2# Ces Tchèques strasbourgeois : « Strasbourg me rappelle ma ville natale »
Tout au long de l’été, Radio Prague vous propose de découvrir les portraits de Tchèques installés à Strasbourg. Comment va la vie en Alsace ? C’est comment la France ? Cela ne vous manque pas trop la Tchéquie ? Autant de questions que nous avons posées pour ce deuxième épisode à Michal Kozderka, qui a récemment décroché une thèse en cotutelle franco-tchèque en Génie industriel. Autour d’un bon soda à la terrasse du café Rive Gauche, sous le soleil estival alsacien, il nous a entre autres parlé bureaucratie, gastronomie et généalogie…
« Premièrement, je suis d’abord venu parce que je me suis trouvé une copine française, franc-comtoise, qui est venue en Alsace. Je suis venu en Alsace dans le cadre de la recherche, ce n’est pas l’Erasmus classique, qu’on connaît dans le cadre d’une licence ou d’un master. C’était un Erasmus stage, le deuxième déjà dans ma vie. Je suis arrivé dans le laboratoire ICube à l’Université de Strasbourg. Finalement, je suis resté du fait de mon travail et de mon équipe ; tout cela se passait très bien. Ils étaient contents de mon travail, je l’étais du leur, de leurs approches. Au niveau personnel, au niveau humain, on a trouvé une bonne synergie et on a donc trouvé le moyen de monter une cotutelle, une thèse dirigée entre deux universités. J’ai donc continué ma thèse ici à Strasbourg, mais toujours avec le partenariat avec mon université à Prague. »
Et aujourd’hui que faites-vous à Strasbourg ?
« Aujourd’hui, je viens de finir ma thèse, je viens de la soutenir. Je suis maintenant un chercheur invité toujours dans le laboratoire ICube et je donne aussi des cours à la Faculté de physique et ingénierie de Strasbourg. »Comment est la vie à Strasbourg ?
« La vie à Strasbourg… je ne sais pas si je peux répondre car je n’habite pas directement à Strasbourg. Moi, j’habite dans l’Alsace bossue à 65 kilomètres d’ici. Mais bon, généralement la vie à Strasbourg… je ne sais pas si je dois donner un seul mot ou une seule phrase… Ce que je trouve attirant ou ce que je trouve personnellement sympathique sur Strasbourg, c’est que cela me rappelle beaucoup ma ville natale, cela me rappelle beaucoup ma vie chez moi… »
C’est-à-dire Jablonec…
« Jablonec oui, tout au nord de la Tchéquie, un peu dans la montagne. Strasbourg n’est pas dans la montagne mais il y a à peu près le même climat, les mêmes types de pluie... Je trouve le même type de brouillard dans le village où j’habite. Il y a aussi la choucroute qui est très appréciée dans les deux pays ! Même au niveau géologique, il y a des similitudes. Et puis je viens d’une région qui a été historiquement très fortement liée à l’Allemagne. Il y avait des partenariats, il y avait des frictions aussi. Il y a énormément de points communs entre ces deux pays, les Sudètes et l’Alsace. Cela me rappelle chez moi. »
Il doit bien y avoir tout de même quelques différences. Qu’est-ce qui vous a surpris quand vous êtes arrivé ici ou qu’est-ce qui vous surprend encore ?
« C’est difficile… C’est vrai qu’il y a la bureaucratie. J’ai eu pas mal de dépressions à cause de la bureaucratie que j’ai rencontrée à l’université ou même dans la vie quotidienne. Déjà le fait de me faire une carte Vitale, cela a été une entreprise longue d’un mois pour finalement trouver qu’il suffisait de recopier un numéro de ma carte européenne pour obtenir un numéro provisoire. Mais en même temps, je ne peux pas dire que la bureaucratie française est pire que la bureaucratie tchèque. J’en ai rencontré quand même moins en Tchéquie mais je suis arrivé en France quand j’avais 21 ans et c’est l’époque où l’on commence à être confronté à la bureaucratie. »Comment sont les Strasbourgeois et les Alsaciens ? Ce sont les mêmes personnes ?
