70 ans après Lidice : commémorations et déclaration du président allemand sur la responsabilité de son pays

Petr Nečas, photo: CTK

Ce dimanche, 70 ans se sont écoulés depuis le massacre de Lidice par les nazis. Lidice, petite bourgade à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Prague, village martyre qui paya le prix de l’assassinat du Reichsprotektor de Bohême-Moravie Reinhard Heydrich. 70 ans plus tard, représentants de l’Etat et survivants ont rendu hommage aux victimes de Lidice. Une cérémonie du souvenir un peu particulière après une déclaration importante du président allemand.

Petr Nečas,  photo: CTK
Lidice, c’est plus qu’un événement tragique de la Seconde Guerre mondiale. Lidice est devenu un symbole de la barbarie nazie dans le monde entier, au même titre qu’Oradour-sur-Glane en France, au point que très vite, après le massacre, des villes et villages prennent le nom de Lidice au Mexique, au Brésil, aux Etats-Unis, des nouveau-nés sont baptisés Lidice, une vague de solidarité chez les mineurs britanniques lance une collecte pour la reconstruction de la commune martyre. Lidice en ferait presque oublier la commune de Ležáky qui connut le même sort.

« Le 10 juin 1942, longtemps avant que le monde civilisé ne découvre les horreurs des camps d’extermination, la mort des habitants de Lidice a ouvert les yeux de la communauté internationale et a révélé le caractère bestial du nazisme. »

C’est par ces mots que le Premier ministre tchèque Petr Nečas a rappelé, dimanche, le tournant du massacre de Lidice. Entièrement rasé par les nazis, le village est d’abord presqu’entièrement vidé de ses habitants, les hommes exécutés, les femmes envoyées en camps, les enfants en partie envoyés en Allemagne pour être germanisés. Une réalité encore bien pire pour l’historien Eduard Stehlík, auteur d’un ouvrage sur le quotidien de Lidice avant le massacre :

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« Même dans les encyclopédies étrangères, on présente les choses ainsi, mais ce n’est pas vrai. La majorité à l’époque, comme dans la plupart des pays d’Europe, était à 21 ans, or les nazis ont exécuté des garçons de 15 ans. Donc ce 10 juin 1942, à Lidice, on tire sur des enfants. Les femmes en camp de concentration ? On oublie de préciser un détail : que c’est à vie. Et pour les enfants envoyés en rééducation dans des familles allemandes, il faut préciser que sur les 150 enfants, seuls 17 sont revenus. Tous les autres ont été gazés. »

Miloslava Kalibová est une des survivantes de Lidice, elle avait vingt ans au moment du massacre, elle ne pourra rentrer en Tchécoslovaquie qu’en juin 1945 :

« Dans l’école où tous avaient été rassemblés, les nazis ont séparés les enfants de leurs mères. Nous avons été envoyées à Ravensbrück et pendant trois ans, nous n’avons rien su de Lidice. Nous avions l’espoir que certains enfants aient survécu, il était impossible pour nous qu’on ait pu leur faire du mal. Des recherches pour retrouver les survivants ont donc été lancées. »

Parmi ces rares enfants à avoir survécu, Vaclav Hanf, retrouvé à Salzbourg :

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« Josefína Napravilová, que je considère comme ma deuxième mère, m’a retrouvé, le 23 décembre 1945, soit le jour précédant le réveillon de Noël. »

De même, Marie Šupíková. Elle avait 10 ans au moment de cet événement tragique. 70 ans plus tard, ses souvenirs sont encore vifs :

« Pourquoi ai-je survécu, moi ? C’est l’ironie de l’histoire, d’une certaine façon. D’un côté, les Allemands m’ont pris ce que j’avais de plus précieux : mon foyer, ma famille. D’un autre côté, on doit être reconnaissant d’avoir survécu : ils m’ont choisie, considérant qu’il était possible de me germaniser. Ils avaient certains critères de sélection. Mais à ma connaissance ils choisissaient plutôt les blonds aux yeux bleus. Je n’ai jamais été blonde. Mais j’ai eu de la chance, j’ai survécu et ai pu rentrer chez moi. »

Marie Šupíková s’installera même, dans les années 1950, dans le nouveau village de Lidice, rebâti à côté du vaste espace vide laissé par les nazis.

70 ans plus tard, le souvenir de Lidice est donc toujours vivant. A la fin de la semaine dernière, le président allemand Joachim Gauck a fait parvenir à son homologue tchèque Václav Klaus, une lettre exprimant sa honte face aux massacres de Lidice et Ležáky, insistant sur la responsabilité historique de l’Allemagne. Une lettre acceptée par Václav Klaus comme un signal important du renforcement des liens germano-tchèques.