Václav Jan Tomášek ou le Matin de la musique romantique

Václav Jan Tomášek

L’œuvre du compositeur tchèque Václav Jan Tomášek a été très appréciée pendant sa vie et presque oubliée après sa mort. Il a été éclipsé par ses contemporains plus célèbres Ludwig Van Beethoven, Franz Schubert et autres. Ce n’est que dans les années 1921 que grâce à une étude révélatrice du musicologue allemand Willi Kahl a ressurgi du passé l’œuvre novatrice de ce musicien et la musicologie moderne a rendu justice à son rôle incontournable dans la période de transition entre le classicisme et le romantisme.

Né dans la commune de Skuteč en Bohême Václav Jan Tomášek allait passer presque toute sa vie à Prague. Il n’a pas eu la vie typique de tant d’autres musiciens tchèques de l’époque qui cherchaient la reconnaissance et la fortune à l’étranger. D’ailleurs la carrière de musicien n’est pas une évidence pour ce garçon qui est le 13e rejeton d’un marchand de toile. Il hésite beaucoup avant de choisir la musique comme l’activité principale de sa vie. Sa famille sombre dans la misère et son éducation musicale restera fragmentaire. C’est un autodidacte qui à l’âge de 22 ans déjà jouit à Prague d’une renommée d’excellent pianiste. Homme de nombreux talents, il est cependant aussi attiré par d’autres disciplines. Il étudie le droit, la philosophie, les mathématiques, l’histoire et l’esthétique et rêve d’une carrière de juriste. C’est le comte Buquoy qui met fin à ses hésitations en offrant au jeune homme le poste de maître de musique. Le musicien passera 16 ans au service de cet aristocrate amoureux des arts. Il vit avec le comte et sa famille au Palais Buquoy à Prague mais aussi dans les résidences du comte à la campagne.

A l’âge de cinquante ans Václav Jan Tomášek se marie et quitte son mécène aristocratique. Il s’installe dans une maison du quartier de Malá Strana à Prague et devient une personnalité importante de la vie musicale de la capitale tchèque. Après l’échec de son court mariage, il s’adonne entièrement à la musique. Il ouvre une école privée qui peut se mesurer avec le conservatoire de Prague et participe à la formation musicale de toute une génération de brillants musiciens dont Jan Václav Hugo Voříšek, Alexander Dreschock et Leopold Měchura. Il fréquente et reçoit dans sa maison la fine fleur de la société cultivée de Prague dont l’historien et homme politique František Palacký, le poète František Ladislav Čelakovský et autres. Parmi ses amis et connaissances il y a Haydn, Beethoven, Goethe et d’autres personnalités de l’époque. Sa renommée est telle qu’il est surnommé le « pape musical ».


L’œuvre de Václav Jan Tomášek est assez vaste, elle compte 114 opus et couvre presque tous les genres musicaux. Il renoue avec le style des grands viennois Mozart et Beethoven mais le développe en accord avec les tendances de l’époque. Sans abandonner la pureté toute classique, il réussit à donner à ses œuvres les élans et la sensibilité romantiques. Parmi ses compositions il y a des œuvres sacrées, le Requiem en ut mineur et la Messe solennelle, des opéras sur les livrets allemands et de nombreux Lieder composés sur les textes allemands et tchèques. Il met en musique des poèmes célèbres dont ceux de Johann Wolfgang Goethe qui apprécie beaucoup son art et préfère ses Lieder à ceux de Beethoven et de Spohr.

C’est le piano qui inspire à Václav Jan Tomášek ses œuvres les plus originales qui résisteront à l’épreuve du temps. Il est auteur de deux concertos pour piano et de toute une série de compositions pour piano seul. Ses Eglogues, Dithyrambes et Rhapsodies pour piano surprennent encore aujourd’hui par la richesse de leur invention, la grâce très particulière, la fraîcheur de l’inspiration, l’esprit et l’humour. Le genre d’églogue, pièce évoquant les charmes de la vie pastorale, devient pour le compositeur aussi typique que la mazurka pour Chopin ou la polka pour Smetana. C’est en écoutant ces compositions de dimensions modestes qu’on se rend compte dans quelle mesure ce musicien pragois presque oublié a influencé Schubert mais aussi Mendelssohn, Schumann, Chopin et Brahms.


A la fin de sa vie, le musicien se retire dans la solitude. Dans ses Mémoires, il retrace ses activités musicales, jette un regard très critique et sévère sur la vie musicale de son temps et ne cache pas d’avoir en haute estime sa propre œuvre. Si l’on ne peut pas dire donc que Václav Jan Tomášek était un exemple de modestie, on peut dire sans exagérer que c’était un musicien génial. Il est mort à Prague en 1850 à l’âge de 76 ans. Le monument sur sa tombe au cimetière dans le quartier de Smíchov représente la lyre du roi David et porte cette inscription : « Seule la vérité est la couronne de l’art ». Ses compositions pour piano qui n’ont rien perdu de leur fraîcheur, sont toujours jouées et ont été enregistrées par les pianistes Pavel Štěpán, Milan Langer, Dagmar Šimonková et autres. La vie posthume de Václav Jan Tomášek se poursuit.


Rediffusion du 28/08/2011