« Bonne question… Je ne vois pas vraiment de différence au niveau humain. Dans notre village, cela parle beaucoup l’alsacien. A Strasbourg, je n’ai entendu l’alsacien que dans le tramway lorsque les noms de station sont prononcés en alsacien. Les Strasbourgeois et les Alsaciens sont sympas. Il y a une seule chose : ils ne savent pas monter dans les tramways parce qu’ils n’attendent pas que les gens en sortent avant d’essayer de monter, donc cela fait des frictions ! »
Avez-vous ici l’occasion de voir et de discuter avec d’autres Tchèques ou bien évoluez-vous plutôt avec d’autres personnes sans avoir cette nécessité forcément de parler tchèque ?
« Je parle tchèque très rarement ici. A proximité, j’ai seulement une collègue tchèque avec qui je parlais de temps en temps quand nous étions voisins à l’INSA Strasbourg. Aujourd’hui, je la vois beaucoup moins donc cela m’arrive une fois tous les deux mois de lui parler tchèque et sinon j’utilise cette langue seulement quand je parle avec ma famille, le soir sur Skype. Mais je n’ai jamais vraiment cherché spécialement le contact avec les Tchèques ici. En même temps, cela peut être dû au fait que je vis dans une société très hétérogène et très internationale. Ma copine travaille dans une grande entreprise orientée dans l’export du vin dans le monde entier. Donc, même dans l’Alsace ‘pure souche’, l’Alsace bossue, on a beaucoup d’amis chinois, espagnols, d’Amérique du Sud… Après, ici sur Strasbourg, j’ai des collègues français mais de toutes origines, de toute la France. Entre chercheurs, cela vient de partout, on ne peut pas vraiment choisir où l’on va atterrir. Quand un poste s’ouvre, on y va ! »Il a été question d’exportation du vin, plus tôt de la choucroute… Quel est votre point de vue sur cette gastronomie alsacienne ?
« Je suis chez moi là ! La choucroute, c’est très populaire ici comme à Jablonec. J’ai même eu l’occasion de manger des galettes de pomme de terre faites à base de pommes de terre qui étaient déjà cuites et battue avec de la farine… »
Des ‘bramboráky’ ?
« Justement pas le ‘bramborák’ mais des ‘placky’. La grande différence, c’est que le ‘bramborák’ est fait à partir de patates crues. Et les ‘placky’, moi je préfère, cela se mange avec la choucroute, j’en ai mangé ici comme à Jablonec. C’est plus régional en Tchéquie donc cela me ramène dans ma région. Sinon il y a la bière, ici comme là-bas. Bon, la Tchéquie, c’est une nation de la bière. Mais en Alsace, on en trouve beaucoup et on en boit beaucoup. »Cela fait maintenant de longues années que vous vivez en France. Quel est votre regard sur ce pays et sur ses habitants ?
« Très positif. Les Français sont adorables. A part la bureaucratie, je n’ai jamais eu le moindre souci avec des Français. Je trouve la mentalité et la culture tchèques très proches de celles des Français. Même si cela n’est pas tout à fait vrai dans le monde de l’industrie ; les industriels ont souvent l’impression que nous sommes très différents. Sur le côté humain, on est très proches finalement. J’ai vécu mes premières années en France à Besançon, je me suis très rapidement senti chez moi et je vis la même chose ici. Je me sens chez moi. »
Et donc vous voyez rester à l’avenir à Strasbourg ?
« Malheureusement non. Même si j’adorerais rester dans l’équipe où je travaille maintenant. Ce ne sont pas seulement les candidats, ce sont aussi les chefs d’équipe qui n’ont pas trop la liberté de choisir combien de personnes ils vont embaucher. Donc il n’y a pas de place et je postule un peu partout en France. J’envoie aussi une candidature en Espagne mais je compte plutôt rester sur le territoire français. »
Pas de retour en République tchèque pour l’instant donc ?
« Pas pour l’instant non. En fait, toute notre famille migre puisque mon frère va bientôt emménager à Belfort avec sa famille. »
C’est donc une grande vague d’émigration de la famille Kozderka vers la France…
« Oui, mais d’un côté c’est aussi un retour, car sous l’Empire austro-hongrois, il y a eu un certain Leopold Schwarz qui a émigré depuis la région de Colmar vers les Sudètes et puis ses descendants lointains se retrouvent de nouveau en Alsace 150 ans plus tard… »