Viktorie Dugranpere : « Nous voulons diffuser la chanson française auprès de tous »
Sortie en ce mois de novembre du double album « Francouzské Šansony & Šlágry Mrakodrapů » du groupe Viktorie et František Band. Regroupant classiques de la chanson française et standards du jazz et swing américain, cet opus a été baptisé ce mercredi lors d’un concert à Malostranská Beseda. A cette occasion, Radio Prague International a rencontré la chanteuse du groupe, Viktorie Kaplanová Dugranpere. Elle explique son parcours et sa carrière artistique :
« Je suis surtout une chanteuse lyrique spécialisée dans la musique ancienne. J’ai créé un ensemble orienté vers la musique de l’époque baroque, du classicisme et de la Renaissance qui s’appelle ‘Victoria Ensemble’. Nous donnons beaucoup de concerts aux Festivals de la musique classique de notre République mais aussi à l’étranger. Avec ce groupe vocal et instrumental, je parais sur la scène comme une chanteuse voire parfois comme une cheffe de musique. »
Quel lien entretenez-vous avec la France ?
« Je viens d’une famille francophile dans laquelle tout le monde parle français et j’ai passé beaucoup de temps en France. J’ai toujours aimé la musique française ancienne, j’ai suivi des cours de chant baroque en France et, en 2012, j’ai fait un stage. J’ai passé un semestre de mes études en musicologie à la Sorbonne. Pour le moment, je ne voyage plus en France mais j’interprète la musique française ici en Tchéquie. »
Vous interprétez la chanson française en République tchèque et c’est d’ailleurs ce répertoire que nous pouvons retrouver sur votre double album, pouvez-vous en dire un peu plus sur ce projet ?
« Je ne fais pas seulement de la musique française classique mais je me consacre intensément, et depuis plus de 10 ans, au phénomène de la chanson française du XXe siècle. A l’époque, j’ai commencé à collaborer avec un accordéoniste et compositeur tchèque, mon ami František Tomášek, et nous avons commencé à jouer le répertoire d’Edith Piaf, Jacques Brel, Serge Gainsbourg, Charles Aznavour et autres pour le public tchèque. Puis quatre autres musiciens excellents nous ont rejoints. Nous avons trouvé une orientation principale pour notre répertoire qui se tourne donc vers la chanson française et les standards du jazz avec une traduction tchèque. Cette année, grâce à la pandémie paradoxalement, nous avons finalement enregistré deux albums qui sont désormais en vente. »
Entreprise familiale
Les chansons sont donc toutes traduites en tchèque, comment est née cette collaboration avec Jiří Dědeček, qui est parolier et traducteur ?
« C’est tout simple. Jiří Dědeček est mon père donc nous pouvons dire que c’est comme une entreprise familiale ! C’est un poète, parolier et traducteur et à ce que je sache il a commencé à traduire la chanson française dans les années 80 avec d’abord Georges Brassens puis Jacques Brel et les autres. »
Pourquoi avez-vous choisi de traduire les chansons françaises pour les faire découvrir au public tchèque ?
« Nous avons fait ce choix parce qu’ici très peu de gens parlent français donc si vous interprétez la chanson française en français, personne ne comprendra. Cela serait dommage parce que c’est une musique magnifique avec des paroles que je trouve très spéciales. »
Les chansons sont-elles traduites mot pour mot où vous y ajoutez une touche personnelle ?
« Elles ne sont pas traduites mot pour mot mais l’idée principale reste la même que dans la version originale. En plus Jiří Dědeček reprend tous les vers et la poésie. Elles sont écrites dans une langue très belle et poétique. »
Gainsbourg, Piaf, Barbara et consorts
Pouvez-vous me donner un exemple de chanson qui a été légèrement modifiée ?
« Je crois l’Anamour de Serge Gainsbourg, car ce sont des paroles compliquées, même en français il n’y a pas vraiment de sens précis donc cela a été modifié pour mieux comprendre en tchèque. »
Le premier disque de ce double album est donc constitué de chansons françaises car vous vous y intéressez mais pourquoi avoir fait le choix d’interpréter d’anciennes chansons ? Qu’est-ce qui vous plait dans ce répertoire ?
« Pour moi la chanson française ancienne c’est autre chose parce que nous interprétons aussi la chanson française des XIVe, XVe et XVIe siècle donc ces chansons sont assez récentes. J’aime la musique de qualité, j’aime la poésie et la ‘vieille’ chanson française est une connexion entre les deux donc cela a toujours été touchant pour moi. Adolescente j’écoutais déjà beaucoup Edith Piaf et Jacques Brel et, même si je ne comprenais pas tout, j’ai senti cette profondeur qui m’a plu. »
C’était donc assez cohérent que vous choisissiez des chansons d’Edith Piaf, de Jacques Brel ou encore l’Aigle noir de Barbara pour cet album mais est-ce qu’une autre logique explique votre choix de titres ?
« Nous avons interprété beaucoup de chansons françaises traduites en tchèque mais, pour le disque, il fallait en choisir treize donc nous pouvons dire que le choix s’est fait selon une logique musicale. Certaines chansons sont tristes, d’autres sont gaies et rapides cela fait que la musique fonctionne bien. »
Pour terminer, le public tchèque connait-il bien la chanson française et est-ce qu’il apprécie généralement ce répertoire ?
« La chanson française est connue parmi les gens qui parlent français, je ne sais pas exactement combien de personnes cela représente mais je crois que ce n’est pas beaucoup. Donc nous voulons diffuser la chanson française auprès de tout le monde mais cela n’aurait pas été possible sans la traduction tchèque. Ici il n’y a que très peu d’interprète de ce genre musical donc c’est toujours quelque chose de nouveau, même si ce sont de vieilles chansons, et je crois que grâce à cela est très apprécié. »