Une manifestation contre les statues
Une manifestation dans le centre de Prague a attiré l'attention sur la valeur artistique des nouvelles statues dans les rues de la capitale.
Prague n'est pas habitée seulement par les Pragois. Sur ses toits, sur ses façades et dans ses rues, il y a toute une population de statues. C'était surtout les architectes baroques qui ornaient les palais de divinités antiques et les églises de saints en extase. Au début du 20ème siècle, on érigeait partout des monuments du premier Président tchécoslovaque Masaryk, et les communistes, après avoir pris le pouvoir en 1948, ont infesté la capitale avec de nombreux monuments à la gloire de Staline et d'autres figures totalitaires. Toute l'histoire de Prague se résume dans les statues tantôt érigées, tantôt déboulonnées selon les changements d'idéologies et de régimes politiques. La chute du communisme en 1989 a été suivie, elle aussi, par une purge importante dans la population des statues pragoises. C'est contre les monuments érigés dans les rues au cours de la dernière décennie qu'on a organisé, ce mardi, une manifestation. Une trentaine d'étudiants et de professeurs de l'Académie des Beaux Arts, réunis autour du directeur de la Galerie nationale, Milan Knizak, ont traversé le centre pour condamner publiquement ces nouveaux monuments qui, à leur avis, n'ont aucune valeur artistique. Dans leur ardeur iconoclaste, ils ont notamment mis au pilori le Monument des victimes du communisme dans le quartier de Mala Strana, un grand escalier en béton avec des statues du sculpteur Olbram Zoubek, mais aussi l'ensemble de sculptures en bronze représentants des danseurs, qui avait été offert à la ville par le sculpteur Anna Chromy. Ils ont accusé la municipalité et les institutions culturelles de soutenir les artistes enlaidissant la ville avec des oeuvres qui seraient, à leur avis, encore pire que la majorité des statues créées sous la tyrannie communiste. Interrogés s'il y avait un monument nouveau à Prague qui serait acceptable pour eux, ils ne savaient pas répondre. D'ailleurs, leur chef Milan Knizak, lui-même sculpteur, n'a pas échappé non plus à la critique; on est allé jusqu'à détruire à coups de marteau la réplique en carton-pâte de sa sculpture se trouvant à l'entrée du Musée d'art moderne à Prague.
Et les Pragois? Leurs opinions sont mitigées. Il y en a qui aiment, il y en a qui n'aiment pas les nouvelles sculptures. Il y en a aussi qui sont indifférents. Habitués à vivre avec les statues qui peuplent les toits, les façades et les places de leur ville, ils savent que la vie des statues est souvent dure. Ils les laissent vivre donc jusqu'au prochain changement de régime.