90 ans de la section tchèque du lycée Alphonse Daudet de Nîmes

Le lycée Alphonse Daudet, photo: MZV

Les sections tchèques de France, qui existent aujourd’hui à Dijon et à Nîmes, représentent un dispositif unique sans équivalent pour d’autres pays. Leur création remonte en effet à l’époque des plus intenses relations franco-tchécoslovaques. Depuis 1924, quatre jeunes Tchèques partent chaque année dans la métropole gardoise et repartent, au bout de trois ans, avec un baccalauréat français. Trois centaines de jeunes gens ont bénéficié de cette éducation extraordinaire jusqu’ici.

Marie Chatardová et Janine Barbé,  photo: MZV
Rappellons tout d’abord dans quel contexte historique la section tchèque de Nîmes a-t-elle vu le jour. Nous écoutons le proviseur du lycée Daudet, Mme Janine Barbé :

« Cette section a vu le jour grâce à la vie tout à fait particulière d’un Nîmois qui est bien connu chez vous en République tchèque : je parle de l’historien Ernest Denis qui avait participé à l’élaboration de la naissance de la République tchécoslovaque après la Première Guerre mondiale. Il a été très investi dans le rapprochement entre la France et la Tchécoslovaquie. En France, il avait assisté à la naissance de sections qui accueillaient des jeunes Tchèques venant faire leurs études chez nous dans d’autres villes, notamment la section de Dijon en 1920. Il en avait donc parlé au maire de la ville de Nîmes dont il était originaire, et en 1923, ce dernier a réussi à faire voter par son conseil municipal la création de bourses d’études qui permettaient à de jeunes Tchèques de venir étudier gratuitement pendant trois ans, les années du lycée, en France. C’est sous l’influence d’Ernest Denis que la section tchécoslovaque du lycée Daudet de Nîmes a accueilli ses premiers élèves en octobre 1924. Ernest Denis lui-même n’a pas pu assister à l’ouverture de cette section car il est décédé en 1921. »

Les journées des 24, 25 et 26 janvier derniers ont été consacrées aux célébrations commémoratives. En présence de l’ambassadrice de la République tchèque en France Mme Marie Chatardová, le cinéma et la musique tchèques étaient à l’honneur, avec entre autres une chorale d’enfants, élèves d’école primaire qui avaient appris des chansons – en tchèque ! Ne manquait pas une table ronde avec des anciennes élèves, sans oublier une soirée gala et une pièce de théâtre remarquable. Mme le proviseur Barbé revient sur cette représentation :

Photo: MZV
« Dans notre salle de spectacle, nous avons assisté à un spectacle qui a été monté par nos élèves, racontant l’histoire de la section tchèque depuis 1924 jusqu’à nos jours, en particulier en insistant sur les périodes d’interruption de la section pendant les grands évènements de ce vingtième siècle, à savoir la deuxième guerre mondiale et la période communiste en Tchécoslovaquie (la section avait été fermée à plusieurs reprises entre 1939-1946, 1949-1968, puis entre 1973-1990, ndlr.). Ils ont été aidés par les élèves du lycée Carnot de Dijon qui a une section équivalente, mais mixte, tandis que nous avons uniquement une section de jeunes filles. »

En effet, depuis la réouverture des sections tchécoslovaques en 1990, la section nîmoise est exclusivement féminine. Mais cela n’a pas toujours été le cas, comme nous l’a précisé Mme Barbé :

« Avant 1990, les jeunes filles étaient accueillies dans le lycée de Saint-Germain-en-Laye dans la banlieue ouest parisienne. Ce lycée a décidé en 1990 de mettre fin à cette section. Et c’est à ce moment-là qu’à Nîmes, il y a eu la volonté d’accueillir les jeunes filles plutôt que les garçons. Puisque qu’à l’origine, nous sommes un vieux lycée de garçons, et donc les générations précédentes de Tchèques étaient formées de garçons. Depuis 1990, du fait de la fermeture du lycée de Saint-Germain-en-Laye, c’est le lycée Daudet qui a pris la relève. »

… ce qui ne veut pas dire que les jeunes Tchèques mèneraient à Nîmes une vie de couvent. Bien au contraire. Si elles logent à l’internat et disposent d’un dortoir exclusivement réservé pour elles, les filles sont réparties dans des classes différentes pour faciliter leur intégration.

Le lycée Alphonse Daudet,  photo: MZV
Le lycée Alphonse Daudet est par ailleurs le seul établissement du secondaire en France à proposer la langue tchèque en option facultative : nous avons voulu savoir, quel était l’intérêt et la motivation des élèves Français pour apprendre cette langue ?

« Leur motivation c’est souvent l’amitié avec les élèves tchèques qu’ils ont découvert dans leurs classes. Ces amitiés se poursuivent parfois à l’extérieur du lycée, on invite l’élève Français dans la famille tchèque, et par amitié ils ont envie de connaître la langue. Notre assistante qui s’occupe des élèves Tchèques organise des cours pour des gens particulièrement motivés, et on a même un professeur, qui, depuis plusieurs années, apprend le tchèque. »

90 ans, donc, de coopération et d’échange, de transmission culturelle et linguistique, d’enrichissement mutuel, d’intégration réussie, et enfin de construction – lente mais sûre – de relations bilatérales durables entre les deux pays : un bel anniversaire !