« On a besoin d’un fantôme » : une pièce écrite au ghetto de Terezín qui sort en livre en France

Photo: Rodéo d’âme

Une pièce de marionnettes écrite en cachette en 1943 par Hanuš Hachenburg, un Juif tchèque âgé de treize ans interné dans le ghetto de Terezín, a été éditée toute récemment et pour la première fois en France et dans le monde. Publiée aux éditions Rodéo d’âme, la pièce intitulée « On a besoin d’un fantôme » (« Hledáme strašidlo » en tchèque), raconte les horreurs de la guerre sous une forme ludique et humoristique à travers les yeux d’un enfant.

Photo: Rodéo d’âme
Roi tyran, Analphabète Ier veut que toute la population pense comme lui. Pour arriver à ses fins, il décide de récupérer, avec sa garde des Saucissons Brutaux, les ossements de chaque personne âgée de plus de soixante ans pour créer un fantôme d’Etat qui effraiera les gens… Tel est le résumé de l’histoire de la pièce « On a besoin d’un fantôme », un témoignage de la Deuxième Guerre mondiale dans lequel son jeune auteur manie avec un savoir-faire étonnant pour son jeune âge ironie et humour noir.

Photo: Terezínská štafeta
Né à Prague en 1929, Hanuš Hachenburg passe son enfance dans un orphelinat juif depuis lequel il est déporté à Terezín. Servant de modèle pour la propagande nazie, le ghetto de Terezín soutient la création culturelle qui est soumise à une censure drastique. Néanmoins, quelques œuvres clandestines paraissent en plus de la production officielle, notamment le magazine littéraire « Vedem », publié par les garçons de la baraque numéro 1. Docteur en études théâtrales à l’Université de Strasbourg et directrice artistique de la compagnie Rodéo d’âme, Claire Audhuy décrit sa découverte de la pièce lors des recherches qu’elle a effectuées sur le théâtre de l’extrême :

« J’ai trouvé la pièce ‘On a besoin d’un fantôme’ d’Hanuš Hachenburg dans les archives du mémorial de Terezín. J’étais venue pour chercher dans les archives sans vraiment savoir ce que j’allais trouver. J’ai feuilleté par hasard le magazine ‘Vedem’, qui est un magazine clandestin créé par des jeunes enfants de Terezín. Je pense que je n’étais pas sur le bon chemin. J’étais en train de chercher une pièce de théâtre et je regardais un manuscrit du journal clandestin, donc, normalement, il n’y avait pas vraiment de lien. Et par hasard, dans les huit cents pages de ce magazine ‘Vedem’, il y avait la pièce de théâtre ‘On a besoin d’un fantôme’. C’était vraiment une grande surprise et un accident. Je n’aurais jamais dû la trouver normalement. »

'On a besoin d’un fantôme',  photo: Rodéo d’âme
Conservée grâce à un rescapé de Terezín, Zdeněk Taussig, la pièce dont l’auteur est mort quelques mois plus tard à Auschwitz-Birkenau, a été montée pour la première fois en 2001 par un Australien, Garry Friendmann. Même si elle a ensuite été reprise en 2011 par des étudiants pragois du lycée Přírodní, l’œuvre n’avait encore jamais fait l’objet d’une publication. Claire Audhuy explique pourquoi non seulement la pièce mais aussi l’histoire de son jeune auteur Hanuš Hachenburg lui tiennent particulièrement à cœur :

« Il a été déporté à Terezín, puis il est mort à Auschwitz. A Terezín, il a écrit une pièce de théâtre clandestine. Il ne nous reste plus rien d’Hanuš puisqu’il avait treize ans. Donc, je pense qu’il a été plutôt oublié. La seule chose visible qui reste d’Hanuš à Prague, c’est une petite plaque mémorielle qui a été posée au sol devant son orphelinat. »

En 2014, Claire Audhuy a également mis sur pied un projet spécial afin de présenter cette œuvre et son contexte historique aux élèves des écoles de Genève, en Suisse. Divisés en dix groupes, quelques 140 élèves âgés de treize et quatorze ans ont eu la possibilité de monter cette pièce à l’aide de professionnels du théâtre. Claire Audhuy revient sur cette expérience :

Terezín,  photo: Godot13,  CC BY-SA 3.0 Unported
« Le texte de la pièce ‘On a besoin d’un fantôme’ est assez compliqué. C’est-à-dire qu’il y a beaucoup d’humour noir et surtout beaucoup de références historiques. Si la pièce pouvait être assez claire pour Hanuš et ses camarades en 1943, elle n’était pas tout-à-fait abordable pour des élèves d’aujourd’hui. Nous avons dû expliquer certaines parties et surtout le contexte dans lequel elle a été écrite. Au début, les élèves étaient tout-à-fait perturbés par le texte et ils ne comprenaient pas un certain nombre des choses. Ils avaient surtout une grande appréhension du texte. Ils n’imaginaient pas une seconde que le texte puisse être drôle. Alors que pour moi, il est très drôle. »

Préfacée par George Brady, rescapé de Terezín et camarade de déportation d’Hanuš Hachenburg, la publication, qui a bénéficié du soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, contient également le fac-similé tchèque, des dessins du ghetto ainsi que divers poèmes du même auteur.