Villes sans voitures: les pays du groupe de Visegrád n’en font pas assez

Photo: www.auto-mat.cz

Les villes tchèques, slovaques, hongroises et polonaises ne font pas suffisamment d’efforts pour limiter la circulation automobile et ainsi améliorer les conditions de vie de leurs habitants : tel est le constat que font les responsables de quatre organisations non gouvernementales de chaque pays actuellement réunies à Prague. Ensemble, ils ont donc lancé un nouveau visant à réfléchir aux différents moyens permettant d’améliorer la qualité de vie dans ces quatre pays d’Europe centrale.

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Selon plusieurs études internationales réalisées ces dernières années et comparant le niveau de qualité de vie dans différentes villes du monde, Prague, Bratislava, Budapest et Varsovie se classent très loin derrière d’autres capitales européennes comme Vienne, Copenhague ou Berlin. Tandis qu’un grand nombre de métropoles en Europe du Nord et de l’Ouest ont mis ou mettent en place diverses mesures visant à inciter les gens à se déplacer en empruntant les transports en commun ou à vélo, une ville comme Prague n’a pas encore fait de l’environnement et du développement durable ses priorités. Membre de l’organisation Auto*Mat, qui lutte notamment pour la limitation de la circulation automobile à Prague, Vítek Masare estime qu’il manque pour cela d’une véritable volonté politique :

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« La majorité des dirigeants ne voient pas plus loin que les frontières de leur arrondissement, de leur ville ou de leur pays. Nous sommes trop concentrés sur notre propre vie. Il est difficile de trouver ici des gens qui ont la capacité d’accepter qu’il existe déjà des dizaines de courants qui n’ont rien de nouveau et qui ont déjà été réalisés dans des dizaines d’autres villes. Beaucoup se disent qu’ils vivent à Prague, dans ce qu’ils considèrent comme la meilleure ville tchèque et dans une grande capitale. Mais ils oublient que Prague devrait aussi se développer et pas seulement rester une ville musée dont les habitants se déplacent d’un bout à l’autre en voiture et dans laquelle ils ne vivent plus finalement. Le courant actuel à l’Ouest est que l’on veut et peut changer des villes de telle manière à ce qu’elles deviennent des lieux de vie et pas seulement de passage. »

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Si ce constat vaut pour Prague et la majorité des villes tchèques, Vítek Masare estime également qu’il vaut également pour les autres pays du groupe de Visegrád. A Budapest toutefois, par exemple, la situation tend à s’améliorer. Là-bas, le Club des cyclistes hongrois, organisation la plus importante du genre en Hongrie, milite et travaille en étroite collaboration avec la municipalité afin de promouvoir l´utilisation du vélo et d´améliorer les conditions de circulation pour les cyclistes. Bien qu’il n´y existe pas de tradition de l´utilisation de la bicyclette comme dans d´autre villes européennes, les multiples campagnes organisées depuis trois ans font que le nombre de cyclistes à Budapest a doublé chaque année jusqu´à représenter désormais 5% de la totalité du trafic. Malgré cela, la « perle du Danube » souffre toujours d´une forte circulation automobile et d’embouteillages. D´après Virág Kovács, représentante du Club des cyclistes hongrois, la présence de voitures trop rapides et dangereuses décourage un grand nombre de Budapestois à monter sur leur vélo pour se rendre au travail, à l’école ou faire leurs courses :

Budapest,  photo: www.auto-mat.cz
« De nombreuses personnes pensent qu´il y a trop d’obstacles et c’est pourquoi elles n´utilisent pas leur vélo. Nous savons que 70 % des habitants possèdent un vélo mais ils ne l´utilisent que comme un passe-temps, pour faire des promenades, mais pas vraiment au quotidien pour se déplacer. Notre rôle est donc de briser ces barrières et de leur montrer que le vélo est un réel moyen de transport et n´est pas fait seulement pour le tourisme. Mais je pense que, progressivement, les gens réalisent que c´est plus confortable, plus rapide et plus durable d´utiliser le vélo. »

Budapest,  photo: www.auto-mat.cz
A Prague, où l’amélioration du trafic automobile est une des priorités pour la municipalité et où malgré la crise économique le nombre de véhicules par habitant augmente constamment, on en est encore loin d’une telle évolution à la hongroise, comme le regrette Vítek Masare :

« Je pense que cette situation est également due aux changements sociaux qu’il y a eu après la révolution en 1989. Pour beaucoup de gens, acheter certaines voitures est devenu quelque chose d’accessible. Posséder une voiture est alors devenu une sorte d’indicateur du niveau social. Le nombre d’automobiles à Prague a énormément augmenté. Le nombre de propriétaires de voiture a doublé les dix premières années. Les automobilistes étant nombreux, les hommes politiques, dans le but d’obtenir le plus grand nombre de voix lors des élections, se sont efforcés de faire le plus possible pour eux. »

Vitek Masare va plus loin encore dans sa critique en comparant la situation actuelle à Prague à celles de Minsk et de Londres, diamétralement opposées :

Photo: www.auto-mat.cz
« Je comparerais la situation de Prague à ce que j’ai vu il y a deux semaines à Minsk en Biélorussie. C’était l’enfer ! Il y avait des routes partout et tout le monde avait des voitures superbes dans un pays où les gens n’ont pas de libertés. Dans une moindre mesure, c’est aussi ce que l’on peut voir à Prague, où, comme je l’ai dit, la voiture est un indicateur du niveau social des gens. Il n’y a pas de volonté de changer quoi que ce soit. Pour cela, il faut quelqu’un d’un peu éclairé ‘en haut’, comme par exemple à Londres. Il y a un deuxième maire favorable au développement durable et à la diminution du nombre de voitures dans le centre-ville. Le maire précédent avait introduit une taxe pour entrer dans le centre-ville et l’actuel a entrepris des investissements presque gigantesques dans les infrastructures réservées aux cyclistes. Ce sont des gens qui ont dû défendre des idées qui ne plaisaient pas à beaucoup de monde. Ici, à Prague, il n’y a rien de tel. Depuis dix-huit ans, c’est pratiquement toujours le même parti qui est à la tête de la ville, et il n’existe aucune volonté de changer quelque chose ou de prendre une décision un peu plus radicale. »
Photo: Ludwig Tegelbeckers

Malgré ce constat et pour s’efforcer de faire avancer les choses dans le bon sens, une manifestation baptisée « Vivre la ville autrement » se tiendra le 25 septembre à Prague, Budapest, Košice en Slovaquie et Toruń en Pologne. A Prague, pendant l’espace d’une journée, certaines rues du quartier de Vinohrady, habituellement très fréquenté par les automobilistes, se transformeront ainsi en zone piétonne et cyclable.