2022, année de la chauve-souris en Tchéquie
Dans l’imaginaire collectif, la chauve-souris est associée à des images négatives, une réputation que n’a pas arrangée sa possible responsabilité dans la transmission du Covid-19. C’est pourtant faire un faux procès au seul mammifère volant au monde, aux ressources insoupçonnées, mais dont l’existence est menacée. C’est pour cette raison que 2022 a été désigné Année de la chauve-souris (netopýr, en tchèque) par l’Union tchèque des défenseurs de la nature.
Embrayant sur les peurs ancestrales, liées aux chauves-souris, la culture populaire a récupéré l’image des chiroptères via des personnages emblématiques de la littérature et du cinéma comme le vampire Dracula ou le super-héros Batman. Si certaines cultures n’ont pas cette aversion pour les chauves-souris, en Occident elles ont depuis toujours fait l’objet d’une certaine répulsion et d’une association, bien malgré elles, au domaine du mal. Daniel Horáček de l’Union tchèque des défenseurs de la nature nous dit pourquoi :
« C’est un animal nocturne. Pour les humains, tout ce qui évolue dans la nuit est entouré d’une sorte mystère. En outre, il est plus difficile d’obtenir des connaissances scientifiques. Et puis il faut dire que les peintres et artistes chrétiens ont choisi la chauve-souris comme une des façons de représenter le diable. Le problème c’est que cette image négative est restée et elle demeure jusqu’à aujourd’hui, même chez les gens qui ne sont pas croyants. »
Ce ne sont pas les seules idées reçues associées aux chauves-souris, qui, non, ne s’accrochent pas dans les cheveux, mais au contraire sont des alliées très utiles et écologiques pour les humains. Ces petits mammifères ailés rendent des services écosystémiques considérables, notamment dans l’élimination des nuisibles :
« Ce sont des prédateurs nocturnes qui ciblent les insectes volants. Sans les chauves-souris, nous serions bien mal lotis. Les chauves-souris aident à réduire les populations des moustiques, les insectes piqueurs, et empêchent la propagation des maladies. Les chauves-souris tuent les nuisibles : sans elles il n’y aurait pas assez ou plus de nourriture pour nous car les insectes mangeraient tout. »
Pas de chance, malgré son rôle important dans la cohabitation avec l’Homme, la chauve-souris, hôte bien malgré elle mais naturel des coronavirus, est considérée comme un des vecteurs probables de la transmission du Covid-19 qui a entraîné la pandémie qui a conduit au confinement de la planète ces deux dernières années. Si 2021 avait été poétiquement choisie comme l’année de la libellule, 2022 devait aussi, selon l’Union tchèque des défenseurs de la nature, remettre à l’honneur le petit animal dénigré, comme le rappelle Kateřina Burešová, coordinatrice de la campagne :
« Nous avons aussi pensé à ce thème du Covid-19 mais nous voulions avant tout nous concentrer sur les menaces auxquelles font face les chauves-souris, comme la disparition de leur alimentation naturelle, c’est-à-dire les insectes. »
Car comme bien d’autres espèces animales, les chauves-souris font également face à un déclin de leurs populations : outre cette pénurie alimentaire, les pesticides sont en cause, mais aussi la pollution lumineuse croissante qui perturbe ces animaux nocturnes et les éoliennes avec lesquelles elles peuvent rentrer en collision.
En République tchèque, ces menaces mettent en péril la diversité existante au sein des espèces répertoriées :
« En Tchéquie, nous avons en tout 28 espèces de chauves-souris. Certaines espèces sont fortement habituées à cohabiter avec l’Homme, d’autres évoluent dans des forêts de hêtres, d’autres encore se concentrent plutôt dans des fissures de roches ou dans des grottes. On voit bien qu’il y a une grande diversité dans le pays, tant dans leur manière de vivre que dans l’habitat ou leur type d’alimentation. »
Les espèces cavernicoles bénéficient d’un terrain de jeu rêvé en République tchèque, grâce aux innombrables espaces souterrains qu’on trouve un peu partout sur le territoire : plusieurs grands ensembles karstiques sont appréciés des spéléologues, mais aussi des chiroptères, comme les célèbres grottes de Koněprusy, le plus long réseau de grottes de Tchéquie situé à quelques dizaines de kilomètres de Prague. Repères de faux-monnayeurs au Moyen Age, elles sont aussi un lieu de prédilection pour les chauves-souris.
Si les petits mammifères s’avèrent être très utiles aux humains, a contrario leur guano corrosif est dévastateur pour les parois et l’intérieur des grottes, et peut être responsable de la dégradation de vestiges archéologiques précieux : fort heureusement, comme le notait récemment sur notre antenne le géomorphologue Laurent Bruxelles qui s’intéresse à cet impact biologique, cela n’a vraisemblablement pas été le cas dans la cavité de Koněprusy où a été retrouvé le crâne de Zlatý kůň, le plus ancien représentant de l’humain moderne en Europe…
Les chauves-souris existent depuis bien avant que l’Homme n’ait parcouru la planète : d’ailleurs, la plus ancienne chauve-souris connue a été retrouvée fin 2007 aux Etats-Unis dans le Wyoming et a été datée à 52,5 millions d’années.
En Tchéquie, le nombre d’espèces recensées pourrait d’ailleurs bien évoluer, comme le relève Daniel Horáček :
« Il est tout à fait possible qu’on découvre de nouvelles espèces sur le territoire tchèque. D’ailleurs, avec le réchauffement climatique, on remarque l’arrivée d’espèces qui, avant cela, évoluaient plutôt dans les régions méditerranéennes. Donc ces espèces migrent vers le nord alors qu’auparavant on ne les y trouvait pas. C’est le cas de la vespère de Savi qu’on ne trouvait pas du tout en Tchéquie il y a dix ans et maintenant, on en retrouve un peu partout dans le pays. »
A l’occasion de cette année de la chauve-souris, l’Union tchèque des défenseurs de la nature organise des promenades pour le public, des conférences, une exposition itinérante et même un concours où il est possible d’envoyer des œuvres d’art axées sur les chauves-souris jusqu’en août. L’occasion d’en apprendre davantage sur ce petit mammifère volant aux facultés fascinantes, que l’on pense à sa communication par ultra-sons ou à sa capacité à se diriger dans les airs sur le principe du sonar.