Václav Hollar, un artiste devenu mémoire de son époque

Photo: Repro Václav Hollar, Kresby / Národní galerie v Praze

L’un des meilleurs graveurs du XVIIe siècle : c’est ainsi que les connaisseurs qualifient Václav Hollar (1607-1677), artiste natif de Prague et promis à une vie cosmopolite. Paru récemment aux éditions de la Galerie nationale de Prague, le livre, intitulé simplement Václav Hollar : Les dessins, démontre que ce globe-trotter était aussi un excellent dessinateur.

Un maître de la gravure et du dessin

Václav Hollar : Les dessins,  photo: Galerie nationale de Prague
En Bohême Václav Hollar, en Allemagne Wenzel Hollar, en Angleterre Wenzeslaus Hollar Bohemus - les différents noms du graveur témoignent du caractère international de sa riche carrière. Ces gravures sont conservées aujourd’hui dans des galeries et musées prestigieux en Europe et aux Etats-Unis. Artiste prolifique, le nombre de ses eaux-fortes est estimé à 3 000, il a aussi fait au cours de sa vie près de 500 dessins. L’historienne de l’art Alena Volrábová a réuni la majorité de ses dessins dans un livre qui ressemble à un catalogue richement documenté :

« La création de Václav Hollar est très bien analysée et répertoriée en ce qui concerne ses œuvres graphiques, mais il reste un déficit énorme en ce qui concerne ses dessins. Pourtant, ses dessins sont des œuvres tout à fait autonomes. Dans la plupart des cas, il ne s’agit pas de croquis préparatoires pour ses gravures. Une grande partie des dessins n’ont pas servi d’esquisse pour des gravures et il y a bien des motifs d’œuvres graphiques qui ne figurent pas sur les dessins. »

La guerre de Trente Ans

Václav Hollar
La vie de Václav Hollar a été profondément marquée par les événements dramatiques qui ont bouleversé l’Europe au cours du XVIIe siècle. Né en 1607, il vit à Prague la révolte de la noblesse tchèque et la bataille de la Montagne-Blanche par laquelle commence la guerre de Trente Ans qui va ravager une grande partie de l’Europe. Néanmoins, selon les spécialistes, ce ne sont probablement pas les motifs politiques ou religieux qui poussent en 1627 le jeune graveur talentueux à quitter sa patrie. Il cherche plutôt de meilleures conditions de vie et un milieu plus favorable pour son art.

Le premier pays où il s’installe est l’Allemagne. Il vit successivement à Stuttgart, à Strasbourg, à Francfort et à Cologne où il fait la connaissance, en 1636, de l’ambassadeur britannique Thomas Howard Arundel, une rencontre qui va changer sa vie. C’est avec ce collectionneur averti qui devient bientôt son mécène qu’il entreprend un voyage à travers l’Europe centrale et c’est finalement avec lui qu’il s’installe en 1637 en Angleterre, sa seconde patrie. Les dessins réunis dans le livre d’Alena Volrábová retracent ces voyages :

« C’était un gros travail de répertorier les dessins chronologiquement et il a fallu suivre son trajet sur une carte. Il fallait répondre par exemple à la question de savoir si Hollar a pu visiter Cologne à l’époque où il résidait à Anvers, ou bien si les moyens de transport de l’époque, qui n’étaient ni confortables ni rapides, lui ont permis de se rendre deux fois de suite au cours d’une seule année à Prague pour dessiner des vues de la ville chaque fois sous un angle différent, ou bien s’il avait visité Prague déjà l’année précédente, ce qui est l’avis de certains spécialistes. »

La seconde patrie de Václav Hollar

Photo: Repro Václav Hollar,  Kresby / Národní galerie v Praze
Installé en Angleterre, l’artiste travaille d’abord pour le lord Arundel mais la qualité de ses gravures lui permet de s’imposer dans la vie artistique et de s’attirer l’attention et les faveurs de la maison royale. Il entre au service du duc de York, frère du roi Charles II et futur roi Jacques II. Engagé aux côtés des royalistes dans les conflits de la Première révolution anglaise, il est arrêté mais réussit à s’évader et s’établit aux Pays-Bas où il poursuit son œuvre de graveur et de dessinateur.

