Václav Neumann : « Le premier prix du concours Czech Press Photo, une provocation visuelle »
Cette année, le concours Czech Press Photo calqué sur celui du World Press Photo en était à sa 15e édition. Et c’est une photo atypique qui a remporté le premier prix du concours, une photo prise au moment de la visite de Barack Obama à Prague en juin dernier, par le Canadien d’origine slovaque Joe Klamar, photographe de l’Agence France Presse (AFP). Václav Neumann est éditeur photo à l’AFP à Paris, il était membre du jury cette année, et il revient sur le vainqueur.
« Joe Klamar est un des meilleurs photographes de l’AFP. On a 400 photographes dans le monde et il doit être parmi les vingt meilleurs. Quand j’étais à Paris je me doutais un peu qu’il allait nous ‘jouer un tour’ ! Quand Joe Klamar fait un reportage, il fait toutes sortes de cadrages, de saturation et désaturation de l’écran... Mais à la fin du reportage il fait toujours une photo que personne n’a jamais faite. Bien sûr je ne savais pas quelles photos il présentait au concours. Mais en me promenant parmi les photos, en voyant sa série, je me doutais un tout petit peu que c’était de lui. C’est une photo à la limite du photojournalisme et de la photo d’art, même si je n’aime pas trop ce terme. »
Il faut quand même préciser que cette photo est composée à 90% de la vue de Prague sous la brume, et que dans les deux coins inférieurs de la photo, on a d’un côté Barack Obama qui regarde la statue de Masaryk de l’autre...Je n’ai pas voté non plus pour Michal Čížek qui est notre photographe ici à Prague. Avec quelques collègues, on était quatre sur onze, nous avons voté pour la photo de cette petite fille rom qui a été brûlée dans sa maison à Vítkov. Malgré le fait que la photo ne soit pas excellente, nous avons estimé qu’il fallait revenir sur cette histoire, pour qu’elle ne s’oublie pas. Parce que le racisme en République tchèque se développe de façon très importante. »
« C’est là qu’il est très fort. Moi qui suis un vieil éditeur photo, je peux dire que c’est une provocation visuelle et une provocation concernant le photojournalisme. Parce que normalement cette photo-là, quand elle arrive au desk d’une agence, elle partira chez les clients en dernière position parce qu’elle est très difficilement publiable. Klamar est tellement bon qu’il peut se permettre de réaliser des photos de ce style-là, qui sont complètement ‘hors cadre’ et inhabituelles graphiquement. Il est toujours très graphique. Moi en tant qu’éditeur de l’AFP, je dois dire que je n’ai pas voté pour la photo de l’année qui a été faite par notre journaliste.Quels sont les grands thèmes de l’année qui ressortent du palmarès de Czech Press Photo ?
« C’est une très bonne année. J’étais content d’être dans le jury cette année parce que j’aurais eu des problèmes à voter pour la photo qui a gagné l’an dernier, celle du couple qui s’étreint sur une autoroute où il y a eu un crash de voiture. Les thèmes qui se dégagaient cette année, c’était les grands événements internationaux comme Obama et le pape en République tchèque, les événements, même risibles, tchéco-tchèques, c’est-à-dire Paroubek qui se fait attaqué par un groupe de ‘lanceurs d’œufs’. Ou encore les inondations qui ont donné un très bon reportage, très sensible. Ensuite, il y a des photos faites à l’étranger et des reportages qui n’ont rien à voir avec la République tchèque. A chaque fois que je suis juré de Czech Press Photo, je regrette que, surtout cette année ou l’an dernier, au moment où le monde est en crise financière, économique et sociale, cette réalité-là ne se reflète pas du tout dans le Czech Press Photo, ce qui est très étrange. »