A l’Institut français de Prague, une exposition pour le centenaire des sections tchèques en France
L’association des anciens élèves des sections tchèques en France présente, à l’Institut de Prague, et ce jusqu’au 15 mai, « Un rêve tchèque en France », une exposition, à l’occasion des 100 ans de cette coopération franco-tchèque, retraçant l’histoire des sections. Nous avons rencontré Kristýna Křížová, présidente de l’association et ancienne élève de la promotion de 1990. Cette dernière revient sur l’histoire des sections et sur son expérience personnelle.
« Les sections tchèques ont été créées en 1920 donc deux ans après la naissance de la Tchécoslovaquie. Elles ont été créées grâce au partenariat et à l’amitié qui liaient la France et la Tchécoslovaquie à l’époque. La France a été un des pays qui a beaucoup aidé à la création de la Tchécoslovaquie. La France soutenait une équipe d’hommes politiques et d’historiens qui, durant la Première Guerre mondiale, travaillaient à la formation de la Tchécoslovaquie. Lorsque ce pays a été créé, la France a souhaité avoir des relations particulières et bilatérales fortes et a préparé avec la Tchécoslovaquie un système éducatif comprenant plusieurs parties dont la création des sections tchécoslovaques à l’époque en France dans trois villes françaises, Nîmes, Dijon, et Saint-Germain en Laye. Mais également la mise en place d’un lycée français à Prague, la création de l’Institut français de Prague qui s’appelait à l’époque l’Institut Ernest Denis et la création de la chaire des études slaves à la Sorbonne. Tout cela représentait un dispositif permettant à de jeunes Tchécoslovaques talentueux et travailleurs d’être formés à la française et, pour la France, d’avoir de jeunes élites tchèques francophones et francophiles. »
Comment ont-elles évolué depuis leur création ?
« Les sections ont été créées comme un moyen de coopération diplomatique bilatérale entre la France et la Tchécoslovaquie il y a 100 ans. Nous nous trouvons dans un contexte très différent aujourd’hui qui est celui de l’Europe multilatérale, un monde ouvert et les sections existent toujours. De ce point de vue, c’est le contexte qui a évolué mais les sections n’ont pas vraiment changé elles-mêmes. Ce qui a changé c’est qu’il ne s’agit plus de sections tchécoslovaques puisque la Tchécoslovaquie a cessé d’exister donc n’avons plus que des sections tchèques et elles ne sont plus qu’au nombre de deux. Quelques détails de la vie quotidienne ont changé car le monde a évolué mais le principe lui-même demeure. Il s’agit d’un programme pour des jeunes gens dynamiques, ouverts, motivés qui apprennent le français et qui sont prêts à 15 ans à se présenter à un concours et quitter leur cocon familial en partant à l’étranger dans un internat. Ils vont apprendre non seulement une nouvelle langue mais également une nouvelle méthode de travail, découvrir le monde et se découvrir soi-même. »
Qui étaient ces Tchèques qui voulaient étudier en France et quel est leur profil aujourd’hui ?
« Selon ce que nous savons des premiers élèves et ce que nous savons des élèves d’aujourd’hui ce qui n’a pas changé du tout c’est ce dynamisme personnel et le fait qu’il y ait parmi les élèves des jeunes de toutes les régions tchécoslovaques et aujourd’hui tchèques, et de toutes situations économiques. Ce qui n’a pas changé non plus c’est que dans les années 1920 il y avait un fonds qui existait pour soutenir et accorder des bourses à ceux qui étaient issus de milieux modestes. Aujourd’hui il y a un fonds créé par l’Association des anciens élèves pour soutenir ceux qui viennent de milieux plus modestes mais qui ont suffisamment de talent et de courage pour partir. »
Combien d’élèves sont aujourd’hui étudiants dans ces sections tchèques et comment ont-ils été sélectionnés ?
« Il y a aujourd’hui 12 élèves filles à Nîmes, quatre par promotion, et 18 élèves à Dijon, une section mixte, donc nous avons six élèves par promotion, trois filles, trois garçons. Chaque année, le concours se déroule de la même manière. Le ministère de l’Education tchèque qui est aussi un des partenaires principaux du programme prépare le concours. La première phase passe par le dossier. Les élèves doivent remplir des conditions minimales concernant leurs notes générales, puis en français et en mathématiques et avoir une recommandation de leur proviseur. Et puis s’ils passent cette étape, ils sont convoqués à un concours écrit et ensuite pour certains à un oral en présence des deux proviseurs des lycées de Nîmes et de Dijon. »
Que deviennent en général ces étudiants après leur passage dans les sections tchèques ?
