4# Ces Tchèques strasbourgeois : l’Ecole tchèque de Strasbourg

La classe des grands, photo: Pierre Meignan

Pour les enfants nés de couples binationaux vivant en France, il est parfois difficile d’acquérir la langue du parent non français et parfois même d’être familier de sa culture. C’est pour tenter de remédier à ce problème qu’a été créée l’Association franco-tchèque à Strasbourg. Grâce à elle, une école tchèque fonctionne depuis désormais un an dans la capitale alsacienne et le résultat est pour le moins concluant…

L’Association franco-tchèque à Strasbourg

Les professeures de tchèque,  photo: Pierre M.
Rencontrer des enfants en train de faire un pendu en langue tchèque dans une école en France, ce n’est pas banal. C’est pourtant le genre de scènes qui se sont régulièrement répétées chaque mercredi en fin d’après-midi durant l’année scolaire 2016/2017 à l’école élémentaire Jacques Sturm 2 dans le quartier de l’Esplanade à Strasbourg, non loin du campus universitaire. Et c’est loin d’être un hasard, c’est l’Ecole tchèque de Strasbourg, née de l’action volontariste de Tchèques, beaucoup de femmes, réunis au sein de l’Association franco-tchèque à Strasbourg.

Faire en sorte que les enfants vivant dans la métropole alsacienne puissent apprendre dans un cadre scolaire le tchèque, la langue généralement parlée par au moins un de leurs parents, c’est l’idée de départ. C’est ce qu’explique Hana Aubry, la trésorière de l’association :

« Si on ne va pas à l’école, les enfants apprennent rarement seuls à lire et à écrire dans une langue. S’ils ne pratiquent que le français écrit, le tchèque diminue un petit peu et risque peut-être de disparaître, surtout s’il y a une seule personne dans la famille qui parle tchèque. On voit cela notamment dans les fratries. Le premier enfant parle souvent avec le parent tchèque parfaitement, mais avec son petit frère ou sa petite sœur, il parle plutôt en français. Donc, finalement, même au sein de la famille, quand il y a une fratrie et un seul parent, le tchèque devient forcément minoritaire. »

Créée à la fin du printemps 2016 sous l’égide de sa présidente, Irena Marková, l’association, qui regroupe quelque quarante adhérents, s’active pour que l’école tchèque puisse être opérationnelle dès la rentrée suivante. C’est un succès :

« On s’est retrouvé à commencer l’année avec 25 enfants qui sont répartis en trois classes. Les plus petits vont de 3 à 5 ans. Le deuxième groupe, ce sont les jeunes enfants scolaires, un groupe de 6 à 7 ans à peu près, qui est peut-être le plus difficile parce que certains enfants savent déjà écrire et lire en français, et même certains un peu en tchèque. Et le groupe le plus nombreux, c’est le groupe des enfants allant de 9 jusqu’à 14 ans. »

« La langue tchèque est dure »

La classe des aînés,  photo: Pierre M.
C’est ce groupe-ci, celui des aînés, qui a pour maîtresse Pavlína, que Radio Prague est allé rencontrer…

Mathis : « Je m’appelle Mathis et j’apprends le tchèque vu que ma mère est d’origine tchèque. Ma grand-mère et mes cousins habitent là-bas et du coup j’y vais pour apprendre le tchèque. »

Laura : « Je m’appelle Laura et je trouve intéressant d’apprendre plusieurs langues. Et j’avais déjà quelques bases de tchèque comme j’ai vécu là-bas en République tchèque et que j’ai de la famille tchèque, je me suis dit qu’approfondir mes connaissances en tchèque serait intéressant. »

Maxime : « Je m’appelle Maxime et j’apprends le tchèque car je suis né à Prague donc c’est plutôt intéressant. »

Nina : « Je m’appelle Nina et j’aime bien le tchèque parce que c’est la langue d’origine de ma mère et que mes grands-parents vivent là-bas et que j’y ai mes cousins. »

Pour le groupe des grands, l’apprentissage du tchèque se fait de manière classique avec des exercices de grammaire ou encore des dictées. Et apprendre cette langue, notamment l’écriture, quand on s’est familiarisé à l’école avec le français, n’est pas une chose facile :

