A 20 ans, l’association Unijazz continue de brasser les générations
L’association Unijazz a fêté cette année ses 20 ans. 20 ans ? Cela voudrait donc dire que cette association, qui veut promouvoir une scène musicale et culturelle alternative, serait née avant la chute du régime communiste ? Qu’est-ce qu’Unijazz, quelle est son histoire, quelles sont ses activités ? Radio Prague s’est rendu au Klub Kaštan à la rencontre de Čestmír Huňát, directeur de l’association.
Nous vous avons déjà parlé des festivals Alternativa, Boskovice ou encore Babí Léto qui se déroulent dans l’enceinte de l’hôpital psychiatrique de Bohnice chaque printemps. Ces trois manifestations sont organisées par l’association Unijazz, qui publie également un mensuel d’actualité musicale et culturelle, UNI.
Au-delà des multiples activités de l’association, c’est aussi son histoire qui est intéressante. En effet, Unijazz est l’héritière de la « section de jazz » (Jazzová sekce), association fondée en 1969 et interdite en 1987 après presque 20 ans d’acitivités jugées subversives par le régime communiste tchécoslovaque. Čestmír Huňát, qui était également un membre de la section de jazz, raconte comment le passage de flambeau entre la section et Unijazz s’est réalisé :
« Unijazz travaille depuis 20 ans puisque nous avons fêté ces 20 ans la semaine dernière. Au début nous travaillions de façon illégale. Au début nous étions, ou nous sommes toujours une organisation héritière de la Jazzová sekce où j’étais aussi un membre du bureau. En 1987, la section de jazz a été paralysée. Cela a fini en procès et tous les membres du bureau ont été envoyés en prison. Et moi aussi. Somme toute, nous avons renoué avec ce travail et c’est de là que s’est développé Unijazz. »
La section jazz était sous le régime communiste une organisation légale, dépendant de l’Union des musiciens tchèques. Cependant, ses multiples activités, organisant rencontres, lectures et surtout un festival de jazz annuel, les journées pragoises de jazz, au succès grandissant, ont rapidement agacé les autorités de l’époque, qui ont cherché tous les moyens possibles pour dissoudre l’association. Elles parviennent donc à leurs fins en 1987, et envoient donc en prison plusieurs des membres de la scetion, accusés notamment de fraudes fiscales.
Remettre sur pied presque aussitôt une organisation similaire pouvait se révéler une opération dangereuse. Čestmír Huňát :
« Petit à petit les membres de la section sont revenus et voulaient continuer mais il était impossible de garder le même nom et c’est pourquoi nous avons donné ce nom Unijazz, qui ne voulait pas pour autant s’intéresser, à l’image de la section auparavant, uniquement au jazz. Nous étions affiliés à la fédération internationale de jazz de l’Unesco, ce qui nous permettait d’avoir un statut légal vis-à-vis du régime. Nous avons essayé d’éviter d’autres persécutions mais ça n’a pas très bien marché parce que le régime nous a interdit tout de même jusqu’à ce qu’arrive novembre 1989. Nous sommes allés nous enregistrer dès le début de 1990. Depuis, Unijazz travaille comme une organisation légale dans le cadre de notre système juridique. »
Depuis 1989, Unijazz peut donc se développer en toute légalité, ce qui ne l’empêche pas de rester fidèle à son esprit d’origine :
« Unijazz ne fonctionne pas comme une agence pour les groupes commerciaux. Nous travaillons avec des artistes dont on pense qu’ils ont quelque chose à dire, qui sont en avance, d’où le nom festival Alternativa. Nous cherchons des choses nouvelles. Nous ne nous cantonnons pas à un style, nous n’avons pas peur des nouvelles expériences. Cela dépend seulement des auditeurs et des spectateurs. Nous ne voulons pas copier ce que l’on entend à la radio ou à la télévision. »
Unijazz travaille encore avec des groupes du milieu alternatif des années 80 comme MCH Band ou le groupe punk Už jsme doma. Mais l’objectif est aussi d’ouvrir les portes de la création aux nouvelles générations :
« Je pense que c’est merveilleux que de nombreux jeunes gens viennent et qui ne savent même pas que nous étions dans un soi-disant monde dissident. Et c’est super chouette de la part de ces vieux groupes qui ont leur expérience et peuvent conseiller ou se confronter avec cette nouvelle génération. Ce qui me plaît à Unijazz c’est qu’il ne s’agit pas d’une question de génération. Ce n’est pas une affaire de tendance ou de mode mais ce que les gens veulent essayer de faire, nous les aidons. Les ‘bolchéviques’ ne laissaient pas le droit d’essayer quelque chose, quitte à ce que cela ne marche pas. Ça nous plaît et je pense que c’est d’autant plus utile quand on regarde le monde autour de soi avec le show-business, et même le business tout court et la politique. Et je suis très content que l’on fasse ce qu’on fait. »