Une traduction pirate du roman L'Identité de Milan Kundera

Milan Kundera, photo: Gallimard

La Lenteur, L'Ignorance, Les Testaments trahis et L'Identité - tels sont les titres des oeuvres que le romancier Milan Kundera a écrites en français et interdit de traduire en tchèque. Cette interdiction n'a pas été respectée et les lecteurs tchèques ont aujourd'hui la possibilité de trouver une traduction non autorisée du roman L'Identité sur le web.

« Milan Kundera portera certainement plainte contre un inconnu », estime l'écrivain Milan Uhde cité par le journal Mlada fronta Dnes. A son avis, bien que la plainte dans ce cas ne soit qu'une formalité, elle est justifiée car il s'agit, « d'un vol prolongeant le raisonnement communiste qui refuse 'de facto' la propriété privée ». Une partie des lecteurs tchèques reprochent à Milan Kundera son attitude vis-à-vis de ceux qui ne peuvent pas lire ses derniers livres en français ou traduits dans une autre langue étrangère. Car l'interdiction ne frappe que les traductions des oeuvres dans la langue maternelle de cet auteur d'origine tchèque établi depuis 1975 en France. Mais il serait erroné d'y chercher la provocation ou la vengeance d'un émigré vis-à-vis de sa patrie. L'explication qu'en donne Milan Kundera lui-même ne manque pas de logique. L'écrivain n'a pas assez de temps.

Fanatique de la précision, Milan Kundera surveille de près toutes les traductions de ses oeuvres et il est encore plus exigeant quand il s'agit de traduire ses livres dans sa langue maternelle. Il se considère donc comme le seul traducteur possible de ses livres en tchèque mais il veut profiter aussi du temps qui lui reste pour écrire de nouvelles oeuvres. Face au dilemme « écrire ou traduire », il opte tout naturellement pour écrire. Tant pis pour les Tchèques mais chaque lecteur qui aime cet auteur, ne peut qu'approuver sa décision.

Il lui arrive ce qui doit arriver tôt ou tard à chaque créateur véritable. Les romans et les essais qu'il a mis au monde, tels des enfants capricieux, commencent à vivre leur propre vie, indépendamment de sa volonté. A l'époque d'Internet, ce paradis des anonymes, où les droits d'auteur sont de plus en plus bafoués, il sera toujours plus difficile pour Kundera de sauvegarder la pureté virginale de ses textes. Comme ses contacts avec la presse sont extrêmement rares, nous ne saurons probablement pas, s'il a subi la torture de lire la traduction pirate de L'Identité, et quel est son avis sur la qualité de cette traduction. Quoi qu'il en soit, il lui reste une consolation : ses livres continuent à intriguer et passionner le public. Beaucoup d'auteurs seraient flattés par un tel engouement.