« Les élèves tchèques sont libres comme les français de choisir leur orientation. Nous retrouvons de tous les métiers, des chercheurs, des juristes, des médecins, des traducteurs et beaucoup de gens qui s’orientent vers la diplomatie et vers les structures européennes. Environ 40 % des élèves rentrent faire leurs études universitaires en République tchèque, 40 % restent en France et 20 % partent ailleurs. »
Concernant l’exposition, de quoi se compose-t-elle et qui en a été à l’origine ?
« L’exposition a été imaginée par l’Association des anciens élèves pour apporter un élément pour le centenaire des sections et nous avons commencé à la préparer en 2020. Au départ, l’idée était de la présenter à Dijon lors des journées tchèques, mais le Covid a changé les plans de tout le monde. Nous l’avons donc ouverte il y a un mois ici à l’Institut français. C’est une exposition composée d’éléments offerts par les anciens. On y retrouve une série de photos en noir et blanc prises par un élève de Dijon autour de 1970. Celles-ci illustrent la vie quotidienne des élèves, l’internat, le lycée, leurs sorties, leurs loisirs et leur temps libre. Nous présentons également certains documents originaux à consulter dans les vitrines et des panneaux informatifs qui éclairent sur l’histoire des sections, leur évolution dans le contexte international et qui racontent quelques parcours intéressants des anciens. Aujourd’hui, avoir été élève des sections tchèques est un plus dans le CV. Mais si vous étiez élève tchécoslovaque avant la Deuxième Guerre mondiale, puis après, sous la Tchécoslovaquie communiste, avoir fait ses études dans un pays capitaliste était plutôt mal perçu. Nous avons la chance de voir que les sections ont aidé la carrière de certains élèves mais d’autres en ont payé le prix à cause du régime politique de l’époque. »
Quels sont les autres objectifs ou projets de l’association des anciens élèves, quel est leur rôle ?
« L’association est là pour documenter cette histoire et pour réfléchir à l’évolution de ce programme puisque l’histoire est importante mais le futur l’est d’autant plus. Nous travaillons les candidatures à la présentation de ce programme dans les lycées tchèques. Nous sommes là pour les parents et pour les élèves pour répondre aux questions, pour partager notre expérience. Nous avons créé un fonds de soutien pour que les élèves qui souhaitent partir, et qui ont le bagage linguistique nécessaire, le courage, une certaine maturité mais qui viennent d’un milieu plus modeste ne soient pas arrêtés par leur situation économique. Nous avons édité un livre, tourné un film, nous organisons des rencontres. »
Quelle est votre histoire personnelle avec les sections tchèques et quel est votre rôle aujourd’hui dans l’association ?
« Je fais partie de la toute première promotion qui a suivi le changement de régime. Je suis partie à Nîmes en septembre 1990. Nous étions huit et les premiers après 20 ans d’interruption du programme. Au lycée Daudet de Nîmes, nous découvrions en même temps ce qu’est une section tchèque, comment elle fonctionne, comment les mineurs de 15 ans sont encadrés. C’était une aventure en plus, aujourd’hui les élèves ont une situation plus facile car ils ont leurs camarades sur place pour les aider. Pour nous, le fait d’être en novembre 1989 sur la place Venceslas, pas loin d’ici, pour voir la liberté arriver et de se retrouver neuf ou dix mois plus tard en France, c’était vraiment un rêve. Le nom de l’exposition c’est « Un rêve tchèque en France » et nous vivions ce rêve nous-mêmes. Ce que les sections nous ont apporté c’est une énergie pour la vie à suivre et une expérience personnelle, une capacité d’adaptation et de découverte. »
« Nous apprenions une langue d’un pays qu’il n’était pas possible de découvrir auparavant. Nous avions des correspondants, nous pouvions lire des magazines français mais ça s’arrêtait là. Nous avions envie de découvrir et de voyager puisque c’était ce qui n’était pas possible avant cela. »