70 ans depuis l’exécution du résistant Alois Eliáš
Le 19 juin, 70 ans se sont écoulés depuis l’exécution par les nazis d’Alois Eliáš, ancien légionnaire, haut dignitaire de l’armée tchécoslovaque, mais aussi Premier ministre du gouvernement du Protectorat de Bohême-Moravie sous l’occupation allemande et… résistant de la première heure. Retour sur un destin brisé.
« Pendant la Première Guerre mondiale, il a été membre des légions en Russie et en France. Dans l’entre-deux-guerres, il a fait partie des grandes personnalités qui ont construit la nouvelle armée tchécoslovaque. Il avait des liens très étroits avec la France, il est passé par l’Ecole supérieure de guerre de Paris. Il a eu une activité internationale : pendant la conférence sur le désarmement en 1932-1933 à Genève, il était expert en questions militaires pour le ministre des Affaires étrangères Edvard Beneš, époque où ils ont créé des liens d’amitié. »
En 1939, après l’invasion de la Tchécoslovaquie par les nazis, il devient Premier ministre du gouvernement du Protectorat de Bohême-Moravie. Pourquoi propose-t-on ce patriote à ce poste peu envieux et pourquoi l’accepte-t-il ? Sans doute parce que tous estiment qu’il est le plus à même de défendre les intérêts tchèques, même dans l’adversité. Et, en effet, il n’en restera pas là, comme le souligne Jan B. Uhlíř de l’Institut d’histoire militaire :
« Alois Eliáš a pris ce poste suite à la volonté de grand représentants politiques tchèques. Mais, dans le même temps, il est dès le début à la tête de la résistance intérieure. Il prend très vite contact avec le gouvernement tchécoslovaque en exil, et toutes les décisions du gouvernement du Protectorat ne se font qu’avec l’accord de la résistance à Paris, puis à Londres. »
Mais tout cela prend fin en août 1941. En septembre, le nouveau Protecteur du Reich Reinhard Heydrich prend ses fonctions à Prague. Alois Eliáš est presque immédiatement arrêté, jugé de manière expéditive et emprisonné à la prison de Pankrác, où il reste jusqu’à son exécution le 19 juin 1942, soit un jour après l’assassinat des parachutistes tchécoslovaques, auteurs de l’attentat contre Heydrich.
Alois Eliáš sera le seul représentant ministériel d’un pays occupé à être ainsi exécuté par les nazis pour son activité dans la résistance. En acceptant ses fonctions en 1939, il savait qu’il naviguait en eaux troubles, que son destin pourrait mal finir, et même si d’aucuns lui disent que la nation lui en sera reconnaissante, Alois Eliáš, lui, est plus fataliste et prédit que la gratitude ne viendra que 60 ans plus tard. Il ne se trompera pas, comme le souligne Eduard Stehlík :
« Après la guerre, il a d’abord été distingué en tant que résistant. Il a été décoré de la croix de guerre de manière posthume puis est monté en grade. Mais très vite, il y a eu le changement de régime. Comme il était ancien légionnaire, officier d’une armée considérée comme ‘bourgeoise’, et qu’il avait évolué dans les cercles politiques du Protectorat, il était aisé de le discréditer. C’est pourquoi il a été considéré comme traître sous le régime communiste, avant d’être en partie réhabilité dans les années 1960 puis totalement après 1989. »
Soixante-quatre ans après son exécution, Alois Eliáš a eu droit à des funérailles nationales. Sa dépouille, de même que celle de sa femme, se trouve au Mémorial de Vítkov, à Prague.