Vers la fin de sa vie il retourne encore en Angleterre, et après la mort d’Oliver Cromwell et la restauration des Stuarts, il se rapproche une fois de plus de la famille royale. Ses gravures et des dessins réalisés à cette époque-là sont des documents précieux sur Londres, ville en grande partie détruite par un terrible incendie en 1666.

Expédition à Tanger – une nouvelle inspiration

Photo: Repro Václav Hollar,  Kresby / Národní galerie v Praze
Deux ans plus tard, Vaclav Hollar part avec une expédition royale au Maroc pour dessiner et graver des vues de la ville de Tanger tombée récemment en possession de la couronne d’Angleterre. Selon Alena Volrábová, la création de Václav Hollar de cette période prend une nouvelle qualité :

« Ses dessins réalisés au Maroc diffèrent de l’ensemble de son œuvre. C’était l’époque tardive de sa vie. En 1669, il a visité Tanger, forteresse anglaise au bord de la mer, et un nouvel élan créateur est alors né en lui. Ses dessins de cette époque se distinguent par une espèce de monumentalité très particulière. Par contre, le style des dessins des périodes précédentes ne change pas beaucoup et il était donc assez difficile de les classer dans un ordre chronologique. C’est pourquoi il a fallu suivre son trajet sur des cartes. »

Vers la fin de sa vie, Václav Hollar continue à travailler mais sa vue faiblit. Il meurt dans une pauvreté relative en 1677 et il est inhumé près de l’église Sainte- Marguerite à Westminster. Il laisse une œuvre grandiose et de nombreux disciples. Ses eaux-fortes et ses dessins sont conservés dans des collections dans plusieurs pays européens. Le premier catalogue de ses eaux-fortes est créé en 1853 par l’archéologue et collectionneur Gustav Parthey. Aujourd’hui, nous disposons donc aussi d’un livre que nous pouvons considérer comme le catalogue de ses dessins qui sont certes moins nombreux que ses gravures mais non moins intéressants. Alena Volrábová a par ailleurs réuni dans cet ouvrage de référence des dessins inédits jusqu’à présent :

« Il s’agit notamment d’un beau cahier d’esquisses qui comprend une centaine de croquis et se trouve dans la bibliothèque universitaire de Manchester. Et c’est justement grâce à ce cahier que nous pouvons reconstituer la méthode du travail de Václav Hollar. Il faisait d’abord une esquisse légère, puis il la développait et, en se basant sur ces études préparatoires, il exécutait soit le dessin définitif soit une gravure. »

Photo: Repro Václav Hollar,  Kresby / Národní galerie v Praze

Un témoin de de son temps

Dessinateur virtuose, maître souverain de la technique de l’eau-forte, Václav Hollar est avant tout un grand témoin de son époque. Il est l’un de ceux grâce auxquels nous pouvons nous représenter aujourd’hui l’Europe du XVIIe siècle. Grâce à son style précis et détaillé surgissent du passé des villes, des églises, des châteaux et des paysages mais aussi les physionomies et les costumes de ses contemporains. Son réalisme minutieux lui a permis de ne négliger aucun détail architectural ou vestimentaire. Dans ses dessins, il nous a laissé par exemple une espèce de reportage sur la construction de la cathédrale de Cologne et grâce à ses reproductions graphiques d’œuvres de grands peintres nous connaissons aujourd’hui certains tableaux considérés comme disparus.

Photo: Repro Václav Hollar,  Kresby / Národní galerie v Praze
Nous pourrions dire que ses eaux-fortes et ses dessins ont joué dans son siècle le rôle de la photographie mais ce serait sous-estimer la maîtrise souveraine et la sensibilité esthétique avec lesquelles il abordait ses motifs. Car malgré sa fidélité à la nature et son réalisme, ses gravures et ses dessins n’ont jamais été seulement des copies de la réalité mais toujours de véritables œuvres d’art.