Garçon : « Globalement la langue est dure parce que, contrairement à l’anglais, l’allemand ou l’espagnol, ce n’est pas du tout proche de la langue française. C’est un univers complètement différent. Il y a de nouvelles lettres et par exemple la lettre K est beaucoup utilisée, ce qui n’est pas le cas pour le français. »

Filip a lui sans doute plus de facilité que ses camarades. Il a une bonne raison pour cela :

Filip : « Je suis Filip et à la maison je parle tchèque parce que mes deux parents sont tchèques et je ne parle le français qu’à l’école. Je suis arrivé en France quand j’avais six mois et j’ai très vite commencé le français. »

A travers la langue, la culture tchèque

La classe des aînés,  photo: Pierre M.
A part Filip et une autre élève, dont un des grands-parents est tchèque, les autres enfants n’ont pas forcément la possibilité de pratiquer la langue tchèque chez eux, où un seul de leurs parents est tchèque. Cette possibilité, ils l’ont lorsqu’ils rendent visite aux membres de leur famille habitant en République tchèque :

Mathis : « Comme ma mère est Tchèque et que mon père il ne comprend pas du tout - il sait juste dire ‘bonjour’ et ‘salut’ -, du coup je parle français et quand je suis en République tchèque, je parle tchèque. »

Anna : « J’adore aller à Prague chez mes grands-parents parce que souvent on va au zoo et j’adore les zoos. Et on va aussi se promener à côté de la Vltava et on me montre comment s’appelle le pont, les rues et les maisons importantes comme les opéras. »

Filip : « En République tchèque, je me sens un peu comme chez moi parce je suis né là-bas, qu’il y a mes grands-parents et que ce sont mes origines. Mais je ne connais pas tout, donc je me sens un peu aussi étranger. »

Smažený sýr ou bien řízek : les voyages en Tchéquie, c’est aussi pour certains l’occasion de découvertes culinaires, plus ou moins concluantes…

Mathis : « Comme dessert, il y a le trdlo, c’est une espère de boule de farine mais avec du sucre. Ou sinon comme plat il y a… cette espèce de pâte blanche… ah oui, le knedlík ! »

Anna : « En Tchéquie, j’aime juste pas du tout aller en colo parce que la nourriture elle n’est pas bonne du tout. Parce que là-bas ce n’est pas du tout la même nourriture qu’ici. Par exemple là-bas il y a des knedlík alors qu’ici cela n’existe pas. Ça, j’aime bien mais en colonie, ils font par exemple des knedlík avec des fruits à l’intérieur et ça je n’aime pas du tout. »

Les cours comprennent aussi une dimension civilisationnelle, pour mieux connaître la culture et l’histoire tchèque, à travers certaines de ses figures marquantes, de Saint Venceslas à Václav Havel en passant par Charles IV. Autant de connaissances qui ne seront pas inutiles, surtout si, plus tard, les enfants souhaitent aller vivre en République tchèque. Nous leur avons posé la question :

Nina : « J’aimerais bien faire mes études en République tchèque parce qu’il y a ma mère qui a travaillé là-bas avec mon frère, qu’il y a mes grands-parents et que maintenant, ce n’est plus très loin de Strasbourg. »

Fille : « Peut-être mais pas pendant toute ma vie, peut-être pendant un an ou deux. Cela serait sympa pendant l’école, mais pas pendant les études. »

Anna : « Moi j’aimerais bien pour travailler parce que moi j’adore la cuisine comme mon cousin, et que mon oncle avait dit qu’on pourrait ouvrir un restaurant ensemble… »

Garçon : « Moi personnellement ce n’est pas du tout dans le plan, mais je me vois peut-être à la retraite en République tchèque y habiter dans une petite maison. »

La perspective est encore lointaine. L’horizon immédiat, c’est la reprise des cours à la rentrée prochaine avec peut-être l’ouverture d’une nouvelle classe pour les plus petits. L’Association franco-tchèque à Strasbourg a de nombreux projets et il n’y a pas de raison qu’elle ne les concrétise pas, vu la réussite de son école. Hana Aubry :

« Les enfants étaient tous très contents, la plupart veulent continuer. Les enfants ont très peu manqué les cours. Par exemple dans le groupe des grands, il y a peut-être eu trois ou quatre absences en tout dans l’année. Ils venaient vraiment tous les mercredis. »