plusieurs tables de jeu d’échecs ont également été installées à différents endroits de la capitale, une autre initiative personnelle d’Ondřej Kobza, il souhaite mettre en place très prochainement, un petit pavillon de jardin sur l’île de Kampa, pour y installer une nouvelle machine, appelée cette fois-ci Veršomat, soit la machine à vers, avec des rouleaux sur lesquels seraient gravés des poèmes. Quel est le moteur qui pousse Ondřej Kobza, ce promoteur de l’appropriation de l’espace public à trouver toujours de nouvelles idées originales, qui font réfléchir les citadins ? Ondřej Kobza nous explique :

« Pour ma part, en tant que simple individu qui n’a pas terminé ses études universitaires, je possède une certaine liberté de réaliser quelque chose. Je n’utilise pas le mot liberté, dans le sens de pouvoir choisir la couleur de son téléphone portable, mais dans le sens d’une liberté de pouvoir penser quelque chose, de pouvoir inventer quelque chose, de se battre pour et de le réaliser. C’est vraiment la liberté de penser. J’ai besoin de participer à la formation du monde qui m’entoure. Je ne sais pas si c’est la même pour les autres personnes, mais c’est le cas pour moi. »