Yves Bonnefoy reçoit le prix Franz Kafka
C'est le poète et essayiste français, Yves Bonnefoy, qui est le lauréat du Prix Franz Kafka de cette année. Le prix lui a été remis, ce mardi à l'Hôtel de ville de Prague, par le maire de la capitale tchèque, Pavel Bem. Dans un discours préparé pour cette occasion, Yves Bonnefoy a parlé de la poésie dans l'oeuvre de Franz Kafka, auteur qui avait beaucoup influencé sa propre création.
« Ma première pensée, ce soir, est de remercier le jury Kafka de m'avoir fait un si grand honneur et lui dire, et dire à vous tous, que je suis très fier de ce signe de sympathie qui me vient d'un pays, d'une civilisation, d'une ville vers lesquels, comme beaucoup de mes compatriotes, je me suis de toujours senti porté par l'admiration et l'affection, un signe qui, à travers moi, s'adresse à la poésie ce qui montre, et veut aussi rappeler, que le rôle de celle-ci dans la société de ce siècle demeure fondamental. »
Yves Bonnefoy s'oppose à Platon et sa théorie du monde des Idées. Toute sa poésie est à la recherche de la vérité de la vie et du moment immédiat à laquelle nous n'arrivons pas à accéder à cause des idées, de l'abstraction et de la pensée conceptuelle exprimées par les mots. Il est convaincu que seule la poésie véritable nous permet de renoncer à notre rationalité et d'entrevoir le vrai visage du monde. Dans le discours prononcé lors de la cérémonie, Yves Bonnefoy a associé Franz Kafka à ses efforts et ses recherches. Il décèle dans l'écriture de Kafka une obstination, et un « travail inachevable du négatif » qui n'est que « la forme que prend chez lui l'espoir spécifiquement poétique de retour vrai à l'expérience de l'immédiat, de l'unité au sein de notre parole, de notre vie. » Pour Yves Bonnefoy, Kafka est loin d'être celui qui désespère :
« ...non pas celui qui se résigne au non sens, mais celui qui croit que nous sommes capables d'au moins apercevoir dans l'en-avant de nos mots une réconciliation poétique de la parole et de l'être. Et comme il n'hésite pas, espérant ainsi à s'engager dans des régions de la conscience de soi où il fait tellement nuit qu'on pourrait être tenté de s'y résigner au non-sens, je dirais aussi, pour finir, que Kafka est un grand exemple, une grande leçon pour un particulier de la poésie d'aujourd'hui qui se cherche parmi tant d'événements horribles, déconcertants de la circonstance historique et tant de pièges de l'intellect. C'est une situation où il n'est que trop facile, même à qui est poète, de se remettre à rêver, et aucun écrivain, plus que Kafka, n'a travaillé de façon plus concrète et plus résolue à déconstruire la possibilité du rêve dans l'écriture, aucun n'a parlé à la poésie avec autant de rigueur et d'exigence. Aucun ne lui a dit avec autant de vigueur le négatif qu'elle se doit d'accomplir, pour que le positif qu'elle pressent, se déclare. »
L'année dernière, le prix Kafka a été décerné à l'écrivain japonais Haruki Murakami et parmi ses lauréats précédents il y a, entre autres, Harold Pinter, Elfriede Jelinek et Philip Roth. Le prix a été doté d'une somme de 10 000 dollars.