«Veritas», un roman entre le thriller et le livre d’histoire

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Vienne 1711. En février de cette année, arrive dans la capitale sur le Danube le vieux abbé Melani, agent secret du roi de France Louis XIV. Sa mission est aussi difficile que dangereuse : il doit renseigner le jeune empereur Joseph 1er sur une trahison qui se prépare contre lui. C’est pourquoi l’abbé Melani appelle à Vienne son fidèle serviteur, ramoneur de son métier, qui vit en Italie dans le dénuement complet. Bientôt la vie paisible de Vienne est bouleversée par une série de meurtres. Et c’est en cherchant à dévoiler le meurtrier que l’abbé Melani découvre la trace d’une grande conspiration qui ne connaît pas de frontières. Tel est le point de départ du roman « Veritas » des auteurs italiens Rita Monaldi et Francesco Sorti, roman dont la traduction tchèque a paru aux éditions Albatros à Prague.

Le roman « Veritas » est une oeuvre commune d’un couple d’écrivains qui est aussi un couple dans la vie. Rita Monaldi est philologue classique, Francesco Sorti est musicologue. La traductrice tchèque de leur roman Zdena Šmídová présente ses écrivains qui puisent leur inspiration dans le passé et poursuivent la réalisation d’une oeuvre grandiose - une saga de sept romans historiques situés aux XVIIe et XVIIIe siècles:

«C’est un couple qui a deux enfants. Ils sont journalistes et ils ont mis toutes leurs connaissances dans leur chef d’oeuvre, c’est à dire dans leur ‘septalogie’ dont quatre tomes sont déjà parus. Cependant, en Italie, leur pays natal, c’est seulement le premier tome intitulé ‘Imprimatur’ qui a paru dans la maison d’édition Mondadori. C’est une maison d’édition très connue. Elle a été malheureusement achetée par Sylvio Berlusconi qui a interdit d’imprimer le second tome ‘Secretum’. Nous parlons maintenant du troisième tome intitulé ‘Veritas’ qui est sorti il y a quelques mois dans ma traduction dans la maison d’édition Albatros à Prague.»

Il est difficile de déterminer le genre de ce livre. Le lecteur se demande dans quelle catégorie il faut le classer. Est-ce un roman historique, un récit d’aventures, un roman policier, une oeuvre utopique ou même une tentative de réécrire l’histoire européenne ? Déjà à premier abord, le roman éveille le respect. C’est un lourd volume de 900 pages, et il semble que son ambition est non seulement de raconter une histoire, d’amuser le lecteur par une intrigue à suspense mais de donner l’image la plus complète de la vie quotidienne à Vienne à l’époque baroque. La richesse des détails de la vie des Viennois à cette époque est telle que l’intrigue s’y embourbe parfois, et le lecteur a quelque peine à suivre l’action. Les amateurs d’histoire y trouvent cependant d’innombrables informations étonnantes, drôles et amusantes. En lisant cette ample chronique ils risquent de perdre beaucoup d’idées reçues sur la vie au XVIIIe siècle et leur vision de l’histoire en sortira sans doute modifiée. Quant à l’intrigue du roman, elle est bien compliquée, pleine de dangers, de pièges, de mystères et de coups de théâtre. Zdena Šmídová rappelle le début du récit qui est plein d’allusions aux événements décrits dans les romans précédents:

«Le narrateur, ancien garçon dans une auberge romaine, est invité par son bienfaiteur, l’abbé Melani, à s’établir à Vienne parce que la population de Rome souffre de la famine. Il a trois enfants, deux filles et encore un garçon de six ans à peu près. Alors c’est le mystérieux abbé Melani qui envoie un notaire pour leur dire qu’il y a une jolie petite place pour eux à Vienne.»

Après son arrivée dans la capitale autrichienne, le ramoneur italien trouve rapidement du travail et sa situation matérielle s’améliore considérablement. Et c’est à ce moment-là qu’il devient, de même que son bienfaiteur Melani, témoin d’une série de meurtres mystérieux. Evidemment nous ne voulons pas et ne pouvons pas, faute de temps, suivre ici les méandres de cette histoire compliquée qui amènera l’abée Melani sur les traces d’une conspiration visant les sommets du pouvoir européen.

L'empereur Joseph 1er
Laissons le lecteur se faire emporter par le courant de ce récit aux aspects diaboliques. Il sera accompagné, lors de ce voyage, par toute une pléiade de personnages historiques ou inventées par l’imagination des auteurs : Atto Melani, ancien castrat devenu diplomate et agent secret ; Simonis Rimanopulos, étudiant grec qui oscille entre l’idiotie et la génialité ; Camilla de Rossi, belle musicienne mystérieuse qui compose de splendides oratorios ; le prince Eugène de Savoie, généralissime des armées impériales, et une foule d’autres personnages dont le jeune empereur Joseph 1er. La traductrice constate que les auteurs ont brossé le portrait du souverain avec beaucoup de sympathie:

«Les auteurs Montaldi et Sorti sont tombés amoureux de ce personnage de l’empereur qui leur paraît beau par rapport aux autres Habsbourg. Malgré sa vie assez désordonnée (il était coureur de femmes), il leur paraît comme quelqu’un de neuf et juste qui aurait modernisé l’empire romain germanique.»

«Veritas» est un roman à multiples facettes. On peut lui reprocher son manque de cohésion et son intrigue embrouillée, mais on ne peut nier que c’est un livre qui regorge de personnages hauts en couleur et de situations étonnantes. Zdena Šmídová a trouvé encore d’autres raisons pour lesquelles il faut lire ce roman de 900 pages:

«Pour moi c’était surtout la ressemblance avec l’esprit tchèque parce que la Bohême faisait partie à cette époque de l’empire autrichien. Alors c’est comme si les auteurs décrivaient un peu la mentalité tchèque. D’habitude nous avons la possibilité de lire les livres d’origine allemande et anglo-saxonne sur cette période historique. Tandis que ici c’est un autre point de vue. C’est frais et je dirais que c’est même moderne. Le livre révèle des secrets qui changent notre opinion sur l’Empire romain germanique de ce temps-là. Le lecteur tchèque a été surpris par l’épaisseur du livre, parce que c’est un roman qui peut bien suffire à remplir par la lecture toutes les vacances par exemple. Les congés de trois semaines vont très bien pour la lecture de ce livre. Alors c’est un livre idéal, un triller, pour les vacances qui arrivent.»