Czech Press Photo : une exposition au Musée national pour faire connaître le photojournalisme
Jusqu’au 31 octobre, le bâtiment historique du Musée national à Prague abrite l’exposition ‘Czech Press Photo’ qui réunit les photographies lauréates de la 26ème édition du Concours de la meilleure photo de presse tchèque. Prises par 288 photographes tchèques ou slovaques, les photos doivent évoquer un événement national ou international de l’année écoulée et un jury s’est chargé de départager les 5 000 photos en lice cette année.
Créé en 1995, ce concours est le plus important pour les photographes de presse en République tchèque. C’est un moyen pour les photojournalistes de faire connaître ce qu’ils font et de les motiver à avoir une vision personnelle dans leur travail pour se démarquer. C’est aussi l’occasion de se souvenir des événements qui ont marqué l’année à travers des images qui parlent au grand public. Czech Press Photo parle de ‘chronique picturale’.
C’est une photo prise par Roman Vondrouš qui a été récompensée cette année du prix de ‘Photo de presse de l’année 2020’. Prise le 9 septembre dernier, on y voit un homme traversant un tunnel de désinfection dans la chapelle de Bethléem à Prague. Selon son auteur, le cliché évoque tour à tour l’isolement, la peur, la résignation et la fatigue. L’édition 2020 a évidemment été placée sous le signe de la pandémie, beaucoup d’images montrant les restrictions sanitaires ou la situation dans les hôpitaux, à l’instar de celles de Lenka Klicperová ou de Dan Materna.
D’autres événements ont permis aux photographes de montrer tous leurs talents, comme la préparation olympique des sportifs avec l’image d’Ondřej Deml montrant un kayakiste s’entraînant sur la Vltava.
Renouvelé chaque année, le jury était cette fois-ci constitué de cinq photographes expérimentés, dont Joe Klamar, photographe en chef de l’Agence France-Presse pour l’Europe centrale.
Les inscriptions pour l’édition 2021 sont déjà ouvertes et Anna Vacková, responsable du concours, nous explique les conditions pour y participer. Il faut être photographe professionnel dans une agence ou en indépendant et s’inscrire sur le site de l’organisation pour espérer passer les différentes étapes du vote en ligne et remporter un prix. Du fait du grand nombre de candidatures, Anna Vacková assure que le processus est très long et que le jury est confronté à des choix compliqués tant les photos sont d’une grande qualité.
Ouverte tous les jours depuis début mai et jusqu’en octobre, l’exposition est l’une des plus visitées du Musée national, lieu qui n’a pourtant pas l’habitude d’accueillir ces photographies. En effet, elles étaient jusque-là exposées à l’Hôtel de Ville mais leurs salles d’exposition ont été fermées, ce qui a contraint les organisateurs à rechercher un nouveau lieu.
La photo de presse est un milieu mal connu du grand public, tant avoir des photos dans les journaux nous paraît aujourd’hui naturel. Laurent Gilliéron, photo-journaliste depuis 25 ans à Lausanne (Suisse) et récompensé par le ‘Swiss Press Photo Award’ en 2005 et 2013, explique au micro de Radio Prague International les contraintes de son métier :
« C’est un métier de passionnés mais c’est aussi un métier relativement compliqué. Beaucoup croient que les photographes font juste deux photos et que c’est terminé, mais pas du tout. Notre travail, c’est beaucoup d’organisation, de mails, d’accréditations… Il faut être quelqu’un d’assez souple dans ses horaires, il ne faut pas avoir peur de travailler de 8h à minuit. J’ai des enfants et ma femme m’aide pour me permettre de continuer à faire cela. Ce métier demande une grande souplesse, une passion et d’être prêt à changer son programme à la dernière minute, sans se fixer à long terme. Encore plus maintenant avec les nouvelles qui tombent à la dernière minute. On a un agenda à 24 ou 48 heures maximum alors qu’au début de ma carrière, j’arrivais à planifier sur les deux semaines à venir. »
Née pour remplacer les gravures dans les journaux dans les années 1920, la photo de presse doit aider à la compréhension du sujet et sert à raconter des histoires par l’image, support accessible y compris à ceux qui ne savent pas lire. Le but est de résumer un événement en une image. C’est Robert Capa, photographe de guerre hongrois, qui a réellement inventé le photojournalisme en 1936, avec son image de la Guerre d’Espagne montrant un homme tombant en arrière, touché par une balle. Depuis, les concours de photos de presse se sont multipliés. Laurent Gilliéron les voit d’un bon œil :
« Ils permettent de décerner le prix du meilleur photographe de l’année. Mais ça reste des concours, il faut présenter ses images. Ce n’est pas un jury qui examine toute la production, on est libre de participer ou non. Ces concours sont importants pour une symbolique d’Histoire, ça donne un résumé de notre métier. C’est l’histoire de la photographie mais aussi du pays. Le concours valorise le métier pour montrer qu’on existe. Il y a souvent des expositions aussi, les musées disent que le grand public s’intéresse beaucoup à la photo de presse. »
Marqué par la photo du Tchèque Martin Divíšek qui montre un homme portant un masque à gaz dans le métro, Laurent Gilliéron observe les impacts que la pandémie a eus sur son métier :
« Notre travail a été bouleversé car il est normalement fait de manifestations, de conférences de presse, de matchs… Et tout cela s’est arrêté du jour au lendemain et on n’a plus fait que du Covid. J’ai fait le même sujet tous les jours avec des variantes (hôpitaux, confinement, masques…). Sur le fond, j’ai ressenti qu’en Suisse, il y avait une volonté du monde de la communication d’avoir un contrôle total sur le monde de l’information. »
La profession de photojournaliste a en effet encore beaucoup de défis à relever, qui concernent souvent la qualité des images et le financement par les médias :
« Les prochains défis concernent la recherche de financements pour que la photographie de qualité ait une place plus grande. En Suisse, de plus en plus de médias se passent de photographes professionnels free-lance et d’agences de photos. Ils préfèrent des photographies gratuites de piètre qualité, faites par des photos-reporters avec leur téléphone. On ne comprend rien en regardant l’image, il faut vraiment lire la légende pour comprendre ce qu’il y a sur l’image. Cela s’explique par le coût des photos. C’est dangereux pour notre métier. »